Exposition, festivals… Le metal est partout en cette année 2024. Alors, pour mieux s’initier à cette musique extrême, focus sur quelques genres majeurs. Au programme, ce mois-ci : dix albums pour mieux découvrir le black metal, pendant sombre, mélancolique et volontairement controversé qui ne cesse de s’agiter à la marge…
Celtic Frost – To Mega Therion (1985)
Oui, le terme « black metal » renvoie à un disque de Venom, sorti en 1982. Mais non, le genre n’est pas entièrement né à la suite de cet album britannique. Dès 1985, le groupe suisse Celtic Frost réalisait un prototype beaucoup plus sérieux de cette musique, avec To Mega Therion. Pour un auditeur lambda d’heavy des années 1980, certains éléments font en effet tiquer tout au long de l’opus : l’étrange emphase (qui anticipe le black metal symphonique), les effets vocaux (sur Circle of the Tyrants) et surtout la noirceur des thèmes ont beaucoup inspiré les pionniers européens. Et To MegaTheriond’être aujourd’hui reconnu comme plus influent que le disque de Venom qui a donné son titre à tout un courant musical.
Darkthrone – A Blaze in the Northern Sky (1992 )
La Norvège, ses fjords, ses biathlètes, son prodigue fonds souverain, ses groupes de new wave interprétant Take On Me… Par un curieux hasard, le pays d’a-ha et de Grieg s’est aussi transformé en base arrière du black metal. On peut remercier pour cela les excellents Darkthrone, premier groupe norvégien à avoir donné à la déclinaison locale du genre ses lettres de noblesse. Sur A Blaze in the Northern Sky, tous les canons du style, alors en pleine expansion, sont joués avec maestria : rapidité d’exécution rappelant le punk, effet de reverb trituré, chant qui imite un mort-vivant en pleine laryngite… Si Celtric Frost et Bathory ont posé quelques bases, Darkthrone a véritablement franchi le cap séparant le death du black et offert à la Norvège son premier chef-d’œuvre extrême et sombre.
Mayhem – De Mysteriis Dom Sathanas (1994 )
On ne saurait être léger avec De Mysteriis Dom Sathanas, chef-d’œuvre incontournable de Mayhem et du black metal. D’abord parce que ses paroles ont été écrites par « Dead », premier chanteur de la formation, qui s’est suicidé trois ans avant la sortie de l’opus. Ensuite parce qu’il a été composé par Euronymous, guitariste charismatique du black norvégien, assassiné par son ami/rival VargVikernes (leader de Burzum et en ce temps-là bassiste de Mayhem) avant la fin du mixage. Une aura de mort et de violence plane donc sur ce disque maudit, qui réussit pourtant à être l’emblème de toute une scène torturée.
Ulver – Bergtatt Et Eeventyr I 5 Capitler (1995)
Avec Ulver, la scène norvégienne sortait de l’ornière de violence et de subversion tragique qui entourait jusqu’alors le black metal. Leur premier album, Bergtatt, divisé en cinq chapitres, réussit à s’éloigner de certaines constantes du style, notamment le chant, pour innover, et jouer avec des codes inventés pourtant quelques mois auparavant. Toujours actif, le groupe figure parmi les formations les plus intéressantes sur le long terme, tant elle a su évoluer en faisant fi des modes.
Emperor – Anthems to the Welkin at Dusk (1997)
Avec Anthems to the Welkin at Dusk, c’est un groupe de repenti qui enregistre l’un des magnum opus du black metal. Le guitariste Samoth venait en effet de purger deux ans de prison pour l’incendie criminel d’une église, un rituel assez fréquent dans le milieu norvégien, quand il rentra en studio en compagnie de son acolyte Isashn. À la fois lyrique et crade, le deuxième album d’Emperor garde intact le malaise inhérent au black d’alors, sans renier une touche symphonique moins pessimiste que chez certains de leurs épigones.
Dimmu Borgir – Puritanical Euphoric Misanthropia (2001 )
Au début du troisième millénaire, le black metal est, pour ainsi dire, rentré dans le rang. Ses blast beats sauvages et ses voix d’outre-tombe ont rejoint l’univers du mainstream par le biais de formations populaires (et décriées par les puristes) comme Cradle of Filth. Chez Dimmu Borgir, c’est la présence de cordes qui permet aux Norvégiens de se distinguer : Puritanical Euphoric Misanthropia réussit un doux mélange de brutalité et d’orchestration, qui fera du groupe l’un des rois du black metal dans les années 2000.
BlutAus Nord – Memoria Vetusta I & II (1996-2009)
Depuis les années 1990, la France compte également dans le landerneau du black metal européen. La formation BlutAus Nord, par son authenticité, ses sonorités proches de la scène norvégienne et ses thématiques sombres, incarne parfaitement la transposition réussie du genre sous nos latitudes. En 1996, Avec Memoria Vetusta I, suivi en 2009 de Memoria Vetusta II, le trio normand devenu quatuor, a donné dans le black le plus pur. Et positionné l’Hexagone sur la carte du metal extrême mondial.
Deafheaven – Sunbather (2013)
Hormis Absu, les groupes américains figurent aux abonnés absents dans les grands succès du black metal. Il faut cependant noter qu’en frayant avec des esthétiques indie rock ou post-rock, certains groupes comme Liturgy ont tiré leur épingle du jeu. C’est aussi le cas de Deafheaven, qui mélange les guitares atmosphériques du shoegaze aux beats et aux vocaux typiquement black sur Sunbather. Le disque, emblème « blackgaze », a permis aux hipsters de devenir incollables sur le black metal et ses ramifications actuelles.
Marduk – World Panzer Battle 1999 : live (2017)
La Suède, pays du deathmetal de DarkTranquillity, At The Gates et autres In Flames, a relevé le gant du black dans les années 1990 : Marduk pouvait sans hésiter damer le pion aux piliers norvégiens du genre. Leur énergie est à retrouver sur le live World Panzer Battle 1999 enregistré au cœur de leur âge d’or. Un disque qui permet d’apprécier la sonorité assez particulière du black metal en concert. Son outrance, notamment.
Alcest – Les Chants de l’Aurore (2024)
Le black metal mène à tout : preuve en est avec la nouvelle livraison d’Alcest, un des chantres du metal extrême en France, actif tant du côté du blackgaze que du folk malsain. Les Chants de l’Aurore mélangent les styles avec une grande cohérence, et prouvent qu’une musique existant depuis quatre décennies touche toujours un public large et ouvert aux influences diverses.
Pour aller plus loin
L’esthétique de tout le metal est à découvrir dans le catalogue de l’exposition Metal – Diabolicus in Musica. Pour une approche encore plus spécifique, le lien entre imagerie satanique ou démoniaque, la musique et l’histoire de la scène norvégienne, on pourra lire Un feu dans le ciel nordique et Les Seigneurs du chaos.