Que ce soit pour initier une immersion dans l’univers parfois distant et fastidieux de la grande littérature ou tout simplement pour revivre autrement le plaisir d’une lecture passée, les mangas adaptés des grands romans littéraires ont su, sans avoir à rougir, gagner leur place au rayon librairie. Portés par des mangakas inspirés mais toujours respectueux des œuvres originales, ces mangas « littéraires » s’avèrent d’excellents chemins de traverse pour se (re)donner le goût des grands auteurs…
Les classiques de la littérature française revisités
Le Rouge et le Noir d’après Stendhal – Team Banmikas (Soleil)
Ambition, amour et hypocrisie sociale s’entrechoquent dans cette adaptation manga du plus grand texte de Stendhal. À travers le regard de la Team Banmikas – un collectif réunissant différents mangakas – Le Rouge et le Noir devient un récit visuellement intense, où l’ascension tout comme la chute de Julien Sorel sont parfaitement représentées.
Cette version parvient à saisir l’essence d’un personnage complexe, partagé entre ses rêves de grandeur et ses passions contradictoires. Une relecture fidèle et moderne d’un ouvrage fondamental sur la lutte des classes et les illusions de la réussite.
Les Trois Mousquetaires d’après Alexandre Dumas père – Russkey (Nobi Nobi)
« Un pour tous et tous pour un ! » Dans la collection « Les Classiques en manga », Russkey, duo d’illustrateurs composé de Takanori Aoyama et Masanobu Funato, fait à nouveau résonner la célèbre devise des Trois Mousquetaires, one-shot captivant adapté du roman d’Alexandre Dumas père.
Avec le trait expressif pour des planches dynamiques, les deux dessinateurs nous entraînent dans les aventures du jeune D’Artagnan, fougueux Gascon monté à Paris mettre sa lame au service du roi Louis XIII. Entouré de ses amis et fines lames Athos, Porthos et Aramis, il devra déjouer les conspirations machiavéliques du Cardinal de Richelieu et de la sournoise Milady de Winter afin de sauver l’honneur de la reine…
Le Comte de Monte Cristo d’après Alexandre Dumas père – Ena Moriyama (Kurokawa)
(Re)découvrez le destin insensé d’Edmond Dantès, capitaine de vaisseau à l’avenir plein de promesse. Alors qu’il s’apprête à se marier à la belle Mercédès, le voilà injustement jeté en prison au château d’If, victime, il l’apprendra, d’une perfide machination. Ferré dans sa geôle, Dantès prend alors le temps d’orchestrer ses représailles dans les moindres détails. Elles seront terribles et implacables. Du pur génie !
En douze chapitres, Ena Moriyama nous offre ici une superbe et fidèle interprétation graphique du Comte de Monte Cristo, toujours d’Alexandre Dumas, sans doute l’un des plus grands récits de vengeance de la littérature.
Les Misérables d’après Victor Hugo – Takahiro Arai (Kurokawa)
En 2015, Takahiro Arai s’essaye avec succès à l’adaptation des Misérables de Victor Hugo. Dès le premier tome, il livre une merveilleuse interprétation de l’immense saga hugolienne. Finalement, il lui faut 8 volumes pour resserrer les destins tragiques de l’ancien forçat Jean Valjean, Fantine et Causette, Éponine et Javert.
Le trait précis, les répliques fidèles, Takahiro Arai restitue toute la force de l’œuvre originale, l’épaisseur de ses personnages et le drame de leurs vies. Un travail remarquable pour une passionnante relecture de ce classique de la littérature française, formidable ouvrage de rédemption et de révolte.
La Peste d’après Albert Camus – Ryota Kurumado (Michel Lafon)
C’est sans complexe et avec beaucoup de talent que Ryota Kurumado a choisi d’adapter le chef-d’œuvre d’Albert Camus, La Peste. Dès le premier tome et dans les trois suivants, le mangaka allie à merveille le fond et la forme pour nous (re)plonger dans les années 1940, au cœur d’Oran.
