En résumé
Remarquable autant dans sa réalisation que dans sa conception, Ghost of a Tale est un jeu que l’on conseillerait les yeux fermés s’il ne se montrait pas aussi radical dans son orientation old school. Car aussi réjouissant qu’il puisse être, ce jeu d’infiltration mâtiné de RPG et de Dark Souls, pour la construction des décors, risque de frustrer la plupart des joueurs qui se sont habitués au confort moderne. Un excellent jeu, indépendant de surcroît, mais qui se destine exclusivement à un public persévérant donc.
Note technique
Les plus et les moins
- Une réalisation remarquable
- Finement écrit
- Des quêtes secondaires qui s’intègrent parfaitement au scénario
- Le mélange entre infiltration et RPG
- Un level design malin et admirablement conçu
- Une approche à l’ancienne qui fait mouche…
- …mais qui ne plaira pas à tout le monde
- Caméra perfectible
- Pas toujours évident de se repérer
- Des objets parfois perdus dans la richesse des décors
- Pas de voix
- Mise en scène dépourvu de cinématiques
- Des bugs mineurs ici et là
Notre test détaillé
Le hasard donne lieu parfois à de drôles de coïncidences. Par exemple, ces dernières semaines, le monde du jeu vidéo a vu débarquer dans un court intervalle de temps deux titres prenant place dans un univers médiéval et ayant pour protagoniste une petite souris : Moss et Ghost of a Tale. Sorti de ces deux caractéristiques, il est ceci dit inutile de se lancer dans une quelconque comparaison. A l’inverse du premier, qui propose une expérience tournée vers le futur dans le sens où il est jouable exclusivement au PlayStation VR, Ghost of a Tale prône en effet une approche classique du média et tente même de renouer avec des sensations oubliées.
(Ce test a été réalisé sur PC.)
Lionel « Seith » Gallat, qui est à l’origine de Ghost of a Tale, vient du monde de l’animation et ça se sent. Il suffit de voir le jeu tourner pour comprendre que le bonhomme n’a pas roulé sa bosse pendant quinze années du côté de Dreamworks (où il a travaillé sur des films comme Le Prince d’Egypte, La Route d’Eldorado, Spirit : L’Etalon des Plaines ou Sinbad : La Légende des Sept Mers) et Universal Studios (Moi, moche et méchant) par hasard : le rendu est magnifique et d’une richesse inouïe. A tel point d’ailleurs qu’il est difficile d’imaginer qu’il a longtemps œuvré seul sur le projet – l’équipe finale ne compte pas plus d’une demi-douzaine de membres – et que les 48 700 euros récoltés lors d’une campagne de financement participatif constituent le gros du budget du projet.
La prison de laquelle Tilo, le héros, doit s’échapper pour retrouver sa promise est sombre et inquiétante à souhait. L’attention portée à la décoration des différentes salles qui composent le château se trouvant juste au-dessus force le respect. Les extérieurs boisés et verdoyants dégagent une vraie atmosphère champêtre. Et pour ne rien gâcher, un cycle jour/nuit vient mettre en valeur l’excellent travail réalisé sur les éclairages. Ghost of a Tale est tellement beau et charmant que, forcément, ses quelques défauts formels sautent immédiatement aux yeux. On regrette par exemple l’absence de cut-scenes pour donner un peu d’épaisseur à la mise en scène ou celle, encore plus regrettable, de voix. Tilo étant un ménestrel, on aurait en effet adoré pouvoir profiter des quelques chansons qu’il a à entonner – et parfois à composer – au cours de son périple.
Le jeu du rat et de la souris
Ghost of a Tale est un jeu d’aventure, mais qui ne prend pas tout à fait la forme à laquelle on s’attendait. Il n’est pas ce Zelda-like que Seith comptait créer au départ. Il n’est pas non plus un ICO, une des autres influences revendiquées par l’artiste, dans la mesure où il est tout sauf linéaire. S’il fallait le ranger dans des cases, on le placerait davantage du côté de l’infiltration et du RPG. Tilo est en effet incapable de se débarrasser des nombreux rats géants qui lui servent de geôliers. Il a pourtant quelques objets sous la main à leur balancer pour faire diversion ou les assommer un court instant.
