Les courses illégales de la saga rythment la vie des pilotes avides de sensations fortes depuis déjà 28 ans ; retour sur un parcours étonnant.
Lors de la sortie du tout premier Need for Speed dans les années 1990, les jeux de courses faisant du joueur un hors-la-loi n’étaient pas une nouveauté. Un titre tel que Road Rash (1991), mettant en scène des motards, avait déjà mis en avant des poursuites illégales avec les forces de l’ordre. Mais la licence d’Electronic Arts a su imposer cet élément iconique dans des titres modernes, explorant diverses voies au fil de ses épisodes, entre autoroutes à succès et sorties de routes parfois inévitables. Avec l’arrivée en ce début décembre de Need for Speed Unbound, l’occasion de retracer le parcours de cette franchise bolide du genre était tentante.
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Un improbable « départ arrêté »
Le tout premier volet date de 1994, mais il a fait ses débuts sur une machine aujourd’hui tombée dans l’oubli : la 3DO. Cette console, née de l’imagination de Trip Hawkins, l’un des fondateurs d’Electronic Arts, s’est vue fort logiquement accompagnée à ses débuts par des titres de l’éditeur. Outre l’inévitable FIFA, EA a proposé une exclusivité nouvelle et temporaire : Need for Speed. Mettant à contribution le lecteur CD-Rom et les capacités de Full Motion Video de la console, le premier volet a su se faire un nom sur cette comète du paysage vidéoludique.
La sortie de la Saturn de Sega, et surtout de la première PlayStation de Sony, aux prix de ventes agressifs et à la puissance supérieure, ont enterré la 3DO – sans qu’elles oublient de récupérer le jeu de course pour leurs propres catalogues. À l’époque, Need for Speed mettait en scène des millionnaires trompant l’ennui dans des courses illégales sur de paisibles routes de campagne – bien loin des futurs épisodes urbains.
Flics et autoradio
Le deuxième volet, sorti en 1997, se contentait d’agrandir le garage virtuel du titre. Cependant, Poursuite infernale (le sous-titre français du troisième épisode) a pris une initiative intéressante en 1998. Pour la première fois de la saga, il était possible d’inverser les rôles et de choisir de jouer les pilotes hors-la-loi ou au contraire les forces de l’ordre. L’occasion de découvrir à quel point il est parfois difficile d’arrêter les contrevenants tout en respectant usagers et code de la route.
Une seconde itération de cet opus original a vu le jour quatre ans plus tard, intégrant le système EA Trax venu des jeux de sport et faisant office ici d’autoradio. Il marque essentiellement l’arrivée du développeur Criterion (Burnout) derrière le volant pour bon nombre de courses. Un remake marquera les 10 ans de la sortie du premier volet, preuve que les joueurs ont également apprécié (contre toute attente) jouer le rôle de la police.
Quand GTA veut faire la course
Succès oblige, le début des années 2000 marque l’émergence d’écuries concurrentes sur le tronçon des courses hors-la-loi. Et qui de mieux que les créateurs de Rockstar (GTA) pour s’atteler à pareil défi ? D’abord développé par Angel Studios, Midnight Club s’est peu à peu développé comme un féroce concurrent, s’appuyant sur une bande-son plus urbaine et une ambiance plus orientée vers le tuning.
Plus qu’une idée originale, la jeune licence ne fait qu’épouser les tendances du moment, et c’est bien Need for Speed qui sortira vainqueur de ce duel à distance. Avec ses deux épisodes Underground, le titre joue la carte du tuning, des néons sous le châssis, du drift, du drag… Bref, des courses clandestines modernes. C’est d’ailleurs un véritable retour à ces sources « underground » qu’opère l’épisode Unbound.
Un moteur en surchauffe
Avec 25 jeux sortis à ce jour, Electronic Arts n’a pas souvent laissé le temps à son bolide de refroidir ses pneus. Bien que plusieurs studios se soient passé le témoin, entre EA Black Box, Slighty Mad Studios ou encore Ghost Games, le vrai maître à penser de la franchise depuis son arrivée dans le cockpit reste Criterion. Mais ce rythme effréné cause quelques sorties de route pour la franchise.
Ainsi, les épisodes The Run (2011), le reboot Need for Speed (2015) et les deux derniers épisodes ayant précédé Unbound, Payback (2017) et Heat (2019), ont marqué de gros ralentissements dans une vitesse de croisière pourtant élevée. Pour preuve : des notes Metacritic (l’agrégateur de notes) passant sous la barre de 70/100 pour ces accidents ponctuels.
