L’univers de Star Wars et celui des jeux vidéo étaient faits pour se rencontrer. Récit d’une riche et longue collaboration.
Partager une vie pendant 40 ans implique forcément de bons et de mauvais souvenirs. Le coup de foudre entre ces deux monuments de la pop culture fut immédiat, mais les tentations marketing, les ratages, et les chefs-d’œuvre ou les titres les plus ambitieux sont nés de cette relation parfois tumultueuse. Surtout, les progrès technologiques du jeu vidéo ont permis d’aller toujours au plus près du matériau original.
Du tout premier jeu Star Wars sur une antique console Atari VCS en 1982, jusqu’au très attendu Star Wars Jedi: Survivor, voici un résumé des épisodes majeurs de la saga. Pour l’anecdote, le poids de Jedi: Survivor, autour de 150 Go, est environ 33 millions de fois plus important que celui de son ancêtre. De quoi mieux saisir ce que cette quarantaine d’années a vu de révolutions.
Des débuts remarqués
Nous sommes en 1982, deux ans après le raz de marée provoqué par la suite d’Un nouvel espoir, L’Empire contre-attaque. Les jeux vidéo se sont fait une place dans nombre de foyers sous l’étendard d’Atari, avec sa console VCS 2600. Le constructeur a vite compris que sortir de nouveaux concepts à chaque titre était bien moins porteur que de surfer sur le succès des licences fortes du moment.
C’est de ce constat qu’est née la toute première adaptation du second film. Un shooter pur et dur, où, à bord d’un Snowspeeder, le joueur doit repousser le plus de vagues possible d’AT-AT, les fameux quadrupèdes blindés impériaux. Une défaite assurée, donc, qui, outre cet aspect intéressant, n’a pas connu un énorme succès critique, mais fut immédiatement un top des ventes. La machine était lancée.
En féru de nouvelles technologies, George Lucas lui-même s’est intéressé à ce marché émergeant. Pour preuve, la sortie d’une ambitieuse borne d’arcade, alors encore en vogue, le fera s’inviter chez les concepteurs d’Atari pour découvrir le résultat de Star Wars Arcade, en 1983. Sous forme de 3D fil de fer, le titre glissait alors le joueur dans la peau d’un pilote de X-Wing, avec l’Étoile noire en ligne de mire.
Dès lors, la déferlante d’adaptations s’est abattue sur toutes les machines de l’époque, des derniers micro-ordinateurs, en voie de disparition, aux nouvelles consoles, puis au PC. Les dix années qui ont suivi la sortie du Retour du Jedi ont donc été fastes, en dépit de productions manquant, arcade mise à part, d’ambitions autre que techniques, comme Rebel Assault, pensé pour le format CD-Rom.
Nintendo et ses trilogies
En 1993, Nintendo réalise un très joli coup en décrochant la licence pour l’adaptation de la trilogie sur sa dernière née, la Super Nintendo. Reprenant le gimmick marketing de l’époque invitant les éditeurs à utiliser le mot « Super » dans leurs titres, LucasArts, fondé par George Lucas en personne, confie au studio Sculptured Software la conception d’une « Super » trilogie. Les trois longs-métrages sont donc portés sur la console, de 1991 à 1993. De l’action, sabre ou pisto-laser en main, mais aussi d’étonnants passages en 3D à bord de véhicules, rendus possibles par le fameux mode 7 de la machine, resteront gravés dans les mémoires… ainsi qu’une difficulté en mode Jedi.
Sur Nintendo 64, c’est une trilogie qui débute, plus près des étoiles, avec Star Wars Rogue Squadron en 1998. Du pilotage, donc, et une réalisation aussi riche que réussie, avec nombre de vaisseaux cultes à utiliser, qui feront du jeu de Factor 5 un des best-sellers de la console. Deux autres volets accompagneront la machine suivante de Nintendo, la Gamecube, avec Rogue Squadron II en 2001, améliorant encore la réalisation et optant pour des options tactiques avancées.
Puis en 2003, Rogue Squadron III inclura également des véhicules terrestres jouables, dont le AT-AT et sa version bipède, le AT-ST. En outre, ce dernier volet canon de la saga proposera du multijoueur à deux sur le même écran. Nintendo aura donc profité longtemps d’un bel avantage sur ses concurrents, mais les lois du marché ont vite rattrapé Lucas, notamment pour accompagner l’arrivée de la nouvelle trilogie au cinéma dès 1999.
Une prélogie “marchandisée”
La seconde trilogie a démontré à quel point caler des développements de jeux sur des sorties au cinéma peut être catastrophique. Le nombre impressionnant de titres censés, à l’époque, profiter de la manne financière que constitueraient les ventes de jeux, n’a jamais compensé leur qualité, au mieux plus que moyenne. En tout, une quinzaine d’adaptations accompagneront les sorties des longs-métrages, parmi lesquelles la seule production que l’on sauvera reste Star Wars Episode I: Racer. Reproduisant l’ambiance et le contenu des fameuses courses de Pod du premier film dès 1999 sur Dreamcast, Nintendo 64, encore, et PC, le titre s’en sort avec les honneurs et un énorme succès commercial en prime.
