La matière d’une fiction est souvent à portée de main, sous nos yeux, derrière nos fenêtres, en bas de la rue. Quand les bédéistes se placent en observateur de la vie quotidienne, cela donne des albums pleins de justesse et une riche palette d’émotions . Des petits bouts de vie croqués qui interrogent autant les problématiques sociales que sexuelles et dressent le portrait de gens ordinaires, des gens comme nous.
Le bleu est une couleur chaude
Julie Maroh (Glénat)
Clémentine et Emma se croisent dans la rue et tombent immédiatement amoureuses. Alors qu’Emma est déjà en couple avec une femme, Clémentine se cherche encore… Julie Maroh signe une magnifique histoire d’amour, loin d’être facile et évidente. La passion transcende les personnages, la vague d’émotions se fait de plus en plus forte. Adapté au cinéma sous le titre La Vie d’Adèle, cet album a marqué son temps en abordant un sujet jusqu’alors assez peu traité en bande dessinée : une histoire d’amour entre deux femmes, pourtant absolument universelle.
Le roi des mouches, Tome 1 : Hallorave 
Michel Pirus, Mezzo (Glénat)
Dans ce premier tome du Roi des mouches, dix histoires courtes dans l’Amérique d’aujourd’hui défilent et s’entrecroisent. Dépravation, sexe, alcool, drogue : voici un bref résumé de l’album ! L’univers de Mezzo et Pirus est singulier et fascinant. Les auteurs mettent en scène des rapports sociaux et amoureux ternes, des personnages usés par la médiocrité de leur vie, à travers des dessins incisifs et implacables. Cette chronique sociale mérite vraiment le détour, pour le traitement en finesse de sujets épineux. Attention : l’album est strictement réservé aux adultes. (3 Tomes).
Lune l’envers
Blutch (Dargaud)
Lantz, dessinateur de BD à succès en manque d’idées, se laisse envahir par le doute. Il est submergé par les frustrations et les pressions diverses. En parallèle, une jeune femme nommée Liebling part faire sa vie avec dans sa poche, une capsule de cyanure dans le cas où être une femme dans ce monde serait trop dur à supporter. Par ses dessins lunaires et ses histoires poétiques et tourmentées, Blutch réussit à retranscrire des vérités pesantes. Il pointe les absurdités de la vie et pousse le lecteur à questionner son quotidien.
Portugal 
Cyril Pedrosa (Dupuis)
Simon, jeune auteur de BD, est au plus mal dans sa vie. Il profite d’une invitation au Portugal, d’où il est originaire, pour se ressourcer. Il espère ainsi redonner du sens à son existence. Avec ce récit introspectif et sensoriel, Cyril Pedrosa est au sommet de son art. On est littéralement happé par son Portugal, ses souvenirs et ses personnages attachants. Une BD insolite, à la construction solide, qui nous emporte dans un tourbillon de nuances chaudes et multicolores aux détails infinis. On en prend plein les yeux. Juste sublime !
L’Adoption, Tome 1 : Qinaya
Zidrou, Arno Monin (Bamboo)
Après un tremblement de terre au Pérou, Qinaya, 4 ans, est adoptée par une famille française. Mais Gabriel, qui a une relation difficile avec son fils, a du mal à accepter d’être le grand-père de la petite fille. Pourtant, des liens vont peu à peu se tisser entre les deux. Dans la lignée des Beaux Étés, Zidrou livre un scénario tendre et émouvant, superbement illustré par Arno Monin. Un récit d’une profonde humanité qui touche au coeur, un grand moment de poésie, avec ses joies et ses drames.
Rosalie Blum, Intégrale 
Camille Jourdy (Actes Sud)
Dans une petite ville de province, Vincent s’ennuie, Rosalie aussi. Ils se croisent, l’intrigue démarre… Autour de ces deux héros un peu paumés, Camille Jourdy met en place un univers poétique et fantasque, sublimé par un suspense efficace. Ce roman graphique à la fois tendre et sombre a remporté le Fauve Révélation au Festival d’Angoulême en 2010.
