En résumé
En l’état, Sea of Thieves souffle beaucoup le chaud et le froid. Incroyable d’immersion et de fraîcheur, le titre brille surtout dans les situations qu’il parvient à créer plus ou moins intentionnellement. C’est vrai que s’il prend tout son sens en groupe, avec des équipiers qui jouent le jeu de la piraterie, le bât blesse nettement plus quand on s’attaque au contenu pur et dur. Parler d’un manque d’inspiration certain dans la conception des missions serait un bel euphémisme, d’autant que les mécaniques de jeu se révèlent assez inégales, et le monde rapidement vide. Mais Sea of Thieves à ce petit quelque chose d’hypnotique et d’enivrant lorsque l’on chevauche la vague en compagnie de quelques forbans, et en soi, c’est déjà ça de gagné.
Note technique
Les plus et les moins
- L'impression d'être réellement en mer
- Les interactions avec la bateau, agréables et plus profondes qu'il n'y paraît
- Le rendu visuel et sonore excellent
- Prend tout son sens avec des amis
- Des situations de jeu parfois grisantes
- Les joueurs sont sur un pied d'égalité
- Contenu très chiche, surtout en "endgame"
- Les possibilités limitées en joueur contre joueur
- La boucle de gameplay devient très vite répétitive
- Les mécaniques de combat très rudimentaires
- Le Windows Store, c'est quand même pas top
- De nombreux soucis du côté des serveurs
- Les joueurs sont sur un pied d'égalité
Notre test détaillé
Parcours tortueux que celui de Sea of Thieves. Annoncé durant l’édition 2015 de l’E3, le titre de Rare a plusieurs fois été chahuté à l’occasion de ses diverses parades médiatiques. On pouvait lui reprocher d’être peu intelligible, de ne pas aller droit au but, mais aussi de se faire passablement désirer. Une chose est certaine, Sea of Thieves a endossé bien malgré lui le statut de vaisseau amiral de cette première partie d’année 2018 pour Microsoft, mais avait-il la coque assez solide ? Voici notre verdict.
(Ce test a été réalisé sur PC Windows 10)
Sea of Thieves démarre de la manière la plus conventionnelle qui soit. Le premier contact avec le jeu, s’il ne s’est pas tout de suite soldé par une erreur d’authentification due à une surcharge des serveurs de Microsoft, permet de créer notre avatar pirate. Pas question de disposer d’un menu entier où l’on personnalise l’espacement des yeux, la couleur des cheveux, l’embonpoint du personnage ou même la couleur des sourcils, comme n’importe quel MMO pourrait le proposer. Non. On doit ici composer avec la génération aléatoire de modèles de personnages qui nous propose une sélection de vermines, liste que l’on peut changer jusqu’à trouver notre Surcouf en devenir. Et pour cause, Sea of Thieves ne se range définitivement pas dans la case MMO que l’on pourrait lui attribuer à première vue. Il n’a de MMO que son monde ouvert, mais il n’en a pas la persistance ni la dimension massive, ne parlons même pas d’un ersatz de système de progression façon RPG.
C’est pas l’homme qui prend la mer…
Il ne faut pas non plus attendre de Sea of Thieves une quelconque volonté narrative ni même un semblant de fonctionnalités sociales. On aurait pu imaginer créer des corporations et autres guildes, il n’en est rien. Conceptuellement, Sea of Thieves se réduit à beaucoup plus simple que cela. Il s’agit d’un sandbox (bac à sable) maritime, où les quelques éléments de gameplay (jouabilité) sont essentiellement des fils rouges qui font naître des moments de jeu. On ne retrouve en revanche pas de boucles de gameplay qui se complexifient au fil de la progression, comme c’est le cas dans la plupart des jeux.