La loi des grandes séries
Rapidement, le fait de développer un simple copier-coller des grandes scènes d’action d’un des films cultes ne suffit plus à satisfaire la demande exponentielle des fans de Star Wars. Les développeurs cherchent alors à exploiter l’univers dans des franchises à part entière, mettant à l’honneur un aspect particulier de la saga. X-Wing, entamée en 1993 sur PC, donne ainsi son lot de sensations fortes aux pilotes les plus exigeants avec quatre épisodes.
Knights of the Old Republic joue la carte du RPG, avec deux premiers volets dès 2003 sur PC, développés par les génies de BioWare (Baldur’s Gate, Mass Effect), avant un MMORPG formidable, Star Wars: The Old Republic en 2011. Sans doute l’une des plus brillantes productions de cet univers. Il fut le successeur du MMORPG Star Wars Galaxies, de Sony Online Entertainement, qui a, lui aussi, passionné les « padawans » dès 2003, et ce, jusqu’à la fermeture de ses serveurs, vécue comme une véritable tragédie.
Du côté des jeux d’action, outre la série Super Nintendo déjà évoquée, trois sagas restent en mémoire. D’abord The Force Unleashed (2008) et sa suite en 2010, qui mettent à profit les consoles Xbox 360 et PlayStation 3 pour proposer des scènes d’anthologie et un héros inédit charismatique, l’Apprenti. Il s’invitera même, avec Yoda et Vador, dans une célèbre série de jeux de combat, SoulCalibur IV.
En multijoueur, impossible de ne pas évoquer la saga Battlefront et ses multiples épisodes. Avec des batailles souvent dantesques, notamment dans les deux derniers volets sortis sur PS4, Xbox One et PC dès 2015, la série garde toujours une ambiance immersive à souhait. Les centaines d’heures passées sur les champs de bataille virtuels, aux quatre coins de la galaxie, ont laissé des souvenirs indélébiles. Enfin, la formidable réussite de la formule Lego s’est prêtée à merveille à une version pleine d’humour de l’univers Star Wars, avec pas moins de six jeux.
Une question de genre(s)
Jadis cantonné à de l’action et du dogfight, Star Wars s’est vu de façon logique embarqué dans d’autres dimensions ludiques, avec plus ou moins de bonheur. Pour le meilleur, on citera l’excellent jeu de stratégie Empire At War, proposant de prendre en main la gestion des troupes et de leurs ressources dans un rôle de commandant. Joli, malin et offrant un point de vue neuf sur la saga. Ensuite, il y a eu nombre d’expériences plus ou moins catastrophiques. Nous évoquions SoulCalibur IV, mais, des années auparavant, Star Wars: Masters of Teräs Käsi avait tenté le jeu de combat sur PlayStation, en 1997. Un bide intergalactique, une catastrophe industrielle.
Outre une palanquée de jeux de flippers reprenant les thèmes de la série, quelques bizarreries amusantes surnagent dans un flot de tentatives commerciales. Il y eut ce Star Wars Kinect en 2012, compatible avec l’accessoire Xbox 360 du même nom, permettant de mimer les combats au sabre, mais aussi de se lancer dans des danses improbables avec les personnages clés de la saga. Reste que la console collector, elle, était réussie.
Amusant aussi, tant qu’on ne l’achetait pas, Super Bombad Racing avec ses personnages à grosses têtes lancés dans une course imitant Mario Kart, en 2001 sur PlayStation 2. Et puis une grosse larme sera versée sur la tentative de faire un jeu autour de Jango Fett, avec Star Wars Bounty Hunter en 2002. Devenir chasseur de primes dans l’armure d’un mandalorien riche en options plus ou moins létales, avouez qu’après la série The Mandalorian, on signerait pour que ce soit réussi, non ? Mais le résultat fut bien trop mitigé pour convaincre. Espérons que Din Djarin et Grogu inspirent prochainement des développeurs.
Et le futur ?
Le vieux couple que forment Star Wars et le jeu vidéo n’a pas fini de nous abreuver en nouveautés. D’abord, parce que c’est affirmé comme un vœu pieu par Disney, qui veut rentabiliser au maximum son investissement. Ensuite, parce que de nombreux titres sont d’ores et déjà en développement, et pas des moindres. Le plus fort d’entre eux, parce que c’est un studio majeur et que l’on en a déjà vu quelques images, est assurément Star Wars Eclipse de Quantic Dream (Detroit Become Human, Beyond: Two Souls). Cependant, sa sortie n’étant pas prévue avant 2024 ou 2025, il faudra se montrer très patient.
D’autres projets, moins avancés encore, sont dans les cartons. Après Jedi: Survivor, le studio Respawn serait déjà à l’œuvre sur un FPS et un jeu de stratégie. L’éditeur français Ubisoft s’appuiera sur l’expérience du studio Massive (The Division) pour développer un monde ouvert qu’on espère aussi réussi que ses précédentes productions.
Quant au remake de Knights of the Old Republic, disons poliment que l’affaire semble plutôt mal engagée… Espérons que la Force soit avec lui. Dernière belle lueur d’espoir dans cette galaxie lointaine : Amy Hennig, géniale créatrice derrière les succès de Jak & Daxter ou Uncharted, travaille sur un projet Star Wars pour Skydance New Media et Lucasfilm Games. L’histoire ne fait que commencer.