La société fait l’objet d’une enquête fédérale pour d’éventuelles violations du bien-être des animaux sur lesquels sont testés ses implants. Depuis 2018, elle en a tué environ 1 500 lors de ses expériences.
La semaine dernière, Elon Musk estimait que le dispositif de sa start-up Neuralink pourrait être implanté dans un cerveau humain d’ici six mois. Cet implant neuronal permettant la communication entre un cerveau et un ordinateur directement par la pensée aiderait les personnes malades, à commencer par les personnes paralysées qui pourraient remarcher.
Un obstacle pourrait pourtant se dresser sur la route de l’objectif des premiers tests sur les humains. Ce mardi, Reuters a révélé que Neuralink est visée par une enquête fédérale pour infraction de la loi animale. Ayant testé son implant sur des animaux, la start-up est accusée d’avoir bâclé ses tests, entraînant des souffrances et des décès inutiles. « Cette enquête intervient à un moment de dissidence croissant des employés concernant les tests pratiqués sur les animaux, y compris des plaintes selon lesquelles le PDG Elon Musk fait pression pour accélérer le développement », rapporte l’agence de presse, après avoir consulté des documents et s’être entretenue avec une vingtaine d’anciens et d’actuels employés.
Un nombre de décès plus élevé que nécessaire
L’enquête a été ouverte ces derniers mois par l’inspecteur général du département américain de l’Agriculture à la demande d’un procureur fédéral. Elle se concentre sur des violations de la loi régissant la manière dont les chercheurs traitent et testent certains animaux. Selon les dossiers examinés par Reuters et des « sources ayant une connaissance directe des opérations d’expérimentation de la société », environ 1 500 animaux, dont plus de 280 moutons, porcs et singes ont été tués lors d’expériences depuis 2018. Les sources ont d’ailleurs précisé que ce chiffre est une estimation car Neuralink ne garde pas une trace des animaux morts lors des expériences.
Plusieurs entreprises mènent de telles expérimentations, avec les animaux qui sont généralement tués une fois les expériences terminées, afin qu’ils puissent être examinés post-mortem. Le nombre de décès chez la start-up d’Elon Musk est tout de même plus élevé que nécessaire selon les anciens et actuels employés. Cela, à cause de la demande du milliardaire d’accélérer les recherches. Le 8 février dernier, il a par exemple envoyé au personnel un article de presse sur des chercheurs suisses ayant développé un implant électrique permettant à un homme paralysé de remarcher. « Nous pourrions permettre aux gens d’utiliser leurs mains et de marcher à nouveau dans la vie quotidienne ! », leur a écrit Elon Musk à 6h37, ajoutant dix minutes plus tard : « En général, nous n’avançons tout simplement pas assez vite. Ça me rend fou ! ».
L’entrepreneur a également dit aux employés d’imaginer qu’ils avaient une bombe attachée à la tête pour les faire avancer plus rapidement à plusieurs reprises ces dernières années et menacé de provoquer une « chute sur le marché » si Neuralink n’allait pas plus vite.
Des erreurs humaines liées à un environnement stressant
Avec cette pression et ce stress, de nombreuses erreurs humaines ont été commises. Au moins quatre expériences impliquant 86 porcs et 2 singes ont par exemple été bâclées. De même, en 2021, 25 porcs sur 60 ont eu un dispositif de la mauvaise taille implantés dans leur tête, ce qui aurait pu être évité avec plus de préparation. Les conclusions de recherche ne pouvant avoir la même valeur à cause de ces erreurs, les tests ont été répétés, entraînant la mort de plus d’animaux. L’approche de recherche de Neuralink est également critiquée. En effet, au lieu de tester un élément à la fois pour en tirer les conclusions pertinentes avant de passer à un autre test, la start-up lance une série de tests, ce qui entraîne plus de décès d’animaux.
Il n’est pas sûr que l’enquête fédérale empêche Neuralink de commencer les tests sur les humains. Syncron, un concurrent de la société, a obtenu l’autorisation de la Food and Drug Administration pour démarrer les essais sur l’homme l’année dernière, après avoir tué environ 80 moutons lors de ses expériences. Les règles sont floues dans ce domaine, comme l’explique Reuters : « Les réglementations américaines ne précisent pas le nombre d’animaux que les entreprises peuvent utiliser pour la recherche, et elles laissent une marge de manœuvre importante aux scientifiques pour déterminer quand et comment utiliser des animaux dans des expériences ».
L’agence de presse indique par ailleurs ne pas avoir pu déterminer l’exacte étendue de l’enquête fédérale ni si elle impliquait les mêmes problèmes présumés d’expérimentation animale identifiés par les employés. Elle s’ajoute à la plainte déposée par un groupe de défense des droits des animaux en février, qui accuse Neuralink d’avoir causé la mort de plusieurs singes en bâclant des opérations chirurgicales.