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Elon Musk : une vie multiplanétaire est-elle vraiment possible ?

11 juillet 2023
Par Kesso Diallo
Le milliardaire souhaite que l'homme puisse vivre sur Mars, mais son projet est loin d'être réalisable.
Le milliardaire souhaite que l'homme puisse vivre sur Mars, mais son projet est loin d'être réalisable. ©Frederic Legrand - COMEO/Shutterstock

Estimant que l’humanité est condamnée en restant sur Terre, le patron de SpaceX veut faire de l’homme un être multiplanétaire, prévoyant d’envoyer de nombreuses personnes vivre sur Mars. Explications.

Faire de l’humain un être multiplanétaire. Tel est le projet d’Elon Musk depuis plusieurs années. « Nous voulons étendre la vie au-delà de la Terre, c’est important, c’est une mesure de défense », a déclaré le PDG de Tesla et de SpaceX le mois dernier, à l’occasion d’une conférence au salon VivaTech à Paris. Pour le milliardaire, l’espèce humaine est en effet la seule dotée d’intelligence et de conscience dans la galaxie, raison pour laquelle il faut la préserver à tout prix. 

Pour créer cette vie multiplanétaire, Elon Musk mise sur Mars, planète qu’il veut rendre vivable pour les humains avec SpaceX. Mais cela est-il vraiment possible ?

Sauver l’humanité de l’extinction

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de mentionner ce qui motive l’entrepreneur. Il pense que l’humanité est condamnée en restant sur Terre. Pour la sauver d’une extinction, il faut en faire une espèce multiplanétaire, a affirmé Elon Musk lors du 67e congrès international d’astronautique à Guadalajara, au Mexique, en 2016. Le PDG de SpaceX estime que Mars est la seule option pour son projet. Pourquoi ? Car nous ne pourrions pas vivre sur d’autres planètes : Mercure est beaucoup trop près du Soleil, il fait trop chaud sur Venus, où la pression atmosphérique est aussi très différente de celle de la Terre… La Lune serait une autre option, mais elle est plus petite qu’une planète et ne possède pas d’atmosphère. 

Mars, de son côté, a l’avantage d’être proche de notre planète bleue. De plus, même s’il y fait plus froid que sur Terre – vu que la planète est plus éloignée du Soleil –, son ensoleillement reste décent et il est possible de la réchauffer, selon Elon Musk. Autres avantages : la durée d’un jour est proche (24,5 heures) de celle de la Terre et il serait possible d’y faire pousser des plantes grâce à son atmosphère principalement composée de CO2

Un projet loin d’être réalisable

Elon Musk affirme vouloir sauver l’humanité en l’envoyant sur Mars, mais son projet est loin d’être réalisable et ce, dès le départ. Cela, car se rendre sur la planète rouge coûte des centaines de milliers de dollars, une somme que tout le monde ne peut pas débourser. « Dans son discours, il faut comprendre que seuls les hyper-riches pourront quitter la Terre, quitter cette planète qui deviendra invivable. C’est un schéma qui est extrêmement dangereux dans l’esprit de Musk et d’autres puisque finalement, il incite à continuer à polluer et à exploiter la planète jusqu’à ses dernières ressources en pensant qu’après, il suffira de partir sur Mars parce que la planète deviendra invivable », pointe Francis Rocard, responsable du programme d’exploration du système solaire du Centre national d’étude spatiales (Cnes), l’agence spatiale française.

Pour l’astrophycien, le message du milliardaire ne va pas dans le bon sens, car il faut, au contraire, tout faire pour que notre planète reste durable sur des générations. De plus, les hyper-riches ne parviendront pas à créer une civilisation sur Mars, selon lui. « Rien qu’en termes de biologie, à supposer qu’Elon Musk arrive à envoyer des centaines de personnes, il y a le problème de la diversité génétique. Pour avoir une diversité génétique et faire en sorte qu’une civilisation évolue sans avoir de consanguinité, on sait qu’il faut des populations de plusieurs milliers de personnes, ce qui va quand même être très difficile. Le principe d’envoyer quelques hyper-riches sur Mars pour quitter une planète invivable n’est qu’un pis-aller qui n’a pas de sens », explique Francis Rocard.

