Michel Bussi, jusqu’au bout du suspense

Le temps est assassin (2016)

Notre number one a déjà presque 10 ans. Le temps est assassin concentre les traits caractéristiques du roman « à la Bussi » : histoires de famille, suspense, trahison et vengeance. L’intrigue a pour cadre le Cap Corse, des vacances a priori sans vagues dans un camping pour une famille parisienne. Mais la mère de famille a vécu un drame ici même, des années auparavant. Et aujourd’hui, le passé semble revenir à la surface, remontant dans son sillage de vilains secrets jusque-là bien enfouis. Qu’est-il vraiment arrivé à la famille de Clotilde, ce soir d’été 1989 ? On est pris dans un tourbillon temporel puisque la narration change régulièrement d’époque, et il est très difficile de lâcher ce livre une fois qu’on l’a commencé… 

Mon cœur a déménagé (2024)

Mon cœur a déménagé est l’illustration de deux autres « obsessions » de l’auteur : la Normandie, cadre récurrent de ses intrigues haletantes, et la chanson française. Alors que le titre du roman fait écho à la chanson Si maman, interprétée par France Gall, la ville de Rouen prête son décor à une histoire intime et tragique : dans les années 1980, une petite fille voit sa mère mourir par la faute de son père. Des années plus tard, c’est une adolescente nourrie par l’idée de vengeance qui se construit comme elle le peut à l’orphelinat. Soutenue par une amie elle-aussi abîmée par la vie, elle navigue à vue entre bien et mal, avancer et regarder en arrière, se venger et pardonner. Mon cœur a déménagé est aussi un roman qui donne à voir les injustices subies par une frange de la population vouée à n’être que spectatrice de la réussite du monde.  

On la trouvait plutôt jolie (2017)

Quand s’ouvre le roman, Leyli a foulé le sol français depuis quelques années déjà. Sa vie à Marseille se résume à un minuscule appartement, des galères au quotidien. Ce que nous offre On la trouvait plutôt jolie, c’est un point de vue original sur l’immigration ; ou comment un certain nombre d’organisations aux allures charitables abusent de migrants en situation de grande détresse pour faire leur beurre. Et comment l’ailleurs, qui devait être un rêve, peut se transformer en cauchemar quotidien. Michel Bussi installe un suspense intense dans ce roman, et nous réserve quelques retournements de situation dont il a le secret. Quant au titre, référence à la chanson française dont l’auteur est friand, il nous ramène à la chanson Lili de Pierre Perret, la trajectoire d’une jeune immigrée qui se heurte à un racisme quotidien lors de son arrivée à Paris. 

Nymphéas noirs (2011)

Préparez-vous à rester sous tension de la première à la dernière ligne de Nymphéas noirs, un roman à la construction rocambolesque qui nous plonge dans une enquête improbable. À Giverny, le village où le peintre Claude Monet a passé ses vieux jours, un ophtalmologue coureur de jupons est assassiné. L’enquête menée par deux flics aussi différents que complémentaires piétine, patauge, d’autant que trois personnages féminins gravitent de près ou de loin autour de l’affaire. Michel Bussi compose un tableau savamment dosé de suspense, de fausses certitudes et de mystères, qui nous ramènent dans un Giverny couleur sépia, là où d’autres crimes nous attendent peut-être. Nymphéas noirs est un roman très réussi, qui nous offre d’ultimes révélations façon bouquet final. Un Bussi grand cru, assurément. 

Ne lâche pas ma main (2013)

Michel Bussi pose ses valises d’écrivain sur l’île de la Réunion. Ne lâche pas ma main est construit comme un thriller un peu plus classique que les précédents titres de notre sélection, mais il est tout aussi efficace. Sur la forme, l’auteur tisse le fil d’une intrigue grâce à une multiplicité de points de vue. Sur le fond, l’histoire décolle lorsqu’une jeune femme, en vacances avec sa famille sur l’île, disparaît de sa chambre d’hôtel. Son mari, rapidement pointé du doigt, se fait la belle avec sa fille. Le roman est construit comme une course-poursuite et procure l’occasion de sortir de l’image d’Épinal que peut susciter La Réunion. Oui nous sommes sous les tropiques, oui le sens de l’accueil ici est remarquable, oui la mixité est ici un art de vivre, mais les inégalités sont plus tangibles, le dénuement et la précarité concernent des pans entiers de la population. C’est aussi cette grille de lecture qui marque la patte de Bussi, pour qui un roman se veut bien plus qu’une balade touristique. 

Un avion sans elle (2012)

Quelle est l’identité de celle qu’on surnomme « la libellule », qui est ce bébé, seule survivante d’un crash d’avion dans les années 80 ? Il y avait deux fillettes du même âge à bord, et les deux familles vont se déchirer pour récupérer la petite survivante. Des années plus tard, la vérité semble prête à éclater, mais il faudra remonter les années et déjouer bien des pièges pour avoir enfin le fin mot de cette histoire. Un avion sans elle se caractérise par un atterrissage particulièrement réussi, puisque le dénouement, outre l’intuition qu’on peut avoir au fil des pages nous indiquant qu’il y a çà et là des voiles d’ombres à lever, vient dynamiter toutes les hypothèses. Si Michel Bussi est l’un des auteurs préférés des Français, c’est aussi pour sa capacité à concevoir des scénarios proprement diaboliques… et on en redemande !

Rien ne t’efface (2021)

L’intrigue de Rien ne t’efface est un flirt permanent entre rationnel et irrationnel, aux frontières du réel et parfois de la folie. Un jour, le fils de Maddi, elle-même médecin dans le sud-ouest de la France, disparaît. En un clin d’œil, l’incompréhensible se produit, l’horreur entre dans la vie de Maddi. Jour pour jour dix ans plus tard, sur la même plage, un petit garçon est là où Esteban a disparu, vêtu de la même façon, son portrait craché. Entre espoir insensé et incrédulité, la jeune femme se lance dans une fuite en avant, allant jusqu’à déménager en Auvergne, où vit le jeune garçon. Encore une fois, on a beau échafauder toutes sortes de suppositions sur le pourquoi du comment, le twist final vient tout balayer sur son passage. Une mention spéciale pour le talent de l’auteur à faire découvrir en profondeur une région, en l’occurrence l’Auvergne. 

Bonus : Les contes du réveil matin (2018)

Les contes du réveil matin fait partie de ces ouvrages inclassables, et c’est tant mieux ! Voici un recueil de onze histoires qui peuvent se comprendre de façon indépendante, mais racontent toutes une partie de l’univers de Corentin, un petit garçon à l’imaginaire prolifique. Le livre ne s’adresse pas spécifiquement aux enfants, ni d’ailleurs aux adultes : c’est une jolie suite d’histoires qu’on peut picorer à tout âge. L’album est très joliment illustré par Éric Puybaret. Une autre façon de lire Michel Bussi, plus poétique et tout aussi addictive.