Dans ses rues jonchées de rats morts, stigmates d’une cité en proie à une terrible épidémie. Au docteur Bernard Rieux d’entamer alors une course contre la montre pour sauver la ville et ses habitants. Le coup de crayon, épuré, va à l’essentiel, l’écriture est soignée et l’ensemble à la hauteur du best-seller des lettres françaises.
Les incontournables de la littérature étrangère adaptés
Orgueil et Préjugés d’après Jane Austen – Stacy King et PoTse (Soleil)
Angleterre, début du XIXe siècle : les bals, les lettres et les malentendus tissent les fils d’une romance inoubliable. Dans cette adaptation du texte culte de Jane Austen, Stacy King réussit le pari de retranscrire en manga toute la subtilité des échanges entre Elizabeth Bennet et le mystérieux Mr. Darcy.
À cela s’ajoutent les belles illustrations signées PoTse qui séduiront autant les amoureux de l’œuvre originale que les lecteurs découvrant Orgueil et préjugés pour la première fois.
Frankenstein d’après Mary Shelley – Liu Linus (Nobi Nobi)
Liu Linus fait revivre le monstre créé par le docteur Victor Frankenstein avec un hommage au sombre Frankenstein de Mary Shelley. Fidèle dans le ton comme dans les dialogues, cette adaptation explore avec force la thématique de la solitude dans un monde de science-fiction.
Le trait, à la fois gothique et chargé d’émotion, donne chair à la douleur de la créature et aux tourments du scientifique. Un classique revisité avec justesse apportant de la modernité à ce Prométhée qui l’était déjà.
Jane Eyre d’après Charlotte Brontë – Lee SunNeko (Nobi Nobi)
Toujours dans la collection « Les Classiques en manga », retrouvez l’adaptation réussie du premier roman phare de Charlotte Brontë, Jane Eyre.
L’histoire romantico-gothique de cette orpheline très tôt livrée aux sombres vicissitudes de l’existence mais dont la détermination et l’indépendance de caractère pousseront la jeune femme à chercher le bonheur coûte que coûte.
À la manœuvre de cette adaptation, on retrouve une certaine Lee SunNeko, rompue à l’exercice après s’être déjà confrontée au colossal Misérables de Victor Hugo, comme Takahiro Arai. Chronologie des événements et dialogues sont ici plutôt bien respectés, tout comme les costumes et les décors, l’atmosphère mélancolique y très est bien rendue. De quoi largement donner envie de revivre ou d’enfin oser se plonger dans le classique anglais !
Crime et châtiment d’après Fiodor Dostoïevski – Hiromi Iwashita (Kurokawa)
Place à la « mangaïsation » du puissant Crime et châtiment de Fiodor Dostoïevski, un incontournable de la littérature russe.
La souffrance et la culpabilité dévorante de Raskolnikov, héros tragique du roman, son cheminement vers une certaine conscience morale et l’acceptation de ses actes… Tout y est ! On retrouve au fil des pages l’essence même de l’œuvre originale et toute la force de sa réflexion philosophique, le coup de crayon de la mangaka Hiromi Iwashita insufflant un certain surcroît émotionnel aux personnages sans pour autant sombrer dans l’exubérance. Une très bonne entrée en littérature (et en philosophie) pour les jeunes lecteurs avec ce manga !
L’Appel de Cthulhu d’après H.P. Lovecraft – Gō Tanabe (Ki-oon)
Le célèbre Appel de Cthulhu mais aussi Les Montagnes hallucinées, La Couleur tombée du ciel ou encore Le Cauchemar d’Innsmouth sont autant de chefs-d’œuvre de Lovecraft adaptés en manga par Go Tanabe. Une idée survenue en 2005 alors que le mangaka, plongé dans ses recherches de personnages ayant, dit-il, « [perdu] tout espoir et appétit de vivre », découvrait l’univers fantastique de H.P. Lovecraft, grand inspirateur de Stephen King…
De la plume et du crayon, Go Tanabe retranscrit avec soin et finesse l’atmosphère sombre et tourmenté de ce monde de la fin du XIXe au bestiaire cauchemardesque resurgi d’un lointain passé. Une rencontre aussi fascinante qu’inattendue entre le fantastique classique et le manga.