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Les bandes originales les plus marquantes du cinéma de Jean-Luc Godard

13 septembre 2022
Par Félix Tardieu
Jean-Luc Godard au Festival de Cannes, 2001
Jean-Luc Godard au Festival de Cannes, 2001 ©Denis Makarenko / shutterstock.com

Le cinéaste Jean-Luc Godard, chef de file de la Nouvelle Vague, est mort le 13 septembre à l’âge de 91 ans et laisse derrière lui un impressionnant panthéon de films (Pierrot le fou, Le mépris, Vivre sa vie, etc). Retour, à travers des bandes originales mémorables, sur quelques chefs-d’oeuvre du réalisateur franco-suisse qui a toujours accordé une importance primordiale à la musique.

À bout de souffle, 1960 – Martial Solal 

En 1960, un certain Jean-Luc Godard signe avec À bout de souffle, son premier long-métrage (sur une idée de François Truffaut), un véritable manifeste de la Nouvelle Vague. Jean-Paul Belmondo en petit truand, amoureux transi de Jean Seberg, étudiante américaine vendant le New York Herald Tribune sur les Champs-Elysées. Le film d’une génération, et les prémices d’une révolution esthétique et cinématographique. On savourera, encore et toujours, la musique composée par le pianiste de jazz Martial Solal, accompagnant notamment les déambulations de Seberg et Belmondo sur la plus belle avenue du monde.

Jean-Pierre Melville aurait convaincu Godard d’enrôler le pianiste qui venait de signer sa première musique de film pour Deux hommes à Manhattan (1959). 

Vivre sa vie, 1962 – Michel Legrand 

Avec Vivre sa vie, Godard expérimente de nouvelles contrées cinématographiques et laisse libre cours à l’expérimentation (décalage image/son, caméra fixe et en mouvement, etc.). Un an après Une femme est une femme, le cinéaste fait de nouveau appel à l’immense compositeur français Michel Legrand – connu d’entre tous pour sa collaboration avec Jacques Demy, des Parapluies de Cherbourg aux Demoiselles de Rochefort – pour ce film phare en douze tableaux mettant en scène sa muse de l’époque, Anna Karina, dans la peau d’une prostituée.

À partir de trois simples notes, Michel Legrand décline un thème minimaliste et hautement mélancolique dont Godard se délecte au montage. Legrand signera également la musique de Bande à part (1964). 

Le mépris, 1963 – Georges Delerue

C’est sans doute la bande originale la plus célèbre de la filmographie de Jean-Luc Godard et l’une des plus mémorables de l’Histoire du cinéma tout court. Le mépris, adaptation du roman éponyme d’Alberto Moravia emmené par le duo iconique formé par Michel Piccoli et Brigitte Bardot, est le grand film théorique de Godard sur ce qu’est le cinéma et demeure entre autres inoubliable pour la partition du prolifique compositeur Georges Delerue – lequel composa plus de 300 bandes originales et remporta l’Oscar en 1980 pour la musique du film I love you, je t’aime.

L’inoubliable thème composé pour le personnage Camille (Bardot), indissociable du film, traverse le long-métrage tel un leitmotiv envoutant. Preuve de son influence dans le cinéma moderne, le thème sera repris par Martin Scorsese dans une scène de Casino (1995).  

Pierrot le fou, 1965 – Antoine Duhamel 

Le compositeur français Antoine Duhamel obtient la bande originale de Pierrot le fou – cette nouvelle aventure avec Belmondo dans le rôle-titre marque le point culminant d’une période faste chez Godard, avec pas moins de dix films réalisés en l’espace de cinq ans – après avoir été proposé au cinéaste par Anna Karina. Le réalisateur, qui n’aime pas donner d’indications, donne carte blanche au compositeur et exige simplement de lui « deux, trois thèmes à la Schumann »   – pour le thème de Ferdinand/Pierrot, le compositeur arrange un thème schizophrénique, à l’image de la maladie dont souffrait Schumann.

Comme à son habitude, Godard découpe la musique en même temps qu’il découpe l’image sur la table de montage. Les deux hommes travailleront une dernière fois ensemble sur Week-end (1967).

Sauve qui peut (la vie), 1980 – Gabriel Yared 

On présente généralement Sauve qui peut (la vie) comme le retour de Godard à un système de production classique – même si, à y regarder de plus près, cinéma et politique ne cessent de s’articuler dans ses films – après une longue période de cinéma militant marquée par Mai 68, notamment avec le collectif Dziga-Vertov, puis d’expérimentation vidéo. Pour Sauve qui peut (la vie), film lui-même conçu comme une composition musicale en quatre mouvements, Godard donne pour seule indication à Gabriel Yared de composer la musique « autour de quatre mesures, tirées de l’acte II de La Gioconda, l’opéra de Ponchielli ». Le compositeur, qui signe ici sa toute première bande originale, livre une partition novatrice.

La carrière du compositeur est lancée – ce dernier remportera l’Oscar de la meilleure bande originale en 1997 pour Le Patient anglais. C’est paradoxalement la dernière musique de film à avoir été composée pour un film de Jean-Luc Godard

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste