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Les toilettes intelligentes vont-elles bientôt débarquer chez nous ?

07 janvier 2023
Par Florence Santrot
Les toilettes intelligentes vont-elles bientôt débarquer chez nous ?
©Kohler

Connectées à une assistance vocale, dotées d’un purificateur d’air, d’un système d’analyse d’urine ou encore d’un pèse-personne, ces toilettes d’un genre nouveau pourraient changer notre quotidien.

Et pourquoi pas des toilettes high-tech ? Vous avez bien des enceintes connectées, un thermostat intelligent ou encore un aspirateur-robot. Il n’y a pas de raison pour que le « petit coin » reste délaissé. D’autant plus qu’on y va en moyenne 2 500 fois par an, selon la WTO (World Toilet Organization). Depuis plusieurs années, des modèles aux capacités poussées émergent peu à peu. Le CES 2023 de Las Vegas (Consumer Electronic Show) a également été l’occasion de voir des innovations surgir en la matière en ce mois de janvier. 

Le français Withings y a présenté un objet connecté d’un nouveau genre. Ici, pas de montre intelligente, de mesure de la tension ou de pèse-personne relié à une application. U-Scan est un capteur que l’on place dans la cuvette des toilettes et qui va analyser votre urine à chaque fois que vous irez faire la petite commission. Un module de santé qui peut prêter à sourire, mais qui pourrait bien se révéler très utile pour savoir si on est bien hydraté, si on a une infection, si on est enceinte… et plus généralement l’état général de nos organes.

Ce « premier laboratoire connecté d’analyse d’urine à domicile », comme le présente Withings, sera commercialisé en Europe dans le courant du premier semestre 2023. Deux options seront proposées – U-Scan Cycle Sync pour le suivi des fluctuations hormonales des femmes et Nutri Balance pour évaluer la qualité de la nutrition et de son hydratation. Le prix sera d’environ 500 euros.

Des toilettes qui parlent… pour plus de 10 000 euros

On ne parle pas ici d’installer une petite enceinte Echo dans votre salle de bain, mais de toilettes qui intègrent directement Alexa, l’assistant vocal d’Amazon, dans vos toilettes. C’est ce que propose une firme américaine avec son modèle Numi 2.0. Présenté au CES 2019, il a finalement été lancé en décembre dernier. Ce concentré de technologie fait la fierté de la marque Kohler… et aurait sans doute étonné à plus d’un titre son fondateur, John Michael Kohler, qui a créé l’entreprise un certain 3 décembre 1873 à Sheboygan, au bord du lac Michigan, dans le Wisconsin.

Musique, éclairage, jets d’eau et d’air pulsé… Le Numi 2.0 a tout d’un mini-spa.©Kohler

Ces toilettes sont appairées à une application dédiée qui permet de multiples personnalisations pour gagner en confort (comme la température du siège chauffant), mais aussi pour gérer l’éclairage LED tout autour des WC ainsi que le son à 360°.

Ici, le confort n’est pas négligé. Une molette placée au mur permet de gérer différentes options (jets d’eau orientables pour nettoyer la zone intime, air pulsé pour sécher, etc.), l’abattant se relève automatiquement, on peut demander à Alexa des informations, de la musique… ou encore passer commande de nouveaux rouleaux de papier toilette. Le lieu d’aisance n’aura jamais si bien porté son nom, mais il se mérite. Les Numi 2.0 de Kohler sont vendus 11 500 dollars au grand public, un peu plus de 10 800 euros.

Coprata, la science scrute nos selles

Traquer votre état de santé une chasse d’eau après l’autre, voici ce que propose le projet Coprata. À l’origine, des chercheurs de la Duke University, en Caroline du Nord, ont eu l’idée d’analyser les matières fécales pour évaluer l’état de santé des personnes. « Nous pensons qu’il existe une incroyable opportunité inexploitée pour les données de santé. Et cette information n’est pas exploitée en raison de l’aversion universelle à avoir quoi que ce soit à voir avec vos selles », explique au Guardian Sonia Grego, professeure à Duke et cofondatrice de Coprata.

