Après s’être illustré au cinéma, Mike Flanagan a réinventé le genre horrifique sur le petit écran avec des créations aussi terrifiantes que poétiques.
Plusieurs réalisateurs ont hérité du titre honorifique de « maître de l’horreur ». George Romero, John Carpenter ou encore Wes Craven ont marqué leur époque à travers des créations personnelles. Plus tard, le gore est devenu le symbole d’une nouvelle ère cinématographique avec Alexandre Aja, James Wan et Robert Rodriguez.
L’horreur s’est aussi invitée dans les séries dans les années 2010 et, plus récemment, à travers la caméra de Mike Flanagan. Ses créations aussi populaires qu’horrifiques ont permis au cinéaste originaire de Salem de s’imposer comme le numéro 1 du genre aujourd’hui. Une reconnaissance que le metteur en scène a acquise au gré de rencontres, et en imposant ses propres codes. Explications.
S’entourer des bonnes personnes
Après quelques films dramatiques et une première incursion dans l’univers des fantômes dans les années 2000, le réalisateur opère à partir de 2011 un réel passage vers le cinéma de genre. Cette année-là, il réalise Absentia et attire l’attention du géant de l’industrie, Blumhouse. C’est le début de sa collaboration avec la société de production de Jason Blum et de celle-ci vont naître The Mirror (2013), Pas un bruit (2016) et Ouija : les origines (2016).
Plus tard, et pour assurer son sacre, le réalisateur fait appel au pape de l’horreur Stephen King sur le plateau de son neuvième film, avant de s’attaquer à l’adaptation de Doctor Sleep (2019), la suite du mythique Shining. L’auteur, qui n’a jamais caché sa déception face à l’œuvre de Stanley Kubrick, valide et approuve celle de Mike Flanagan, celle-ci rattrapant, selon ses dires, les fautes commises en 1980.
Une reconnaissance à l’heure des séries
Malgré son faible score au box-office mondial (72,3 millions de dollars, contre 473,1 millions pour le deuxième chapitre de Ça, autre adaptation de King sortie la même année), Doctor Sleep permet à Mike Flanagan de se faire connaître du grand public et d’attirer l’attention de Netflix. Grâce à la plateforme, le réalisateur impose son style unique en opérant en tant que showrunner, scénariste et monteur.
Avec les séries, il s’éloigne de ses films high concept et des scripts nanaresques pour offrir des créations aussi bien terrifiantes qu’émouvantes, à la mise en scène calibrée. C’est le cas de The Haunting of Hill House (2018), qui filmait les traumatismes de la famille Craine après une nuit de terreur, puis de The Haunting of Bly Manor (2020), qui, sous forme de huis clos, nous embarquait dans le passé trouble d’un manoir isolé. Sermons de Minuit (2021) se concentrait quant à elle sur le quotidien sombre d’une communauté religieuse, dans une île au large des États-Unis.
Dans sa nouvelle création, The Midnight Club, Mike Flanagan revient sur le mythe de la maison hantée, pour en faire cette fois-ci un hospice pour adolescents mourants. La série reprend des codes de la narration de Hill House, tout en apportant une réflexion macabre sur la condition humaine. Menée par un casting inégal et moins impactant que ses grandes sœurs, Midnight Club cultive toutefois un sens du suspense qui en fait un divertissement idéal pour Halloween.
Entre émotion et frisson, l’univers unique de Mike Flanagan
Tous ces décors correspondent aux attentes de l’industrie, mais Mike Flanagan les modernise. Avec ses séries, le metteur en scène dépoussière la maison hantée et les histoires de fantômes grâce à une mise en scène réfléchie. Focus sur les personnages, plans-séquences, flashbacks, dialogues millimétrés… Le suspense n’est pas gratuit et cache souvent une émotion rare pour le genre horrifique contemporain. Ce dernier n’est d’ailleurs pas indissociable d’une certaine poésie pour Mike Flanagan, ce qui lui permet d’exploiter complètement le format sériel.
Le jeu de piste mis en place par le showrunner apporte du rythme et débouche souvent sur une fin amère pour ses personnages. Car, loin de se cantonner au final spectaculaire et sanglant, le cinéaste préfère offrir une fin intime à ses protagonistes. Leur appréhension fait partie intégrante de son univers. Secrets et torturés, ils représentent un élément scénaristique capital qui dynamise la narration.
Cette dernière repose souvent sur le mythe du fantôme, l’incarnation des traumatismes passés et des craintes futures. Si le réalisateur adapte en effet cette légende à l’époque actuelle, il tire cependant son inspiration des incontournables de la littérature surnaturelle, comme La Tour d’écrou d’Henry James (1898), Maison hantée de Shirley Jackson (1959), et prochainement La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe (1839).
Un cas unique ?
Mike Flanagan offre donc de la profondeur aux histoires de revenants et renouvèle chaque année un genre devenu obsolète. Il ausculte avec autant de sentiments que de peur les traumatismes humains et les histoires d’amour, tout en distillant un propos sociétal. Par exemple, dans Sermons de minuit, c’est tout l’obscurantisme religieux et le fanatisme d’une communauté qui sont pointés, à une époque où l’Amérique conservatrice revient en force.
À travers une panoplie de personnages – que l’on retrouve souvent sous les traits de ses acteurs fétiches comme Kate Siegel, Victoria Pedretti ou encore Rahul Kohli –, le showrunner est donc parvenu à imposer sa patte, sa photographie et son sens du suspense. Si des séries comme Penny Dreadfull (2014) rappellent l’ADN de Hill House, que certains cinéastes, comme Guillermo del Toro et son Cabinet des curiosités (2022), s’essaient au format plateforme, tandis que d’autres, comme Ari Aster, préfèrent s’illustrer sur grand écran, peu de créateurs de séries ont réussi à s’approprier l’horreur de façon aussi intelligente. On peut cependant citer Ryan Murphy, qui nous a donné la chair de poule de façon aussi prolifique que Mike Flanagan avec American Horror Story (2011).
Ceci étant dit, cette anthologie revisite les formats du genre tout en ayant des intentions de mise en scène différentes de ses concurrentes. Les incursions comiques, glamour et dramatiques de Ryan Murphy (The Politician, Hollywood, Halston…) – malgré un retour avec la production de Dahmer (2022) – l’empêchent cependant de se hisser à la première place des maîtres de l’horreur.
Le titre revient donc de manière légitime à Mike Flanagan. Un statut que le showrunner devrait endosser encore longtemps, car, entre la sortie de The Midnight Club le 7 octobre 2022 sur Netflix, et l’adaptation de La Chute de la maison Usher version The Haunting, les abonnés de la plateforme ne seront pas en reste de frissons.