En se débrouillant bien, il est également capable d’en enfermer quelques-uns dans des salles où il ne compte plus se rendre. Mais pour avancer, il devra avant tout compter sur sa discrétion. Ainsi, il sera question d’avancer prudemment pour éviter de se faire entendre. De se servir des nombreux coffres, caisses, tonneaux et autres armoires pour se cacher (et accessoirement sauvegarder). Mais aussi de repérer les chemins empruntés par les gardes lors de leurs rondes pour mieux se faufiler entre eux.
Des emprunts à Dark Souls et aux RPG
La dimension RPG de Ghost of a Tale se trouve quant à elle dans son système de quêtes qui rythme toute la progression. Pour avancer, il faudra ainsi satisfaire l’exigence de nombreux personnages. Un principe qui implique de nombreux allers-retours, donc, mais que le jeu réussit à ne pas rendre trop fastidieux. Si le château où se déroule l’action s’étale sur une zone finalement assez limitée, sa construction se montre particulièrement intelligente et évoque d’une certaine manière le premier Dark Souls.
En ouvrant des volets, en prenant la peine de déverrouiller certaines portes, en posant les bonnes questions aux bons personnages, de nombreux raccourcis vont en effet apparaître. La possibilité d’enfiler différents costumes peut aussi faciliter les choses, équiper toutes les pièces composant l’armure d’un garde permettant par exemple de se balader sans avoir à se soucier des ennemis.
Orienté vieille école
Entre ses graphismes magnifiques, ses mécaniques intelligemment implémentées, et son univers travaillé qui bénéficie notamment d’une écriture bourrée d’humour, Ghost of a Tale ne manque pas d’atouts. Ceci dit, il est important de noter qu’il ne s’adresse pas à n’importe quel public. En effet, il se veut old-school et cherche volontairement à ne pas prendre le joueur par la main. Ici, il faut impérativement faire preuve de curiosité et explorer les décors de fond en comble, tout en acceptant de devoir faire sans tout ce que peut apporter le confort moderne, à savoir un GPS ou même une simple boussole. Il faut aussi se montrer attentif aux différents dialogues pour ne pas manquer des informations cruciales, et quand le besoin s’en fera sentir, consentir à lâcher quelques pièces au forgeron pour qu’il daigne lâcher une bribe d’informations.
Des défauts potentiellement frustrants
Ghost of a Tale impose une progression très lente donc, tout en tâtonnement, qui demande une véritable implication de la part du joueur. Un parti pris auquel on adhère, bien évidemment, même s’il faut reconnaître que quelques erreurs de conception viennent noircir le tableau et peuvent rendre l’expérience un poil frustrante. On pense par exemple à cette caméra, positionnée trop bas et trop proche de Tilo, ce qui empêche parfois de bien se repérer. À ces actions contextuelles qui obligent un positionnement parfait pour pouvoir être déclenchées (détrousser un garde, par exemple). Ou encore à l’absence de surbrillance pour aider à repérer les objets qu’il est possible de récupérer. Il nous est en effet arrivé de bloquer de longues minutes, alors que la clé permettant de déverrouiller la porte qui bloquait notre chemin se trouvait sous notre museau, noyée au milieu de décors qui fourmillent de détails.
Conclusion
Remarquable autant dans sa réalisation que dans sa conception, Ghost of a Tale est un jeu que l’on conseillerait les yeux fermés s’il ne se montrait pas aussi radical dans son orientation old school. Car aussi réjouissant qu’il puisse être, ce jeu d’infiltration mâtiné de RPG et de Dark Souls, pour la construction des décors, risque de frustrer la plupart des joueurs qui se sont habitués au confort moderne. Un excellent jeu, indépendant de surcroît, mais qui se destine exclusivement à un public persévérant donc.