Les Petits Ruisseaux
Pascal Rabaté (Futuropolis)
Les journées d’Émile et Edmond, deux septuagénaires, sont rythmées par les parties de pêche et les discussions arrosées au bar du village. Au détour d’une conversation, Émile découvre la passion secrète de son compagnon : la peinture de nus. À la mort d’Edmond, Émile, très attristé, part sur les traces du passé de son ami. Le dessin, les couleurs simples et douces, sont accompagnés de savoureux dialogues. Pascal Rabaté rend un vibrant hommage au troisième âge dans cette chronique sociale pleine d’humanité.
Les vieux fourneaux, Tome 1 : Ceux qui restent
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet (Dargaud)
Aux funérailles de son épouse, Antoine, septuagénaire, retrouve ses deux anciens amis. À la suite de la révélation d’un vieux secret, les événements cocasses s’enchaînent… Le lecteur embarque pour un road-movie jusqu’en Toscane avec ces trois forts caractères et la petite fille d’Antoine, enceinte de sept mois, qui ne se laissera pas marcher sur les pieds ! Le dessin de Cauuet est expressif et plein de vie. Wilfrid Lupano, au scénario, imagine des dialogues savoureux et très rythmés qui rappellent Audiard. On s’amuse, on est ému, on est captivé par cette aventure humaine. (5 Tomes, série en cours).
Où le regard ne porte pas…, Tome 1
George Abolin, Olivier Pont (Dargaud)
Dans cette BD, le lecteur est plongé dans le monde de l’enfance, à travers le regard de William qui arrive d’Angleterre avec sa famille dans un village de pêcheurs italiens. Une petite bande de quatre amis va se former autour de Lisa, une jeune fille aux pouvoirs mystérieux. Les parents de William se voient quant à eux confrontés à l’hostilité des habitants en raison du chalutier flambant neuf du père. La délicatesse et la finesse du dessin d’Olivier Pont ainsi que la luminosité des couleurs invitent à la rêverie. (2 Tomes).
Mauvais Genre
Chloé Cruchaudet (Delcourt)
Paul, traumatisé par la guerre des tranchées, décide de déserter pour rejoindre sa femme, Louise. Mais il ne peut sortir de chez lui, sous peine d’être démasqué et condamné. Pour reprendre le cours d’une vie normale, il se travestit en femme. Seulement voilà, il prend un peu trop goût à cette nouvelle vie… Chloé Cruchaudet traite un sujet difficile avec une maîtrise impressionnante. Son dessin unique sert à la perfection un récit fascinant. Mauvais genre illustre de front le traumatisme de la guerre et la question du travestissement dans une société d’après-guerre incroyablement rigide.
Idéal Standard
Aude Picault (Dargaud)
Claire, la trentaine, désespère de trouver l’homme idéal. Elle souhaite fonder une famille. Aussi, quand elle rencontre Victor, elle se laisse aller à rêver. Sa relation amoureuse n’est peut-être pas parfaite, mais elle est… normale. Aude Picault aborde ici le thème du formatage, des schémas imposés par la société. La plupart du temps, de façon inconsciente, on se conforme à un idéal standard qui ne nous apporte que rarement une pleine satisfaction. Cet album nous donne l’occasion de prendre du recul et de remettre en perspective ce qui compte vraiment.
Magasin général, Tome 1 : Marie 
Régis Loisel, Jean-Louis Tripp (Casterman)
Un village québécois, dans les années 1920, voit son quotidien bouleversé par l’arrivée d’un étranger. Serge est cultivé et raffiné, il détonne un peu dans le décor, mais il bénéficie de l’appui de Marie. Cette jeune veuve a repris le magasin de feu son époux et va peu à peu s’émanciper, tout en permettant à Serge de se faire accepter grâce à ses talents de cuisinier. Petit bijou d’humanisme, ode à la liberté et à la joie de vivre, cette série est vraiment chaleureuse et bienfaisante. Un vrai plaisir de lecture ! (9 Tomes).
Le Combat ordinaire, Tome 1
Manu Larcenet (Dargaud)
Larcenet signe avec Le combat ordinaire l’une de ses œuvres les plus personnelles. Et c’est lui qui en parle le mieux : « C’est l’histoire d’un photographe fatigué, d’une fille patiente, d’horreurs banales et d’un chat pénible. » Comme les meilleurs auteurs de comédie, Larcenet arrive à alterner entre des moments drôles et d’autres plus mélancoliques. On y parle de l’amour, de la mort, du passage à l’âge adulte, de la maladie, du mal-être, des choix que la vie nous impose… Plus qu’une bande dessinée, c’est un instantané de la vie dans ce qu’elle a de plus complexe, mais aussi de plus merveilleux. (4 Tomes).