Entre exploration et colonisation de Mars

Outre cela, le projet du patron de SpaceX d’envoyer des hommes sur Mars n’est pas réalisable en termes d’échéances. Il prévoit de le faire avec le Starship, énorme fusée en cours de développement et qui sera d’abord utilisée pour le retour de l’homme sur la Lune avec la Nasa, annoncé pour fin 2025. « Peu de gens pensent que ce calendrier sera tenu parce que tout ce qu’a à faire Elon Musk, notamment pour son Starship, est assez considérable. Il y a beaucoup de travail à faire et le dernier vol a duré quelques minutes donc, ce n’est que le tout début de l’histoire », indique l’astrophysicien.

Le discours de l’entrepreneur se distingue aussi de celui de la Nasa, du Cnes et de l’Agence spatiale européenne. Là où les trois agences explorent Mars, Elon Musk veut coloniser la planète. Autrement dit, il s’agirait d’un aller simple pour un très grand nombre de personnes, qui parviendraient à y vivre de façon autonome. « L’idée que des colons pourraient vivre en autonomie paraît un peu utopique, parce que beaucoup de gens ont le sentiment que l’équipage sera très dépendant de ce que la Terre pourra lui envoyer pour vivre », déclare Francis Rocard.

Le milliardaire souhaite envoyer un million de personnes sur la planète d’ici 2050 alors que même la Nasa, « qui est en première ligne sur le sujet, devant les Chinois, les Européens, les Russes, prévoit d’envoyer un équipage de quelques personnes – entre deux et quatre – à un horizon qui est déjà assez lointain : autour de 2040, 2050 », indique en outre le responsable du Cnes. 

Terraformer Mars, une opération complexe et longue durée

Enfin, bien qu’Elon Musk affirme qu’il sera possible de vivre sur Mars, c’est loin d’être le cas. Dès 2018, une étude de la Nasa indiquait que la terraformation de la planète était impossible. « Transformer l’environnement martien inhospitalier en un endroit que les astronautes pourraient explorer sans assistance respiratoire n’est pas possible sans une technologie bien au-delà des capacités actuelles », expliquait l’agence. D’après l’étude, non seulement Mars ne retient pas suffisamment de dioxyde de carbone à réintroduire dans l’atmosphère pour la réchauffer, mais celle-ci est aussi trop mince et froide pour avoir de l’eau liquide, un ingrédient essentiel à la vie.

De plus, même si la terraformation de Mars était possible, il s’agit d’une opération susceptible de durer des siècles. « On n’est pas au bout de nos peines puisque, pour être vivable, la planète doit non seulement être réchauffée avec des gaz à effet de serre, mais il faut aussi qu’il y ait de l’oxygène. Il y a donc un autre processus à mettre en route pour que l’atmosphère de Mars contienne de l’oxygène et là encore, ça prendrait deux, trois siècles », précise Francis Rocard. Cette opération coûterait par ailleurs des milliers de dollars. 

Elon Musk est lui-même conscient que plusieurs années s’écouleront avant qu’il ne soit possible de vivre sur Mars. « Je serai sans doute mort depuis longtemps avant qu’on ait construit une ville durable sur Mars, mais, en tout cas, ça serait bien d’avoir mis un pied sur cette planète et d’y avoir vu le début d’une vie », a-t-il déclaré lors d’une récente interview avec France 2.

Même si la planète rouge devenait vivable pour les humains, ce dont doute fortement Francis Rocard et d’autres experts, cela pourrait ne pas durer : « Le jour où la machine artificielle qui augmenterait l’effet de serre tombera en panne, Mars reviendra à son état initial, donc on aura dépensé beaucoup d’énergie et beaucoup d’efforts pour rien », conclut l’astrophysicien.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
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