Plus de 150 dirigeants d’entreprises européennes ont signé une lettre ouverte dans laquelle ils expriment leurs inquiétudes sur le potentiel de la loi à « mettre en péril la compétitivité et la souveraineté technologique de l’Europe ».
L’AI Act inquiète les entreprises européennes. Visant à réglementer l’intelligence artificielle (IA), ce projet de loi imposera des règles afin de garantir que « l’IA développée et utilisée en Europe est pleinement conforme aux droits et valeurs de l’UE ». Alors qu’il a récemment été approuvé par le Parlement européen, plus de 150 dirigeants d’entreprises du bloc, dont Renault, Sorare, Carrefour ou encore Airbus lui ont envoyé une lettre ouverte vendredi, exprimant leurs inquiétudes au sujet de ce règlement. Elle compte aussi Cédric O, ancien secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, et Yann LeCun, responsable scientifique pour l’IA chez Meta, parmi ses signataires.
« Le projet de législation mettrait en péril la compétitivité et la souveraineté technologique de l’Europe sans relever efficacement les défis auxquels nous sommes et seront confrontés. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’IA générative », ont-ils déclaré dans cette lettre également adressée à la Commission et aux États membres de l’UE.
Un écart de productivité aux lourdes conséquences
Les signataires considèrent que la version adoptée par le Parlement « pourrait pousser les entreprises très innovantes à délocaliser leurs activités [et] les investisseurs à retirer leur capital de développement des modèles de fondation européens et de l’IA européenne en général ». Cela, à cause d’une forte réglementation pour les modèles de fondation, comme GPT-4, qui imposerait des coûts de mise en conformité et des risques de responsabilité disproportionnés aux entreprises les développant.
Les entreprises affirment que cela mènerait à « un écart de productivité critique entre les deux côtés de l’Atlantique ». « Comme l’invention d’Internet ou la percée des puces de silicium, l’IA générative est le type de technologie qui sera décisive pour la capacité de performance et donc l’importance des différentes régions », ont-elles expliqué. Autrement dit, « les États avec les grands modèles de langage les plus puissants auront un avantage concurrentiel décisif ».
Selon eux, l’Europe ne peut pas se permettre de rester sur la touche, d’autant plus que l’influence de ces États sera bien plus grande. « En remplaçant les moteurs de recherche et en s’imposant comme les assistants de notre quotidien personnel et professionnel, ils seront des outils puissants qui façonnent non seulement notre économie, mais aussi notre culture », ont assuré les signataires.
Une approche jugée inefficace
Reconnaissant qu’une réglementation adéquate est nécessaire pour encadrer l’IA générative, ils reprochent à l’UE de vouloir ancrer celle-ci dans la loi et de « procéder avec une logique de conformité sévère ». Une approche qu’ils jugent inefficace pour remplir son objectif. Les entreprises estiment que « dans un contexte où l’on sait très peu de choses sur les risques réels, le modèle commercial ou les applications de l’IA générative, le droit européen devrait se limiter à énoncer de grands principes dans une approche basée sur les risques », mis en œuvre par un organisme de réglementation dédié composé d’experts.
Enfin, les signataires soulignent l’importance de la construction d’un cadre transatlantique. « C’est une condition sine qua non pour assurer la crédibilité des garanties que nous avons mises en place (…) Nous sommes convaincus que notre avenir dépend de l’intégration de l’Europe dans l’avant-garde technologique, en particulier dans un domaine aussi important que l’intelligence artificielle (générative) », ont-ils expliqué. Raison pour laquelle ils appellent l’UE à modifier la dernière version de l’AI Act, afin que celle-ci contribue à la compétitivité du Vieux Continent tout en protégeant la société. « C’est notre responsabilité commune de jeter les bases d’un développement européen de l’IA conforme à nos valeurs et qui constitue la base d’une Europe forte, innovante et prospère », ont-ils conclu.