Critique

Test The Callisto Protocol : dans l’espace, personne ne vous entendra souffler du nez

02 décembre 2022
Par Pierre Crochart
“The Callisto Protocol” est le nouveau jeu du créateur de “Dead Space”.
“The Callisto Protocol” est le nouveau jeu du créateur de “Dead Space”. ©Krafton

Un peu moins de deux mois avant la sortie du remake de Dead Space, dont il s’inspire allègrement, The Callisto Protocol vient clore la saison des jeux AAA de fin d’année. Premier pari réussi pour Striking Distance Studios ? Pas si sûr.

Il y a quelque chose d’amusant, d’émouvant même, à voir Glen Schofield, créateur de la saga Dead Space, revenir aux affaires 14 ans plus tard avec un jeu qui semble boucler la boucle. À la tête d’un studio formé d’autres vétérans de l’industrie, et dans les bonnes grâces de l’éditeur aux poches profondes Krafton (PUBG), le réalisateur a eu carte blanche pour concevoir un titre que l’on pourrait qualifier de façon taquine de « Dead Space avec une fausse moustache ».

Mais, comme nous le soulignions dans notre découverte il y a quelques semaines, The Callisto Protocol est plus que la somme de ses inspirations. De là à dire que tous les voyants sont au vert, il n’y a – malheureusement – pas qu’un pas.

Critiquée réalisée sur PS5 grâce à un code fourni par l’éditeur. The Callisto Protocol est disponible ce 2 décembre sur PC, PS4, PS5 et consoles Xbox.

Vitesse lumière et or noir

Nous sommes en 2320 et, pour Jacob Lee, ça ne devait être « qu’une livraison de plus » à effectuer entre la planète Europe et sa lune Callisto. Seulement, quand son vaisseau est pris en chasse par les hommes de Dani Nakamura, une terroriste notoire, notre protagoniste comprend vite qu’il ne sera pas rentré à l’heure pour dîner.

Les choses vont vite, dans The Callisto Protocol. À peine 15 minutes après le lancement de la partie, notre héros (incarné par Josh Duhammel) se retrouve les fers aux chevilles et emprisonné suite au crash de son vaisseau dans la prison de haute sécurité de Black Iron, sur Callisto. Condamné pour des motifs obscurs, Jacob ne reste pas bien longtemps en cellule. Et pour cause, la prison est sens dessus dessous. Alors que la porte de sa cage s’ouvre, il découvre des infrastructures en flammes, des codétenus mutilés ou des gardes qui se jettent par-dessus bord pour échapper à une confrontation avec les responsables de ce chaos, les biophages.

The Callisto Protocol critique
Jacob Lee ne restera pas bien longtemps en cellule avant de découvrir l’horreur de Black Iron.©L'Éclaireur Fnac / Krafton

Une étrange maladie frappe certains résidents du centre pénitentiaire, les changeant en bêtes informes, décuplant leurs réflexes et leur puissance, mais peut-être plus encore leur instinct de tueur.

Vous l’aurez deviné, les biophages seront les « zombies » de The Callisto Protocol. Ou plutôt, les « nécromorphes », pour reprendre la comparaison avec Dead Space. Des adversaires redoutables, qui connaissent les lieux mieux que vous et qui jouissent d’une mobilité et d’un caractère imprévisibles, qui font de chaque combat évité une petite victoire en soi.

Le Dark Souls des survival horror

Ce qui nous amène directement à l’une des pierres angulaires de The Callisto Protocol : sa difficulté. Nous l’esquissions dans notre preview, et le produit final n’est pas plus délicat à notre égard. Mais ce n’est pas simplement que le jeu de Striking Distance est difficile : il est parfois tellement injuste que l’on en vient à soupirer devant la puissance ridicule de nos adversaires. En ce qui me concerne, j’ai tenu 1h30 avant de passer le jeu en mode Facile… ce qui m’a à peine simplifié la tâche dans certains passages.

The Callisto Protocol critique
Les biophages sont des ennemis rapides et puissants.©L'Éclaireur Fnac / Krafton

Alors quoi, mauvais équilibrage ? Pas seulement. Le système de combat de The Callisto Protocol repose sur plusieurs briques de gameplay qui, prises individuellement, fonctionnent assez bien, mais qui ont du mal à se conjuguer. La première est le combat au corps-à-corps. À l’aide des gâchettes R1 et R2, on peut donner un coup puissant ou faible. Mais il faut surtout lire correctement la gestuelle de l’adversaire pour esquiver des attaques qui ne pardonnent absolument pas.

Pour ce faire, il « suffit » d’incliner le stick gauche vers la gauche ou la droite, dépendant de la provenance de l’attaque. Le problème est que les attaques des ennemis sont si rapides, le sound design si angoissant, que l’on perd vite ses moyens et que l’on se met à jouer à The Callisto Protocol comme on jouerait à Tekken : en appuyant sur tous les boutons en espérant arriver en un seul morceau à la fin du combat.

