Le deuil dans les livres, une thématique que les prépas scientifiques vont devoir aborder cette année. Vivre cette expérience fait exulter une profonde souffrance mais l’écriture aide à cette longue traversée, en disant les mots qui ne peuvent que s’écrire et qu’il est difficile à dire.
Le deuil dans les livres, une thématique que les prépas scientifiques vont devoir aborder cette année. Vivre cette expérience fait exulter une profonde souffrance mais l’écriture aide à cette longue traversée, en disant les mots qui ne peuvent que s’écrire et qu’il est souvent plus difficile à dire.
J’ai réussi à rester en vie – Joyce Carol Oates (Points)
Alors que son mari se rend aux urgence pour un mauvais rhume et qu’on lui diagnostique une pneumonie sans gravité, il décède au moment de rentrer chez lui, d’une infection nosocomiale. Joyce Carol Oates est alors plongée brutalement dans l’expérience du deuil sans précédent, au vide et à tout ce qui l’entoure.
Dans J’ai réussi à rester en vie, Joyce Carol Oates parle de l’absurdité que l’on trouve à rester en vie et de voir le monde continuer de tourner alors qu’un proche est mort, et pour elle, son mari Raymond Smith. Un très beau roman sur son parcours dans le deuil et sur comment elle réussit, malgré tout, à garder la tête hors de l’eau et à traverser le fleuve du chagrin douloureux.
« Il est mort. Je lis le journal, je prends mon petit déjeuner. […] Mon amour, mon mari depuis quarante-sept ans est mort et je suis encore là. Amputée de lui. Il a lâché ma main, je vacille. Comment continuer à vivre maintenant ? »
L’année de la pensée magique – Joan Didion (Grasset)
Alors que leur fille est déjà dans le coma suite à une grave pneumonie, Joan Didion perd son mari lors d’une soirée ordinaire de fin décembre alors qu’ils s’apprêtent à dîner. Une crise cardiaque. Comment réussir à traverser cette période ? Comment comprendre et arriver à l’accepter ?
Par ses monologues intérieurs et son écriture sobre mais clinique, Joan Didion dissèque jusqu’à la moelle l’expérience du deuil et son irrémédiabilité implacable.
L’année de la pensée magique, un livre sincère et profond.
« La vie change vite. La vie change dans l’instant. On s’apprête à dîner et la vie telle qu’on la connaît s’arrête. Tels étaient les premiers mots que j’avais écrits après l’événement. Pendant longtemps je n’ai rien écrit d’autres. »
Les âmes grises – Philippe Claudel (LGF)
Dans Les âmes grises, Philippe Claudel fait vivre des personnages intenses, insérés dans une société qui ne tient plus, détruite par la Grande Guerre et ses fléaux.
Nous sommes en hiver 1917 et une enfant est retrouvée morte, assassinée. Mais ce n’est pas la seule. Plusieurs années plus tard, le policier qui avait mené l’enquête autrefois raconte toutes ces vies qui n’ont pas pu continuer le cours de leurs existences.
« […] ça, c’est la grande connerie des hommes, on se dit toujours qu’on a le temps, qu’on pourra faire cela le lendemain, trois jours plus tard, l’an prochain, deux heures après. Et puis tout meurt. On se retrouve à suivre des cercueils, ce qui n’est pas aisé pour la conversation. »
Falaises – Olivier Adam (Point)
Falaises place sa narration l’instant d’une nuit, avec l’introspection d’un homme qui pense à sa vie, la mort de sa mère et cette question lancinante : comment suis-je encore en vie ?
Face aux falaises où vingt ans plus tôt, sa mère s’est jetée, l’homme pense.
« Je sais le poids des morts. Et je sais le mauvais sort. Je sais la perte et le saccage, le goût du sang, les années perdues et celles qui coulent entre les doigts. Je connais la profondeur des sables, j’en ai éprouvé la résistance, la matière meuble, équivoque. Je sais que rien n’est fiable, que tout se défait, se fissure et se brise, que tout fane et que tout meurt. La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse. »
Sweet Home – Arnaud Cathrine (Gallimard)
Sweet Home d’Arnaud Cathrine, est un roman clair et lumineux. Un roman profond et acéré.
