Les apprentis du justicier avaient fort à faire pour se montrer à la hauteur de leur mentor. Notre verdict, tout en nuances.
Difficile, voire impossible pour certains, de dissocier Gotham Knights, sorti le 21 octobre dernier, des aventures de Batman dans la trilogie Arkham réalisée par Rocksteady. Il faut dire que ces trois jeux (ainsi que le spin-off Origins, déjà l’œuvre de Warner Bros. Montréal) avaient largement rendu justice au héros de DC Comics et à son univers, en hissant la chauve-souris au panthéon vidéoludique. Sa réalisation, ses effets de mise en scène parfois surprenants, son action rythmée par un système de combat quasi parfait, sa ville de Gotham à l’ambiance sombre et gothique… Rien ne venait porter d’ombre sur ce triptyque d’anthologie.
Funestes débuts
Lorsque le studio Warner Bros. Montréal a pris la suite de Rocksteady, il a décidé de voler de ses propres ailes d’une façon plutôt expéditive. Annoncé depuis longtemps, le scénario débute en effet par un choc : la mort de Bruce Wayne. La longue mise en scène de ce tragique événement, où l’on assiste impuissant à la mort du milliardaire dans son rôle de super héros, se termine par son enterrement. Ces funérailles réunissent ses anciens alliés : trois générations de Robin (Nightwing, Red Hood et Tim, dernier Robin en date) accompagnées de Batgirl (Barbara Gordon, la fille de l’inspecteur lui aussi décédé) vont devoir prendre la relève. De manière assez amusante, les enjeux attendant les héros embrassent ceux des développeurs.
Faire son deuil
Les débuts de l’aventure rendent la comparaison difficile. Cette nouvelle vision de Gotham, plus moderne, avec ses jeux d’éclairages, ses néons, lui font perdre un peu de son côté gothique, mais rendent le spectacle plus agréable à l’œil. Les déplacements débutent avec la seule aide d’un grappin, quel que soit le héros choisi, et les combats, bien que dynamiques, souffrent de problèmes de caméra qui nuisent parfois à leur bon déroulement, souvent dans des moments critiques (esquive, coup final). Et le pire ennemi du joueur durant les premiers instants de jeu reste clairement l’interface utilisateur, riche, mais ô combien confuse.
Des mécaniques méritoires
En voulant introduire de nouvelles mécaniques proches du RPG, Warner Bros. Montréal a en effet dû rompre avec la simplicité et l’accessibilité des jeux Arkham. La création de costumes avec des matériaux récupérés et la possible fusion de cellules enrichissent les équipements de chaque membre du quatuor de justiciers. On se perd trop fréquemment dans des sous-menus qui invitent certes à la curiosité, mais ralentissent, cassent le rythme du début de l’aventure. Ce n’est qu’au bout de longues heures de jeu que l’expérience devient enfin plus convaincante, non sans efforts pour comprendre – puis maîtriser – certaines mécaniques.
Montée en puissance
Pour s’en sortir face à la multiplicité des menaces, entre la Cour des Hiboux, Harley Quinn, Freeze, le Pingouin ou Clayface, le joueur se disperse un peu. Après avoir découvert le système de gardes de nuit, où chaque sortie du Beffroi permet à un héros de progresser, de mettre à jour des crimes à venir en interrogeant des suspects ou en découvrant des indices, le jeu dévoile un peu plus son potentiel. Faire monter en puissance ses héros en prenant soin d’alterner selon leurs capacités et les missions proposées (Red Hood est brutal, Nightwing agile, Batgirl experte en piratage et Robin en infiltration) se montre vite satisfaisant. Car, une fois mieux équipés, nos héros peuvent abattre de puissants ennemis grâce aux effets élémentaires.
Reprendre son envol
Surtout, les moyens de se déplacer dans une Gotham plus grande que jamais s’étoffent. Après des débuts en Batcycle sympathiques, mais moins pratiques que le vol des Arkham, on découvre, en remplissant les défis Chevalier de chaque héros, des compétences plus ou moins similaires à celles de la cape emblématique de Batman. Scanner les drones de surveillance aux quatre coins de la ville permet également d’effectuer des voyages rapides, grâce à Julius Fox, toujours à la pointe de la technologie. En résumé, il faut du temps à Gotham Knights pour prendre son envol, au propre comme au figuré, le scénario prenant lui aussi le temps de poser quelques éléments clés avant d’enfin révéler tout son potentiel.
Gotham ne dort jamais
Avec une pléthore d’activités annexes – des courses contre la montre en Batcycle, des bonus cachés par Wayne dans toute la ville, les crimes des différentes factions –, difficile de s’ennuyer dans les rues de cette nouvelle Gotham. Le plus grand défaut de Gotham Knights reste finalement cette lenteur au démarrage, accompagnée de vraies difficultés dans la présentation et un manque de clarté de ses nombreuses mécaniques de gameplay. Techniquement, la limite des 30 images par seconde n’apparaît pas comme gênante sur console, et reste probablement liée à la possibilité de jouer en coopération.
Des héros coopératifs
Car c’est un autre atout que l’on découvre en général une fois à l’aise avec le jeu solo : le jeu en multi permet d’affronter des séquences certes plus difficiles, mais bénéficiant d’atouts spécifiques à la collaboration. Une bonne façon de faire grimper sa jauge d’expérience plus vite, en attendant des événements multijoueurs à venir, tels que le mode Assaut Héroïque prévu pour le mois de novembre. Il faudra donc un peu de patience au début, de l’indulgence face à quelques moments hérités de l’ancienne génération de consoles (chargements plus ou moins masqués, bugs de collision…) pour au final profiter d’une aventure bien moins décevante que certaines critiques ont pu l’annoncer.