The Callisto Protocol critique
Le système de combat n’est pas le point fort de The Callisto Protocol.©L'Éclaireur Fnac / Krafton

S’ajoute à cela une mécanique de blocage (que je n’ai jamais réussi à utiliser) qui complexifie encore l’ensemble – et nous n’avons pas encore abordé le cas des armes à feu. À mesure que l’on progresse, on déverrouille en effet plusieurs armes à feu, dont on peut améliorer les compétences contre des crédits à certains points de passage. Libre à nous, ensuite, de tirer dans le tas ou de panacher attaques rapprochées et tirs stratégiques pour faire plus de dégâts (et moins gaspiller de munitions). En clair, lorsqu’un combo de coups au corps-à-corps est mené à bien, une fenêtre de tir critique s’ouvre et permet de dégainer (L2) et de tirer (R2) instantanément dans un bras, une jambe ou – parfois – une tête afin de démembrer l’ennemi.

Ce n’est pas tout. Une troisième couche vient s’ajouter et prend la forme du G.R.P (prononcer « grip »), un gant permettant d’attirer à soi (et de repousser) des objets ou des ennemis. Un peu à la manière du gravity gun de Half-Life 2, cet accessoire nous permet de jouer avec le décor, par exemple en envoyant valser un biophage contre une haie pointue, ou directement dans le vide.

Vous en voulez engore ?

À l’instar de son illustre modèle, The Callisto Protocol fait fi de toute interface pour proposer des indicateurs diégétiques pour tout ce que l’on doit savoir sur son personnage. L’implant de Jacob Lee affiche une barre de santé, et le nombre de cartouches restantes est indiqué par un hologramme surplombant le canon. Tout cela est assez limpide, assez clair, mais se perd malheureusement dans des arènes de combat qui s’accommodent assez mal de la lourdeur du personnage et d’une caméra qui, par défaut, est assez peu coopérative.

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Grâce au G.R.P, il est possible de projeter ses ennemis dans le décor, et donc de les empaller sur des objets tranchants.©L'Éclaireur Fnac / Krafton

En effet, j’ai dû augmenter sensiblement la vitesse du curseur pour réussir à me mouvoir confortablement dans les environnements exigus de Black Iron. Notez que, sur PS5, il est possible d’opter pour la visée gyroscopique pour plus de précision.

Les échecs – et ils seront nombreux, croyez-moi – donneront lieu à des mises à mort particulièrement gores dont le studio semble se gargariser depuis l’annonce du jeu en 2020. Un atout à notre goût, légèrement surcoté tant l’on a l’impression de se retrouver devant de mauvaises fatalités issues de Mortal Kombat. D’autant qu’il est impossible de les passer, ces mises à mort. Autant vous dire que quand vous mourez en boucle sur un (rare) boss, vous finissez par ne plus ressentir grand-chose pour ce pauvre Jacob en train de se faire écarteler.

Un jeu expert du recyclage

Il faut dire aussi que The Callisto Protocol cultive un certain sens du recyclage qui pourrait lui valoir un prix lors de la prochaine COP. Quitte à diluer totalement la force horrifique de sa proposition, Striking Distance s’obstine à nous proposer, dix heures durant, les mêmes chausse-trappes évidentes ; les mêmes screamers téléphonés qui ne feraient pas frissonner un enfant de 8 ans. Le jeu doit la force de son épouvante à ses environnements et à un sound design remarquable, maladroitement noyé dans une surabondance de combats sans saveur. Comme si le studio de Glen Schofield ne savait pas où est la véritable force de son jeu.

The Callisto Protocol critique
Les mises à mort sont très gores… mais aussi assez répétitives quand on meurt en boucle contre le même ennemi.

Soyons clairs : The Callisto Protocol serait un bien meilleur jeu de cache-cache. En lorgnant à ce point vers l’action, le jeu de Striking Distance souffre des mêmes défauts que la plupart des Resident Evil. À savoir que si les débuts sont angoissants, inconfortables, on se retrouve vite surarmé, prêt à faire face à n’importe quelle situation sans réfléchir. Une approche à la Alien Isolation, qui ne laisse jamais la boule qu’on a dans l’estomac rétrécir, aurait été selon nous plus adaptée.

Mais loin de nous l’idée de refaire le match. The Callisto Protocol est le jeu qu’il est, et il réussit certaines choses avec brio. Inattaquable sur la technique (les graphismes sont d’une qualité impressionnante), il propose aussi quelques séquences marquantes qui renouvellent (à la marge) la formule.

The Callisto Protocol critique
Vous allez vous faire attraper des dizaines de fois par ces bestioles, au point que l’effet de surprise ne prend plus du tout.©L'Éclaireur Fnac / Krafton

Nous apprécions également l’humilité du jeu, qui ne se surclasse jamais. Le scénario n’est pas très élaboré… et n’a pas vocation à l’être. Le héros n’a pas besoin d’avoir une backstory profonde. Il est, et reste jusqu’au bout, un type normal qui cherche simplement à sortir en vie de cet enfer.

Même si la (première) proposition de Striking Distance est imparfaite, elle laisse deviner un avenir intéressant pour le studio de Glen Schofield. Si tant est que le réalisateur parvienne à cerner davantage ce que sont les points forts et les points faibles de ses jeux.

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Article rédigé par
Pierre Crochart
Pierre Crochart
Journaliste
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