Durant trois étés, le destin d’une famille se joue et se disloque. Si Susan, la mère, souhaite mettre fin à ses jours, son mari souffre de toutes ces années de désamours. Et puis, il y a les enfants, – Lily, Vincent et Martin – qui prendront la parole et tenteront de traduire les silences.
« L’image a brusquement disparu. On n’a plus entendu que le ronflement du projecteur accompagné de l’odeur chaude du ventilateur. Il n’est rien de pire, me suis-je dit, que de regarder ces petits bonhommes avancer plus vite que la normale, c’est là qu’on vous les arrache avec le plus de violence. Je sais ce qu’est le temps : une bobine qui vous restitue la torture des choses dérobées et pour finir au bout des trois brèves minutes, crache un blanc clair et définitif. »
L’homme qui m’aimait tout bas – Éric Fottorino (Gallimard)
Le 11 mars 2008, le père d’Éric Fottorino se tue d’une balle dans la bouche à l’âge de soixante-dix ans. Tout l’amour qu’il porte à ce père adoptif réside dans ses pages. Car s’il était taiseux et préférait les gestes aux paroles, il lui laissa également la capacité d’écrire pour traverser ce deuil et laisser Fottorino l’accompagner pour toujours.
L’homme qui m’aimait tout bas, un bel hommage.
« Il préféra toujours le silence aux paroles, y compris à l’instant ultime où s’affirma sa liberté, sans explication. »
Souvenirs pieux – Marguerite Yourcenar (Gallimard)
Dans Souvenir pieux, Marguerite Yourcenar tente de comprendre d’où elle vient, et de qui fut sa mère et son père. Une étude qui se réussit à éclaircir les points nébuleux de sa vie et trouver des réponses dans tout ce qui l’entoure.
« La vie annonce rarement les catastrophes au son du fifre et du tambour. »
Une mort très douce – Simone de Beauvoir (Gallimard)
Une mort très douce est un récit bouleversant et sensible. Dans ce texte, Simone de Beauvoir raconte les derniers jours de sa mère et l’Après. Avant de mourir, les cauchemars l’assaillent : « On me met dans une boîte » dit-elle, « ne les laisse pas m’emporter »… Sans savoir que ses cauchemars étaient les prémices de ce qui arriverait prochainement.
Pour accompagner quelqu’un dans la mort, il faut être fort et résigné, c’est de ces deux qualités que se sont emparées Simone de Beauvoir et sa soeur au chevet de leur mère…
« Devant le sac de paille, rempli de pelotes de laine et d’un tricot inachevé, devant son buvard, ses ciseaux, son dé, l’émotion nous a submergées. C’est connu le pouvoir des objets : la vie s’y pétrifie, plus présente qu’en aucun de ses instants. »
Sans même nous dire au revoir – Kentarô Ueno (Kana)
Kentaro Ueno vit une vie heureuse, entouré de sa fille de dix ans et de sa femme, dans une petite maison où il travaille également sur ses mangas. Si sa femme souffre malgré tout de dépression, les médicaments paraissent faire effet. Pourtant, un soir alors qu’il va pour se coucher, il la retrouve sur le sol, inerte.
Sans même nous dire au revoir raconte ce qu’il s’est passé après cette effroyable découverte de sa femme sur le sol, et des étapes du deuil et de l’acceptation.
Une bande dessinée puissante dans ses mots et images.
« Dans les moments difficiles, c’est merveilleux d’avoir un nom à murmurer. »
Adieu, maman – Paul Hornschemeier (Acte Sud BD)
Thomas a sept ans lorsqu’il perd sa maman, se retrouvant seul avec lui-même car son père, prisonnier de la souffrance du deuil, plonge dans une longue dépression qui lui sera fatale. Alors, sans rien à quoi se raccrocher, Thomas se renferme de plus en plus sur lui.
« Votre réaction à la perte n’est pas plus “folle” que celle de bien des gens à des événements de moindre importance. Vous avez perdu quelque chose… Mais votre esprit s’éloigne de tout le reste en essayant de se raccrocher à l’objet perdu. Vous devez décider à quoi vous devez dire au revoir. »
*Copyright photographie de visuel : Sadan Ekdemir sur Unsplash
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