Le Festival international des jeux commence aujourd’hui. À cette occasion, L’Éclaireur s’est faufilé dans les bureaux de Don’t Panic Games pour découvrir leurs secrets de fabrication.
Le Festival de Cannes 2023 est officiellement lancé. Durant les trois prochains jours, les célébrités et leurs tenues pailletées seront remplacées par les nouvelles stars du moment : les jeux de société. Dédicaces, tournois, conférences… L’événement accueillera des dizaines de milliers de visiteurs, dont des professionnels du milieu.
On retrouvera notamment la maison d’édition Don’t Panic Games qui présentera ses nouveautés : Burn, « le jeu le plus épicé de tous les temps », Fighters of the Pacific, la nouvelle extension du Cliché du siècle, Sacrifice 666 (par l’auteur de Lâche pas la savonnette) et Badass Force. Son directeur éditorial et artistique, Sébastien Rost, a accepté de répondre à nos questions avant ces trois jours de folie. Il nous a reçus dans son bureau, dont les étagères sont pleines à craquer de boîtes de jeux colorées.
Les ventes de jeux de société ont décollé pendant et après le confinement. Comment expliquez-vous ce soudain regain d’intérêt ?
On a essentiellement constaté une hausse des ventes de jeux solo ou en duo durant cette période. Mais, effectivement, il y a un regain d’intérêt général autour de la pratique depuis quelques années. La raison de ce succès est simple : on veut se retrouver et prendre le temps de jouer ensemble. De nombreux loisirs ont perdu de leur attrait avec l’avènement du service à domicile et du “cocooning”.
Quand j’étais petit, j’allais écouter des disques ou regarder des VHS chez des potes. Aujourd’hui, on vit toutes ces expériences seul, en couple ou en famille. C’est un cercle beaucoup plus restreint ; on n’invite pas le voisin, car il a accès aux mêmes services que nous.
On vit dans un monde où tout va à 1 000 à l’heure, on regarde même des vidéos en vitesse x2 pour gagner du temps ! Comme son nom l’indique, le jeu de société est pensé pour être joué à plusieurs. Il nous permet de prendre notre temps, de nous détendre et de nous faire plaisir. Quand une personne me dit qu’elle n’aime pas cette activité, je ne la crois pas. Des centaines de titres sortent tous les ans, on peut forcément trouver son bonheur !
Les joueurs, novices comme experts, adoreraient passer 24 heures dans vos bureaux. Faites-nous rêver : décrivez-nous une journée classique chez Don’t Panic Games.
Notre maison d’édition peut compter sur six travailleurs·ses en interne : deux éditeurs qui suivent les projets de A à Z, deux graphistes, une responsable de la communication et une personne qui gère toute la partie administrative. Nous avons aussi une équipe externe composée de traducteurs, de correcteurs, de maquettistes, d’auteurs (seulement une petite vingtaine d’entre eux vivent de ce métier en France)… Mon rôle, c’est de chapeauter tout ce monde !
Nous sortons en moyenne une vingtaine de produits par an. Leur temps de confection est très variable, mais on compte généralement entre un et deux ans entre le début du projet et sa commercialisation. Nous réalisons trois types de jeux : ceux de création (qu’on construit avec l’auteur ou qu’on élabore en interne), ceux de localisation (on traduit et on adapte un titre déjà existant dans un autre pays, pour le marché francophone) et ceux à licence (qui sont créés à partir d’une licence déjà existante comme Naruto Ninja Arena ou Silex and the City, le jeu). Le dernier format est un vrai challenge. Notre objectif est de créer une œuvre à part entière, qui donne la sensation au joueur de vivre un épisode supplémentaire de sa série ou son manga préféré.
Pour répondre à votre question, il n’y a pas de journée type à Don’t Panic Games. Point avec les auteurs, le graphiste ou l’usine, rédaction ou reprise des règles d’un jeu, travail sur la maquette, correction… Notre planning varie beaucoup.
En revanche, nous avons une réunion éditoriale chaque semaine pour essayer des jeux. On les teste aussi avec nos proches ou en festival. Ces retours sont essentiels, car ils nous permettent de rectifier certaines erreurs avant le lancement du produit.
Comment parvenez-vous à vous démarquer de la concurrence face aux centaines de jeux qui sortent chaque année ?
Le secret, c’est d’en tester plein ! On se demande quels jeux nous pourrions éditer, lesquels peuvent apporter une plus-value… Ensuite, notre objectif est de rendre ce nouvel objet harmonieux. Les règles, les textes additionnels, l’histoire, la maquette et l’illustration doivent être cohérents. Le produit doit être original, mais surtout créer une nouvelle sensation, que ce soit au niveau visuel ou dans l’expérience.
En réalité, les règles sont le premier obstacle à un jeu. Si le participant ne comprend pas, il abandonnera rapidement. Nous faisons attention à bien les rédiger et à les faire relire plusieurs fois pour être sûr de proposer un document qui sera le plus simple et didactique possible. Nous multiplions aussi les formats (vidéo explicative, QR code…) pour les rendre encore plus accessibles.
En tant que grand expert des jeux de société, quels titres nous conseilleriez-vous pour des soirées ou après-midi ludiques ?
Pour une petite partie rapide en famille, je miserais sur Ça suffit. Qui a balancé de la nourriture à la cantine ? Qui a dévissé la chaise de la maîtresse ? Qui a enfoncé un chewing-gum dans la serrure ? La maîtresse n’en peut plus, et c’est VOUS qu’elle accuse ! Dans un temps imparti que vous ne connaissez pas, vous devrez utiliser vos cartes pour vous dédouaner et accuser les autres joueurs. C’est très fun et facile à prendre en main.
Pour l’apéro entre amis, partez sur Let’s Summon Demons. Le but : sacrifier des enfants. Les designs sont adaptés de Steven Rhodes, ils sont très beaux. Les joueurs doivent attraper des âmes pour récupérer des cartes “enfants” qui ont des effets et permettent d’invoquer des démons. Le premier qui en a trois a gagné. C’est vraiment très drôle et léger.
On a aussi des jeux de plateau qui peuvent vous occuper durant des après-midi entiers. Par exemple, Cowboy Bepop est un jeu de deckbuilding où l’on construit notre paquet de cartes au fur et à mesure. Chaque participant incarne l’un des quatre héros de l’équipage. On joue chacun pour soi, mais on a aussi besoin des autres.
Durant la partie, nous devons coffrer des criminels dans les trois planètes majeures (la Terre, Ganymede et Mars). On déplace notre personnage, on arrête des individus, on revient à notre vaisseau… C’est un jeu très nerveux et mobile. Bref, on a des dizaines de titres et d’univers passionnants, qui ne demandent qu’à être découverts !