Sans s’embarrasser à choisir un serveur pour les connexions au jeu, on doit juste sélectionner le type de navire que l’on veut chevaucher pour une session de jeu. On peut ainsi emprunter un Sloop, un frêle esquif disposant d’un seul et unique mât, ainsi que d’une grand voile ; ou un Galion, fameux trois-mâts (pas trop) fin comme un oiseau, et qui dispose de plus de place, mais aussi plus de canons. La taille de l’embarcation choisie fait également varier le nombre de personnes qui pourront potentiellement rejoindre l’équipage. Le Sloop pourra ainsi aller d’un à deux occupants, alors que le Galion pourra en accueillir jusqu’à quatre. Un choix assez peu compréhensible tant un équipage plus conséquent sur le Galion aurait pu se justifier dans une optique plus orientée PvP (joueur contre joueur), ou même pour réaliser les meilleures manœuvres possibles. Ce qui est d’ailleurs valable pour le Sloop.
… c’est l’amer qui prend l’homme
Une fois le navire choisi, l’équipage composé (d’amis ou d’inconnus), nous voici catapultés sur un avant-poste, une île habitée de marchands et autres donneurs de missions. Les premiers nous permettront de personnaliser notre avatar moyennant finance. On pourra ainsi changer les vêtements de notre marin d’eau douce ainsi que sa coupe de cheveux. Les outils indispensables de notre aventure, le sabre, les armes à feu, la pelle pour creuser les îles à la recherche de trésors, la boussole pour se repérer et on en passe, pourront également être changés contre des alternatives plus clinquantes. Et aussi perturbant que cela puisse paraître, la personnalisation est la seule véritable carotte de Sea of Thieves.
Car pour changer un tant soit peu l’apparence de notre marin, il faudra débourser des sommes conséquentes d’argent au regard des sommes que l’on récoltera en écumant les missions. Il en sera de même pour le bateau (moyennant encore plus d’argent). Pas question d’acheter des types de frégates supplémentaires, d’ajouter des canons à ses esquifs, de personnaliser une voile pour lui apporter des propriétés additionnelles. Tout est purement cosmétique dans Sea of Thieves, et le manque de récompenses qui pourraient servir le gameplay est assez étrange, pour ne pas dire dérangeant. D’un autre côté, tous les joueurs sont ainsi mis sur un pied d’égalité, et un furieux qui a passé 150 heures sur le titre n’aura aucun avantage particulier sur son ami qui l’a acheté 2 heures avant pour le rejoindre.
Et une bouteille de rhum
Ce n’est pas non plus du côté des différentes missions que Sea of Thieves tire son épingle du jeu. On dénombre trois types de quêtes : les chasses au trésor, les chasses à des pirates squelettes (qui constituent les seuls véritables ennemis contrôlés pas l’IA), et le commerce qui n’est ni plus ni moins que du deal de poulets et cochons. Un bon point pour la sauvegarde de la faune locale, peut-on se dire. Dans les faits, toutes les missions se basent sur l’inénarrable principe du FedEx. On prend nos quêtes auprès d’un personnage non joueur (PNJ) disposé dans les avant-postes, on accomplit l’objectif, puis on rapporte le gain aux PNJ concernés pour recevoir son pécule. On prend les mêmes et on recommence ad nauseam.
Pour la chasse au trésor, on devra se référer à une carte donnée pour l’occasion. La forme de l’île dessinée nous servira à déterminer le lopin de terre concerné sur la carte du monde, puis on devra naturellement trouver l’emplacement où creuser pour récupérer le précieux butin (aussi bien en fonction des indices visuels laissés sur la carte de la quête, que via la boussole dans notre inventaire, ou des énigmes). Selon le coffre récupéré, la récompense sera plus ou moins élevée. La chasse aux pirates squelettes parle d’elle-même et il faudra simplement trouver l’île présentée sur notre carte-quête, puis procéder à la purge des squelettes présents sur l’île. Ce qui laisse souvent place à des combats passablement ennuyeux : armé de notre sabre, seul un enchaînement de trois coups est disponible, ainsi qu’un coup chargé, ou une parade. Las, cela s’apparente surtout à du mouse-clicking bête et méchant.