Appelez-moi Nathan 
Catherine Castro, Quentin Zuttion (Payot)
Pour Lila, tout bascule le jour où sa puberté commence, car elle sait, au fond d’elle-même, qu’elle est un garçon, malgré ce corps de femme qui s’impose à elle. Ces changements la poussent à détester ce corps qui la trahit et toutes les personnes qui ne comprennent pas qu’elle est un garçon. Quentin Zuttion met son dessin au service d’une histoire vraie, sur la vie compliquée des jeunes transgenres. Un bel exemple de courage pour vaincre les préjugés et un combat terrible pour obtenir une chose pourtant indispensable : le droit d’être ce que l’on est au fond de soi.
Les Beaux Étés, Tome 1 : Cap au Sud !
Jordi Lafebre, Zidrou (Dargaud)
Dans un désordre savamment orchestré, le duo Zidrou–Lafebre nous conte les vacances de la famille Faldérault. La grande originalité de cette série pleine d’humour et de tendresse réside dans la chronologie de l’histoire : chaque tome correspond à un été, mais ils ne se suivent pas dans le temps. Ainsi, le premier tome nous emmène en 1973, quand le second se situe en 1969, le troisième en 1962 et le quatrième en 1980. On voit ainsi, au gré des tomes, les enfants rajeunir ou vieillir, les projets de bande dessinée du père voir le jour ou commencer à germer.
Quai d’Orsay, Tome 1
Abel Lanzac, Christophe Blain (Dargaud)
Arthur Vlaminck est embauché dans le cabinet du ministre des affaires étrangères, Alexandre Taillard de Vorms, homme aussi flamboyant que tyrannique et inconséquent. Derrière ces deux personnages se cachent en réalité Dominique de Villepin et le scénariste de la série, Abel Lanzac, qui a réellement travaillé dans ce cabinet. En deux albums, la série Quai d’Orsay brosse le portrait d’un homme attachant, mais qui semble bien peu à sa place dans un monde politique plus brutal qu’il n’y paraît. (2 Tomes).
Aya de Yopougon, Tome 1
Marguerite Abouet, Clément Oubrerie (Gallimard BD)
Aya est une jeune fille de 19 ans un peu trop sérieuse qui rêve de devenir médecin. Elle préfère rester chez elle pour étudier plutôt que de sortir avec ses copines. Elles, ce qu’elles aiment, ce sont la danse, les garçons et tous les petits plaisirs de la vie. Aya et ses copines vous feront découvrir Abidjan comme jamais on ne l’avait imaginé. Le dépaysement est garanti avec cette série rafraîchissante et joyeuse, qui a obtenu le Prix du premier meilleur album au Festival d’Angoulême en 2006. (6 Tomes).
La Légèreté
Catherine Meurisse (Dargaud)
Le 7 janvier 2015, la rédaction de Charlie Hebdo est la cible d’un terrible attentat. Les amis de Catherine Meurisse, dessinatrice de presse, sont assassinés. Dans La Légèreté, elle raconte la torpeur qui l’a envahie, ainsi que sa quête de survie à travers l’art. De Cabourg à Rome, en passant par le musée du Louvre, Catherine Meurisse relate avec beaucoup de pudeur et d’émotion comment elle retrouve sa légèreté et s’extirpe du chaos qui l’a dévastée.
Le Singe de Hartlepool
Wilfrid Lupano, Jérémie Moreau (Delcourt)
Ce titre marque l’association du scénariste génial et multirécidiviste Wilfrid Lupano (Les Vieux Fourneaux) et du dessinateur Jérémie Moreau (La Saga de Grimr). Il dépeint l’histoire vraie d’un chimpanzé, mascotte d’un navire français échoué sur une plage d’un village anglais, Hartlepool. Lorsque le singe débarque en Angleterre, il est à tort pris pour un espion de Napoléon, les Anglais n’ayant jamais rencontré de Français en chair et en os. Graphiquement très original, ce récit est avant tout une fable sur la bêtise humaine en général et la peur de l’autre en particulier. Truffée de dialogues percutants et cinglants, la BD se lit d’une traite et amène le lecteur à réfléchir sur la nature humaine.
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