Décryptage

Metal et fusion à la française : de l’âge d’or à nos jours

02 novembre 2023
Par Mathieu M.
Metal et fusion à la française : de l’âge d’or à nos jours

Les grands acteurs du metal français continuent de faire vibrer les fans, parfois trente ans après leurs débuts. Avec la sortie de Tenace – Part 2, deuxième volet du diptyque qui tient lieu de neuvième album de Mass Hysteria, la scène nineties renaît de ses cendres, tel le phénix. Retour sur les quelques grands noms des années 1990-2000 qui ont permis au metal français chanté en français de rester au top.

Du hard à la fusion : le metal français métamorphosé

Au début des années 1980, un groupe règne en maître sur le milieu hard/metal francophone : Trust. La bande à Nono et Bernie, inspirée du punk, secoue le landernau rock hexagonal à coup de morceaux déflagrateurs et d’énergie live incontestable. Les auteurs d’Antisocial tirent leur épingle du jeu, tandis que d’autres formations s’inscrivent dans les grandes tendances des musiques extrêmes d’alors. Blasphème démarque Iron Maiden, et une scène heavy originale se bâtit autour de groupes comme Sortilège, Killers, Satan Jokers ou Vulcain. Leurs successeurs se nomment ensuite, au milieu des années 1980, ADX ou Massacra : ce sont les premiers représentants des scènes death et speed metal hexagonales, et l’on peut voir en eux les ancêtres des grands noms du metal français actuel, Gojira en tête (même si ces derniers ont toujours préféré chanter en anglais).

Trust - 1

Les musiques hard du monde entier connaissent une nouvelle révolution à la fin des années 1980, avec l’essor de la scène « fusion ». Aux États-Unis, Faith No More, Fishbone ou Rage Against the Machine se font remarquer en mêlant aux riffs acérés du metal les grooves du funk et du rap. La France n’échappe pas à ce mélange des genres, en reprenant une constante du rock/punk français : l’engagement politique. Lofofora et No One Is Innocent en sont les premiers représentants, en 1993-1994. Avec des titres comme L’Oeuf ou La Peau, respectivement, les deux pionniers dirigent leurs paroles acerbes et leur énergie rap/funk/metal sur leur ennemi, le Front national, et livrent chacun un brûlot contre le racisme. Lofofora et No One Is Innocent, leurs deux albums inauguraux, deviennent des classiques instantanés auprès de la jeunesse de 1993-1994. En 1995, ils sont rejoints au firmament par Silmarils, dont le premier disque (Silmarils, la mode était aux opus homonymes !) contient Cours vite, un morceau qui assume la filiation de ses auteurs avec les Rage Against the Machine et autres Red Hot première époque.

De la fusion au néo-metal : une french touch à base de riffs qui claquent

Le succès des trois formations précitées amène de nombreux groupes vers la lumière. Et entre les salles de concert et les médias (notamment la presse magazine et les séquences live de l’émission de Canal + Nulle Part Ailleurs), les espaces où la fusion en français réussit à se faire une place se multiplient. Des épigones de Korn ou Limp Bizkit, qui ont repris le flambeau de la scène fusion aux États-Unis, apparaissent dans l’Hexagone. Oneyed Jack perce avec l’album Cynique, mélange très réussi de rock lourd, de samples et de paroles encore une fois ancrées à gauche.

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Bientôt, c’est Mass Hysteria qui met tout le public metal français d’accord. Eux s’inspirent davantage du rock industriel que du funk pour bâtir leur musique ; pour autant, leur engagement, la voix marquée de Mouss Kelai et l’ambiance speed de leurs concerts les font rapidement appartenir à la même scène que No One Is Innocent ou Lofofora. Avec Le Bien-être et la Paix puis Contraddiction, la formation devient un des gros noms du rock hexagonal, qui ne fait que se durcir en cette fin de millénaire.

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Bientôt, une cohorte de groupes franciliens s’engouffre dans la brèche percée au début des nineties. Chaque année apporte son lot de nouveaux artistes. Tous connaissent le nu-metal de Korn et des Deftones sur le bout des doigts, se côtoient en soirée et échangent des featurings. En 1998, Watcha dégaine le premier avec un disque… homonyme. L’année suivante, Pleymo remporte la timbale avec Keçkispasse ?, soit une heure de rap metal francophone poussé à son paroxysme. En 2000, la surenchère continue avec Enhancer, où pas moins de trois chanteurs/MC enchaînent les punchlines sur fond sonore violent. Plus traditionnels, leurs copains d’Aqme trouvent le succès en 2002, avec un premier disque, Sombres efforts, qui leur permet de tourner en compagnie de leurs camarades de la team Nowhere (dont Enhancer, Pleymo, Wunjo…). À l’époque, le Hellfest n’existe pas, et le rock fusion français est sans doute le genre le plus extrême à passer dans les gros festivals, comme les Eurockéennes ou le Furia Sound Festival.

Qu’est-il arrivé à la fusion et au néo-metal français ?

Le milieu des années 2000 sonne la fin de dix ans de succès pour la scène fusion/néo-metal française. Ce phénomène s’explique en premier lieu par une désaffection mondiale pour le genre du côté des musiques extrêmes. Aux États-Unis et en Angleterre, une vague de groupes mêlant les riffs du metal et certains codes du punk hardcore remplacent, dans les festivals et les palmarès, les rois du néo-metal qui attiraient les foules. On assiste également à un véritable engouement pour les festivals spécialisés, où le néo-metal semble plutôt calme, par rapport aux fleurons du death, du black ou du grindcore, qui viennent abreuver des foules de fans, désormais réunies au Hellfest (créé en 2006) ou au Download Festival (inauguré en 2003) outre-Manche.

Les grands succès commerciaux du metal français seront le fait de groupes chantant en anglais (Empyr, Gojira), tandis qu’une nouvelle scène fusion émergera à la fin des années 2000 avec Skip the Use et Shaka Ponk, mais elle n’aura plus grand-chose à voir avec les riffs tranchants qui caractérisaient leurs prédécesseurs.

Les survivants actuels des années 1990 se comptent sur les doigts de la main. Lofofora a remastérisé son disque Le Fond et la Forme l’an passé, et devrait prochainement enregistrer le successeur de Vanités, sorti en 2019. Deux ans après Ennemis, les garçons de No One Is Innocent semblent ne plus vouloir continuer l’aventure du groupe. Pleymo, Aqme ou Enhancer sont mis en sommeil.

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Mass Hysteria, en évoluant petit à petit vers un son plus heavy, semble parti pour durer. Leur diptyque Tenace (dont sort la deuxième partie ce mois-ci) témoigne de cette mue progressive, particulièrement remarquable depuis l’arrivée du guitariste Frédéric Duquesne (ex-Watcha) en 2014. Les disques Matière noire et Maniac ont initié un plus jeune public aux vétérans de la fusion française, qui sont loin d’avoir tout dit, trente ans après leur formation !

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Mathieu M.
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