Décryptage

Les origines du metal

22 décembre 2021
Par Auxence
Les origines du metal

Il souffle ses 50 bougies, le metal (ou heavy metal pour les anglophones) est l’une des grandes familles musicales et un descendant direct du rock et du punk. Toujours en bonne santé, le genre a connu beaucoup de ramifications et s’est métissé d’influences extérieures. Quelles sont les racines du metal ? Comment a-t-il évolué d’hier à aujourd’hui ? Et la culture populaire se l’est-elle appropriée ? Marchons ensemble dans cette forêt sinueuse et sans retour…

Les 70s : naissance de la bête

Le metal fait ses premiers pas au début des années 1970, dans un climat d’émancipation sociale et culturelle dont fait partie le mouvement hippie. Des formations comme Led Zeppelin, les Who, Deep Purple et Uriah Heep portent dès la fin des années 1960 les germes du heavy metal, grâce à leurs riffs hard rock et l’émotion blues qui se dégage de leur musique. D’ailleurs, la première occurrence de l’expression « heavy metal », pour parler de motos, peut être entendue dès 1968 dans le morceau Born to Be Wild de Steppenwolf, un titre déjà révélateur des idéaux d’individualisme et d’anti-conformisme du métal et de sa communauté.

Black-SabbathEn 1970, l’album Black Sabbath de Black Sabbath, groupe britannique à la tête duquel on trouve Ozzy Osbourne au chant et Tony Iommi à la guitare électrique, est le premier manifeste du heavy metal en tant que genre distinct du hard rock. De l’intro du premier morceau éponyme, à son frontman au timbre de voix geignard et inquiétant, en passant par la pochette qui ravive de vieilles légendes de sorcières, tout est fait pour alpaguer l’auditeur et l’envelopper dans une atmosphère occulte. D’un coup d’un seul, Black Sabbath invente le heavy metal, le premier et le plus emblématique sous-genre du métal, ainsi que le doom metal, sous-genre aux riffs lancinants et aux thématiques pessimistes.

ace-of_spadesMais si les Anglais de Sabbath sont certainement l’un des groupes les plus influents du metal, il ne faut pas oublier les autres groupes émergents de l’époque qui pavent la voie pour les générations suivantes. Le groupe Judas Priest, fondé dès 1970, popularise l’attirail cuir/barbe/moustache/lunettes teintées, emprunté à la culture motarde et qui devient le code vestimentaire du métal. Son heavy metal, chanté d’une voie de falsetto à la limite du ridicule sur des airs épiques où les guitares se battent en duel pour savoir qui sortira le solo le plus technique, s’ajoute à des pochettes et des thèmes de fantasy qui glorifient la culture geek. Motörhead, de son côté, groupe anglais formé en 1975, livre un metal très à cheval sur ses racines rock ‘n’ roll, ce qui n’est pas étonnant à la vue de son frontman Lemmy Kilmister, arborant fièrement un look de cowboy et chantant d’un grain de voix de bluesman sous perfusion de whiskey.

Les 80s : diversification et reconnaissance planétaire

92-iron-maiden-number-of-the-beastLes années 1980 sont pour beaucoup l’âge d’or du metal. Non seulement des groupes anglais revigorent le genre du heavy metal, sous la forme d’une nouvelle vague de heavy metal britannique (la NWOBHM en anglais), en témoigne l’inépuisable Iron Maiden et leur marathon d’albums virtuoses (The Number of the Beast, Powerslave, Seventh Son of a Seventh Son), mais de nouveaux genres apparaissent d’un peu partout. Comptons ainsi au rang des nouveaux venus le métal progressif, évolution logique du rock progressif qui se donne le devoir d’apporter au metal ses lettres de noblesse (Fates Warning, Queensrÿche…), le power metal qui pousse au maximum le potentiel épique et théâtral du métal (Blind Guardian, Helloween…), ou encore le doom metal qui reprend la formule Black Sabbath en écrasant un peu plus l’auditeur sous de la distorsion de guitare et une chape de ténèbres (Candlemass, Pentagram…). 

Master-of-Puppets-Coffret-Edition-Super-DeluxeSurtout, les années 80 sont le point de départ du metal extrême, cette forme vile et jusqu’au-boutiste du métal qui se voit incarnée par ses trois rejetons : le thrash metal, le death metal et le black metal. Le premier de ces sous-genres héberge des groupes aujourd’hui légendaires, ce qui peut être relié à la popularité du thrash aux États-Unis, où les groupes du Big Four of Thrash (Metallica, Megadeth, Slayer, Anthrax) ont sorti des albums classiques : Metallica avec son Ride the Lightning (1984) suivi du magnum opus Master of Puppets (1986), Slayer avec son Reign in Blood (1986), Megadeth et sa riposte Peace Sells but Who’s Buying? (1986) et Anthrax avec Among the Living (1987). Cela permet au thrash metal d’atteindre parfois le succès du mainstream tout en conservant une certaine radicalité, tant dans sa musique plus véloce et rentre-dedans que jamais, que ses paroles cyniques (notamment sur l’escalade nucléaire et l’hypocrisie politique états-unienne). 