Son idée ? Placer des capteurs dans les toilettes pour analyser les selles au quotidien et faire des WC l’outil d’analyse de santé ultime. Son prototype est capable de détecter la présence ou non de cellules cancéreuses ou des traces de maladies chroniques rien qu’en analysant les déjections. Le système permet de traquer ces informations et de les envoyer à une application disponible sur son smartphone et dont on peut partager les données avec un professionnel de santé.

Sonia Grego imagine notamment une utilité pour le suivi des personnes souffrant de la maladie de Crohn ou du syndrome du côlon irritable : « Il est très difficile de savoir quand intensifier ou désamorcer le traitement. Les biomarqueurs basés sur les selles peuvent fournir ces informations. » Elle estime aussi que son dispositif pourra, au fil du temps, délivrer des conseils nutritionnels, comme inciter à manger davantage de fibres. Reste que, pour l’heure, le projet n’est pas encore commercialisé.

En Asie, des toilettes high-tech déjà entrées dans les moeurs

Si ces nouveautés et projets en cours d’élaboration émergent tout juste dans les pays occidentaux, les WC évolués sont déjà entrés dans les foyers asiatiques, et notamment japonais, depuis longtemps. Le fabricant nippon Toto est un habitué des « toilettes bien-être » avec sa philosophie très « spa » et ses multiples options de confort (bidet, purification d’air, traitement antibactéries, etc.). Mais il ambitionne lui aussi d’aller jusqu’à l’analyse des selles pour conseiller ses utilisateurs sur le régime alimentaire à adopter. 

En 2018, un autre japonais, Panasonic, a mis au point en Chine des WC intelligents capables de tester à la fois l’urine (à l’aide d’un capteur amovible), le poids et le taux de masse grasse des personnes juste en s’asseyant sur la cuvette. Enfin, toujours en Asie, mais en Corée du Sud cette fois, le fabricant Izen a mis au point, avec l’aide de l’université américaine Stanford, des toilettes qui adaptent les paramètres selon la personne du foyer qui s’assoit sur la cuvette. Comment reconnaît-il qui est sur le trône ? En scannant notre zone intime qui, apparemment, est aussi unique à chaque individu que les empreintes digitales… Cela fait rêver.

Le dispositif, créé par Izen et l’université de Stanford, analyse l’urine, le taux de masse grasse… et reconnaît l’utilisateur en scannant son « empreinte anale ».©NCBI

La question des données personnelles se pose plus que jamais

Utiliser ses toilettes pour traquer très facilement son état de santé ou améliorer sa nutrition et son hydratation, pourquoi pas. Mais se pose encore et toujours la question de la gestion de ces données privées et de leur réutilisation par les fabricants. Êtes-vous prêt à partager des informations aussi intimes que les caractéristiques de vos selles avec un des représentants des Big Tech ou votre mutuelle santé ? 

Aux États-Unis, dans certains États opposés à l’avortement, ces dispositifs pourraient aussi être utilisés contre les femmes pour traquer leur niveau hormonal et détecter aussi bien le début d’une grossesse… que son interruption. Autant de barrières possibles. Tout comme l’idée d’avoir une caméra qui pointe directement sur son derrière pour identifier la personne (cf. plus haut le sud-coréen Izen et son « anoderm scanner »).

Verra-t-on un jour la police utiliser ce genre d’informations pour identifier le suspect d’un crime ? Peut-on imaginer des toilettes capables d’identifier si une personne a consommé des drogues dernièrement ? Sans parler du coût encore exorbitant de ces technologies. Pas sûr que ces nouveaux dispositifs entrent prochainement dans nos foyers. Voilà un sanctuaire qui a encore de beaux jours devant lui.

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