Cet été, pourquoi ne pas s’envoler vers un endroit insolite, comme… l’espace ? De grandes entreprises commencent à vendre du rêve sur le tourisme spatial, mais sa démocratisation est-elle possible ou même souhaitable ?
C’est un rêve partagé par de nombreuses personnes à travers le monde depuis l’époque de la conquête spatiale : le voyage dans l’espace accessible à tous, non pas à but scientifique mais simplement pour y passer des vacances. Un week-end en apesanteur, une semaine sur la Lune, quelques mois sur Mars… Le rêve n’a jamais été aussi proche de la réalité, ce qui attire autant l’admiration que les critiques.
Un univers dominé par une poignée d’entreprises
Si l’exploration spatiale par des astronautes et à but scientifique est globalement financée par des États, le tourisme spatial, lui, est dominé par les entreprises privées appartenant à des milliardaires. Parmi les plus connues, on peut citer SpaceX fondée par Elon Musk, Blue Origin par Jeff Bezos et Virgin Galactic par Richard Branson.
Aujourd’hui, les vols proposés par ces entreprises sont aussi chers que leur durée est courte. Pour la modique somme de 250 000 dollars, les vols suborbitaux de Blue Origin durent un peu plus de dix minutes. Pour 450 000 dollars, ceux de Virgin Galactic durent environ une heure et demie. SpaceX reste pour le moment discret sur le prix de ses futurs vols touristiques, mais il a été estimé que sa mission de trois jours en orbite avec des civils en 2021 aurait coûté 50 millions de dollars par personne.
La version « low-cost » est le vol stratosphérique en ballon : pas d’apesanteur, mais assez de hauteur pour voir la courbure de la Terre et se rêver astronautes. Sur ce créneau se trouvent deux entreprises : Space Perspective et World View. La première montre une capsule luxueuse pour un vol de six heures avec champagne, wifi et vue panoramique pour 125 000 dollars tandis que la seconde, pour la même durée, propose différents départs pour admirer entre autres le Grand Canyon ou la Muraille de Chine pour 50 000 dollars.
Demain, tout le monde dans l’espace ?
La première limite du tourisme spatial, outre le prix, est qu’il faut être en bonne santé et même en bonne condition physique. Cependant, les vols stratosphériques ont pour avantage de ne pas avoir besoin de période d’entraînement au préalable.
Et si les billets sont aussi chers, c’est parce que les voyages dans l’espace font encore face à des limites techniques importantes. Tout comme le prix des billets d’avion a pu baisser en créant des modèles qui peuvent embarquer plus de passagers, il faut réussir à concevoir des navettes spatiales réutilisables capables de transporter plus d’une centaine de personnes. Jusqu’ici, jamais une fusée n’a transporté plus de huit personnes.
Elon Musk place ses espoirs dans son lanceur Starship et affirme qu’une version nommée Starship Crew pourra transporter 100 personnes. Alors que le dernier essai de motorisation du Starship mi-juillet s’est soldé par une explosion, il paraît évident que son premier vol orbital n’aura pas lieu courant 2022 comme prévu. Les vols habités par plus d’une dizaine de personnes ne sont peut-être plus à des années-lumières de nous, mais ce n’est pas pour tout de suite.
Une démarche controversée, voire hors-sol
Mais est-il seulement souhaitable que l’espace soit une destination de vacances comme une autre, où des milliers de personnes iraient chaque jour ? Les critiques n’ont pas tardé à arriver après les vols de Jeff Bezos et Richard Branson. Ce qui ressemblait au départ à un rêve d’enfant s’est vite transformé en guerre d’ego entre milliardaires. Cela peut aussi être vu comme un gâchis de ressources : quitte à investir des milliards dans l’espace, pourquoi ne pas contribuer à la recherche plutôt qu’au tourisme ? Mais la principale controverse se situe dans les enjeux environnementaux.
L’astrophysicien Roland Lehoucq a affirmé, en s’appuyant sur un rapport de la Federal Aviation Administration (FAA américaine) sur SpaceX datant de février 2020, que les vols sub-orbitaux « coûtaient » six tonnes de CO2 par passager et les vols orbitaux jusqu’à 60 tonnes de CO2 par passager. À titre de comparaison, l’empreinte carbone annuelle par habitant en France était de neuf tonnes d’équivalent CO2 en 2019. Une empreinte qu’il faudrait encore diminuer pour limiter les effets du changement climatique et préserver l’environnement.
À l’heure où il est demandé de moins prendre la voiture et l’avion, faire miroiter des voyages touristiques dans l’espace semble complètement déconnecté de la réalité. Un loisir réservé à une élite ultrariche – à l’image d’Elon Musk qui affirmait que « presque n’importe qui » pouvait se procurer 100 000 dollars pour aller sur Mars – qui montre moins l’immensité de l’espace que celle des inégalités économiques.