« Quel autre Dieu peut vous fournir…un Kraken »
Le commerce, soit l’antithèse de l’amusement, nous fait écumer des îles diverses et variées pour trouver au petit bonheur la chance les animaux demandés sur le résumé de notre mission, comme deux poules tachetées et un cochon noir. Et la distribution des animaux sur les îles ne répond à aucune véritable logique, ce qui rend la recherche particulièrement aléatoire et vide de sens. À côté de ces trois activités au potentiel d’ennui variable, on retrouve d’autres faits de jeux, là aussi plus ou moins intéressants. Les forts, pour commencer, sont peut-être ceux qui rapportent le plus d’argent, surtout lorsqu’un crâne nuageux les surplombe (indiquant un emplacement de haut niveau). On est ici simplement confronté à un mode horde contre des squelettes qui gagnent en puissance au fil du temps. Une joute difficile qui peut nous propulser six pieds sous terre, mais pas pour bien longtemps, car on réapparaît sur notre embarcation dans la minute qui suit.
Et le Kraken, qui se pointe de façon tout à fait aléatoire pour nous bloquer pendant la navigation, fait quant à lui office de pétard mouillé. Son apparition est plutôt remarquable dans sa façon de faire redescendre le joueur de son sentiment d’impunité. L’eau devient noire, des tentacules surgissent de l’eau pour chopper les pirates à bord des bateaux. Sauf qu’une fois que l’on commence à canarder les monolithes de chair avec les canons, on se rend compte que la bestiole n’a aucun corps sous la surface de l’eau, on est pris entre le rire nerveux et le soupir de déception.
Pirates !
Finalement, les meilleurs moments ne dépendent pas des missions ou des événements dictés par le jeu, mais plus des situations que l’on crée en tant que joueur ou équipage. Jouer aux vrais pirates en cueillant des équipages ennemis lorsqu’ils sont les plus vulnérables pour embarquer coffres, poules et autres crânes rares est particulièrement grisant (ou rageant si l’on en est victime). Prendre en chasse des joueurs en pleine tempête, tenter d’audacieuses manœuvres en zones rocheuses pour gagner du terrain, virer de bord pour se mettre dans l’axe des canons et toucher la cible a ceci de jouissif que le feeling de toutes ces actions est réel et bien retranscrit, surtout quand on fonctionne comme un véritable équipage. Et tant pis si on se tape un haut-fond au passage, on n’aura plus qu’à tapisser les trous dans la coque avec des planches, et à écoper l’eau qui s’est infiltrée dans la cale avec les seaux.
Le comportement des voiles et du vent se gère de manière très intuitive, les craquements du bois du rafiot au contact des vagues sont de la musique pour les oreilles, alors que l’embrun nous ferait presque sentir la marée à travers l’écran. Une ambiance assez incroyable, réalisée au prix d’un énorme travail sur la retranscription de l’océan, travail qui ne se retrouve malheureusement pas toujours quand il s’agit des mécaniques de jeu, ou du contenu véritablement rachitique qui pèse sur l’addition. Ce qui est bigrement dommage. Pourtant, le potentiel est bien là.
Conclusion
En l’état, Sea of Thieves souffle beaucoup le chaud et le froid. Incroyable d’immersion et de fraîcheur, le titre brille surtout dans les situations qu’il parvient à créer plus ou moins intentionnellement. C’est vrai que s’il prend tout son sens en groupe, avec des équipiers qui jouent le jeu de la piraterie, le bât blesse nettement plus quand on s’attaque au contenu pur et dur. Parler d’un manque d’inspiration certain dans la conception des missions serait un bel euphémisme, d’autant que les mécaniques de jeu se révèlent assez inégales, et le monde rapidement vide. Mais Sea of Thieves à ce petit quelque chose d’hypnotique et d’enivrant lorsque l’on chevauche la vague en compagnie de quelques forbans, et en soi, c’est déjà ça de gagné.