Les raisons sont diverses d’un épisode à l’autre, mais on y dénote souvent une approche trop différente des canons de la série. Il peut s’agir d’une conduite trop axée simulation, d’un scénario ou d’un monde ouvert peu engageants, ou tout simplement d’une réalisation qui n’est pas à la hauteur.
Breaking Speed Bad
Comme nombre de jeux populaires, Need for Speed s’est laissé tenter par l’idée d’une adaptation cinématographique. Mais, contrairement à ses prédécesseurs dans cet exercice délicat, le jeu de course manquait d’un personnage emblématique. Les producteurs, dont Dreamworks et Electronic Arts, ont eu l’idée de faire appel à Aaron Paul (Jesse Pinkman dans Breaking Bad) pour incarner un pilote chevronné.
Hélas, l’idée d’aller rouler sur les plates-bandes de la célèbre franchise Fast and Furious n’a pas servi un projet mal réfléchi, avec une intrigue et des personnages patauds. Preuve que la licence et l’acteur choisis avaient quand même du charisme, le film a engrangé 200 millions de dollars au box-office, en dépit de critiques au vitriol.
Une franchise multimillionnaire
En 2015, Electronic Arts avait communiqué les chiffres colossaux établis par Need for Speed depuis ses débuts. Avec plus de 150 millions d’exemplaires vendus à travers le monde, tous épisodes et machines confondus, Need for Speed est simplement le jeu de course le plus vendu de tous les temps, devançant même le simulateur phare de Sony, Gran Turismo. Il a su s’imposer au fil de ses déclinaisons comme l’une des licences les plus lucratives de l’éditeur américain.
L’épisode détenant encore à ce jour le record de ventes est le bien nommé Need for Speed: Most Wanted (2005). L’un des fleurons de la franchise avait su faire de la ville fictive de Rockport un lieu de courses idéal, lançant le joueur à la poursuite des 15 meilleurs pilotes de la ville, regroupés dans une mystérieuse liste noire.
Unbound, un Need for Speed déchaîné
Sorti du garage des développeurs expérimentés de Criterion Games, Unbound marque un véritable retour aux sources des meilleurs épisodes de la franchise, en prenant çà et là les points forts de plusieurs d’entre eux. Le côté plus urbain des versions Underground, le système d’adversaires plus personnalisés de Most Wanted, mais surtout une conduite plus arcade, s’inspirant également du titre phare des développeurs, Burnout.
L’immense ville fictive de LakeShore déploie des kilomètres de routes variées, avec un centre-ville exigu et dense, idéal pour démontrer ses talents dans des virages serrés, mais aussi de longs axes en périphérie pour s’imposer dans des épreuves d’endurance, mettant vos nerfs à l’épreuve. Cependant, l’atout le plus surprenant de cet opus, c’est son habillage graphique unique.
Volutes de classe
Dérapages fumants, démarrages en trombe, chocs et vols planés se voient désormais soulignés par un cel-shading du plus bel effet, le tout sans l’ombre d’un ralentissement. Une manière aussi originale qu’esthétiquement réussie de mêler photoréalisme et cartoon, exacerbant les sensations au volant. Le tout est porté par une bande-son supervisée par le rappeur A$AP Rocky en personne.
Par ailleurs, le mode Histoire met en avant une galerie de pilotes plus attachants que d’ordinaire, bénéficiant, eux aussi, d’un aspect crayonné évitant le piège de « l’uncanny valley » d’épisodes précédents.
La création d’avatars se veut suffisamment poussée et les nombreux rebondissements du scénario font vite place à une plus grande liberté d’action et de choix. Les activités sont aussi nombreuses que les raccourcis peuvent se montrer périlleux. Citons en exemple la rampe permettant de couper par les voies du métro aérien, sans que l’on sache si un train passera ou non.
Assurance tous risques
S’il tente de nombreuses choses, Unbound s’appuie sur l’expérience de ses développeurs pour multiplier ses chances de succès. La variété des épreuves donne libre cours aux divers styles de pilotage, et les options de tuning, essentiellement esthétiques, permettent d’admirer quelques superbes bolides sous licence (BMW, Ferrari, Mercedes, Lamborghini). Du muscle-car aux sportives, la liste est suffisamment longue pour satisfaire tous les goûts en matière de belles mécaniques.
Le mode multijoueurs permet d’affronter ses amis, quelle que soit leur machine, grâce au cross-play. Seule légère ombre au tableau : l’absence quasi totale de mécanique, en dehors des réglages de garde au sol. Pour améliorer ses performances, il faudra donc changer de voiture et travailler dur pour engranger les fonds nécessaires. Un épisode aussi rapide que furieux, qui devrait rouler, comme nombre de ses prédécesseurs, vers un nouveau succès.