Seven-churchesLes deux autres sous-genres du metal extrême sont condamnés à rester souterrains, et s’en accommodent très bien ! Le death metal, avec ses guitares accordées très bas, sa voix caverneuse et inintelligible qui déverse des propos choquants et immoraux, s’élève sur le charnier laissé par le thrash. S’inspirant des assauts impitoyables du thrash (merci Slayer), le death rejette le mainstream en bloc, aidé par un imaginaire peu ragoûtant et incompatible avec les bandes FM (la mort, la folie, la violence sous tous ses aspects…). Le groupe Possessed est considéré comme le papa du death metal, avec son hanté Seven Churches, mais les groupes Incantation, Morbid Angel et Death apportent leur touche personnelle et élargissent un genre réputé jamais mort, jamais vivant (zombie, quoi).

Transilvanian-hungerEnfin, le black metal, dont l’on peut tracer les origines à des groupes européens comme Venom ou Hellhammer, se complaît dans le culte du Malin, qui se manifeste par des déluges de riffs léthargiques, un chant rituel, qui peut être un cri perçant ou un murmure de verre, ainsi qu’un imaginaire satanique qui célèbre la spiritualité pré-chrétienne et la Nature, autant qu’il exècre le suivisme religieux et la modernité. Des forêts enneigées de Norvège naissent des formations de la première vague de black metal, tels Mayhem, Darkthrone ou Burzum, et de Suède nous vient Bathory.

Les 90s : mélange de gènes ou gêne du mélange ?

Rage-Against-The-MachineLes années 90 sont le moment pour le metal de faire le bilan de ses vingt années de tribulations. La tentation d’entrer dans le droit chemin est heureusement écartée, mais encore faut-il pouvoir se renouveler pour ne pas sombrer dans la caricature. La popularité des autres genres musicaux tombe à point nommée : le punk, dont on ne peut sonder l’influence sur le metal extrême (surtout le thrash qui est un genre hybride), apporte un vent de fraîcheur. Les gros breakdowns de guitare, l’esthétique do-it-yourself et le chant hardcore engendrent le metalcore, ou hardcore metallisé, donnant vie à des sales gosses du métal, au nombre desquels Converge, Botch ou Integrity. Le hip hop, genre éminemment populaire dans le monde anglo-saxon, inspire des rappeurs en herbe à embrasser l’attitude métal autant que rap, deux genres qui finalement s’entendent mieux que prévu et libèrent de leurs cages Rage Against the Machine ou Body Count (où officie le rappeur Ice-T au mic).

Real-thingCertains groupes se demandent comment concilier l’attrait du mainstream sans perdre ce qui fait l’esprit du metal. Cela donne le metal alternatif, version puissante du rock alternatif, et des albums très bien accueillis comme The Real Thing de Faith No More, Aenima de Tool ou le premier Korn (Korn). En version metal extrême, ça donne quoi ? À défaut de lâcher du leste, les groupes extrêmes infusent plus de mélodies inspirées du heavy metal originel et acceptent même de laisser parler la guitare acoustique, les claviers et le chant clair : le death metal mélodique de la prestigieuse scène de Göteborg, en Suède, accouche ainsi de Dark Tranquillity, In Flames et At the Gates. Le black mélodique invoque à lui les tristes sires de Dissection et Sacramentum.

Effigy of the ForgottenPourtant, toute une partie de la scène se refuse au moindre compromis et se lance dans ce qui plus tard appelé la « guerre sonore », accordant les guitares toujours plus bas, faisant valdinguer les mille notes à la seconde et les blast beats à la batterie. De cette folie incontrôlée naît le brutal death (Cannibal Corpse, Cryptopsy, Suffocation…), tandis que le grindcore, genre fusion du punk hardcore et du metal extrême, pullule et devient la bande-sonore de la fin du monde (Napalm Death, Terrorizer…).

Le metal d’aujourd’hui (et de demain)


Terminal-ReduxDepuis les années 2000, le metal s’essaye à de nouvelles directions et expérimentations. Cela se formalise par des fusions toujours plus barrées (Diablo Swing Orchestra, Babymetal, Poppy…), de nouvelles scènes héritières des décennies précédentes, comme le metalcore seconde génération (Trivium, Killswitch Engage, As I Lay Dying…) ou le black metal « artsy » (Alcest, Wolves in the Throne Room, The Ruins of Beverast…), ainsi que des groupes revival qui gardent intact l’esthétique du métal old school.

Certains groupes sont vantés comme les explorateurs du metal de demain. Plutôt que de juger, on vous laisse vous faire une opinion vous-mêmes. Ces alchimistes s’appelleraient Vektor, Isis, Cult of Luna, Khonsu, ou encore AtomA et Ulcerate

© Visuel d’illustration : Wikimedia Commons
Article rédigé par
Auxence
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