
Émouvante en danseuse quinqua dans « The Last Showgirl » de Gia Coppola (en salle le 12 mars 2025), Pamela Anderson amorce un tournant majeur dans sa carrière. En se dévoilant sans fard, débarrassée de son iconique maillot rouge, l’ancienne pin-up de « Alerte à Malibu » entreprend une passionnante métamorphose.
Shelly (Pamela Anderson) fixe le public. La paupière fardée, le faux cil outrageusement ourlé et le sourire triste, la danseuse s’apprête à tirer sa révérence. Après 38 ans au sommet, le spectacle du Razzle Dazzle- dont elle est l’une des étoiles- ne fait plus recette à Las Vegas. Les cabarets d’inspiration parisienne ? Plus si chic. Les spectateurs veulent du soufre, du spectaculaire. Les plumes et les paillettes sont devenues des vestiges d’un âge d’or glamour révolu. Et puis comment lutter face à ces jeunettes ambitieuses qui débarquent ? Shelly et ses amies vont devoir se faire une raison : elles sont aujourd’hui « vieillottes ».
C’est cette période de transition que dépeint la réalisatrice Gia Coppola, nièce de Sofia et petite-fille de Francis, dans The Last Showgirl. En posant un regard infiniment doux sur ces performeuses confrontées à la brutalité d’une industrie avide de chair fraîche, la cinéaste de 38 ans raconte aussi bien la fin d’une ère que l’acceptation du temps qui passe. Comment se réinventer hors des planches ? Comment laisser derrière soi sa carrière pour embrasser une nouvelle version de soi ?
Un joli portrait de femme
A travers son troisième long-métrage, Gia Coppola signe avec une chronique mélancolique et intimiste d’une industrie en pleine mutation et un délicat portrait de femme. Car la plus grande idée de la réalisatrice est sans doute le choix de Pamela Anderson en meneuse de revue poussée vers la sortie. « J’ai 57 ans et je suis belle ! », s’exclame Shelly, tout juste retoquée d’un casting. Comme un mantra jeté à la face d’un monde qui veut la reléguer au rebut après l’avoir essorée.
Difficile de ne pas percevoir ici une double lecture. Gia Coppola ne s’en cache pas : c’est bel et bien Pamela Anderson qui lui a inspiré son héroïne. Une icône de la pop culture qui ne connaît que trop bien ce milieu du spectacle qui broie les femmes. Elle en est même devenue l’un des tristes symboles, elle qui fut dévorée par le regard vorace de la caméra de la série Alerte à Malibu. Cantonnée à sa sculpturale silhouette, profondément humiliée par l’affaire de sa sex-tape (la vidéo de ses ébats avec son mari Tommy Lee, diffusée sans leur consentement dans les années 1990), « Pam » aura été l’une de ces pin-ups objectifiées qu’Hollywood aurait pu définitivement briser, comme tant d’autres avant elle.
« J’ai traversé beaucoup d’épreuves dans ma carrière et dans ma vie personnelle, dès le plus jeune âge. Je suppose que c’est pareil pour Shelly et qu’elle a trouvé un moyen de briller, d’être vue et de se sentir belle. Maintenant que tout cela lui est arraché, c’est sa chance de se réinventer », expliquait l’actrice auprès de TF1.
« Il n’est jamais trop tard »
Pamela Anderson aura su se libérer de ces carcans qui l’auront tant abîmée. Plus qu’une renaissance, l’actrice semble amorcer aujourd’hui une nouvelle carrière. Celle que personne n’avait jamais daigné lui offrir, celle qu’elle-même n’aurait peut-être pas osé entreprendre. Car elle n’avait jusqu’alors tourné qu’un seul film, le nanar Barb Wire, dans lequel elle n’était réduite – une fois encore- qu’à ce corps fantasmé, moulé de cuir. « J’ai pris un chemin peu orthodoxe pour arriver jusqu’ici, en témoigne le fait que je commence à peine ma carrière d’actrice. Ce n’est que le début, il n’est jamais trop tard », confesse-t-elle.
En 2023, elle s’était déjà intimement dévoilée dans un documentaire passionnant sur Netflix, Pamela, A Love Story. Aujourd’hui, sa prestation fragile dans The Last Showgirl surprend. Et à l’instar de Demi Moore, impressionnante en coach de fitness cherchant une nouvelle jeunesse dans The Substance de Coralie Fargeat, l’effet miroir entre l’actrice quinquagénaire et son rôle de danseuse has been est saisissant. Les deux icônes des années 90 prennent ainsi leur revanche dans deux films visuellement opposés (The Substance mise sur un body horror pop et ultra-cru, tandis que The Last Showgirl opte pour un grain subtilement rétro), mais qui partagent un même message puissant : la dénonciation de l’âgisme qui marginalise les femmes qui auraient le mauvais goût de vieillir.
A 57 ans, Pamela Anderson s’amuse désormais à bousculer ces stéréotypes qui l’ont si souvent définie. La star canadienne s’affiche sans maquillage en shooting et sur les tapis rouges, à contre-courant des injonctions. En exposant sa peau nue, sans artifices, elle adresse un pied de nez aux normes qu’elle aura (malgré elle) longtemps contribué à façonner. A l’image de son personnage touchant dans The Last Showgirl, Pam est devenue une héroïne de la résilience, embrassant pleinement son parcours cabossé, ses épreuves, sa métamorphose. La voici devenue icône féministe. Qui l’eut cru ?