Décryptage

Claude Lelouch, le cinéma, finalement

13 novembre 2024
Par Lucie
Claude Lelouch, le cinéma, finalement
©Rezo Films

C’est un metteur en scène unique en son genre qui sort en novembre son 51e film. Claude Lelouch, avec Finalement, revient à ses amours habituels. Casting cinq étoiles (Kad Merad, Françoise Fabian, Elsa Zylberstein), musique à fond (signée Ibrahim Maalouf, Didier Barbelivien, Barbara Pravi), et scénario prenant. Tant d’éléments présents dans ce long-métrage et représentatifs d’une carrière folle et pleine de rêves. Retour sur quelques étapes clés de cette filmographie inouïe.

Claude Lelouch, la vie qui décolle

« Chabadabada, chabadabada ». En 1966, la célèbre chanson de Francis Lai marque les esprits au Festival de Cannes. Le film romantique ultime, emblème de l’amour à la française, de la modernité cinématographique, triomphe, en remportant la Palme. Un homme et une femme, qui réunit Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, le temps d’une aventure à Deauville, obtiendra plus tard l’Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario original. 

Et pourtant… Que de tribulations aura-t-il fallu à Claude Lelouch, son réalisateur, pour parvenir à ce succès éternel. D’abord, la guerre : né juif, il découvre le cinéma durant l’Occupation, caché par sa mère dans les salles obscures pour échapper à la Gestapo. À la Libération, à huit ans, le garçon sait déjà que le septième art occupera le restant de sa vie. Après ses études, c’est dans le reportage qu’il fourbit ses premières armes. D’URSS, il ramène des images inédites d’une vie quotidienne des Russes qui est alors censurée : Quand le rideau tombe lui offre son premier succès, et un goût pour le reportage clandestin qui expliquera, plus tard, son attrait pour le matériel léger et l’improvisation. À Moscou, il s’est aussi pris de passion pour la fiction, les mouvements d’appareil, en assistant au tournage du chef-d’œuvre de Kalatozov, Quand passent les cigognes.

Dans les années 1950-1960, que ce soit à l’Armée, en tournant des scopitones pour les vedettes du yéyé, ou avec ses premiers films (Le Propre de l’homme, L’amour avec des si, Une fille et des fusils), Claude Lelouch ne regarde pas à la dépense côté pellicule. Néanmoins, l’insuccès l’amène au bord de la déprime. Jusqu’à ce jour de septembre 1965, où il a conduit jusqu’à Deauville, et croise une femme et sa fille sur la plage, lui inspirant ainsi Un homme et une femme. Un film tourné avec les moyens du bord, une équipe réduite composée de quelques acteurs, qui feront les grandes heures de la chanson underground en France (Pierre Barouh, Valérie Lagrange).

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La naissance d’une patte Lelouch

Avec le succès, Claude Lelouch peut soudain donner vie à ses envies de cinéma. Des constantes commencent à apparaître : un goût pour les acteurs charismatiques et un amour des femmes qui transparaissent dans nombre de ses scénarios. Techniquement, l’envie d’expérimenter, de profiter pleinement des allègements techniques dus aux progrès en matière de prise de vue et de son se retrouve dans une mise en scène qui privilégie les mouvements d’appareil. Autant de panoramas et de travellings qui contribuent à la dynamique de films différents, comportant tous, une vraie maîtrise de l’espace. Au niveau des thématiques, le coup de foudre, le hasard, la prédestination, l’envie de liberté des personnages lelouchiens vont bientôt constituer une sorte de mythologie personnelle.

La fin des années 1960 et les années 1970 vont voir ces différentes tendances nourrir de nombreux films marquants. Avec Un homme qui me plaît, il réunit Annie Girardot et Jean-Paul Belmondo dans un road-movie romantique sur fond de création artistique. Dans L’Aventure c’est l’aventure, Lelouch crée une bande iconoclaste, autour de Lino Ventura, Jacques Brel, Aldo Maccione, Charles Denner, et dépeint la confusion des idéologies dans un portrait cartoonesque de quelques pieds nickelés politisant leurs méfaits. Avec La Bonne Année, il retrouve Lino Ventura et Charles Gérard, et imagine un film de casse romantique, dans lequel excelle l’une des grandes actrices de l’époque, Françoise Fabian. En 1974, Toute une vie, son casting pléthorique, et ses grandes séquences sur l’amour et le hasard, donne à voir une patte Lelouch encore plus ambitieuse, qui sera au cœur de ses grands films choraux dans les décennies suivantes.

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Claude Lelouch, un homme de chœur

En 1981, dans Les Uns et les Autres, Lelouch concentre sans doute toutes ses caractéristiques les plus personnelles pour créer un film historique et collectif d’une ampleur sans précédent. Non sans une certaine grandiloquence, le long métrage brosse le portrait de quatre familles, sur trois générations, ayant en commun d’aimer la musique et la danse, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et des décennies qui suivent. Dès lors, la volonté de réaliser d’immenses films choraux ne quittera guère le réalisateur : Viva la vie (ou le mystère de la disparition successive de personnages ne se connaissant pas), Il y a des jours et des lunes (ou l’influence de la lune sur le destin d’une vingtaine de personnes), La Belle Histoire (réincarnations bibliques et coup de foudre dans le milieu de la tauromachie et de la petite délinquance), Tout ça pour ça (vies croisées de trois accusés, de leur avocate, du mari de celle-ci, et de son amant, accessoirement juge)… Autant d’exemples d’un cinéma ample, qui révélera ou confirmera quantité d’acteurs, dont Fabrice Luchini, Francis Huster, Vincent Lindon, Gérard Lanvin et bien d’autres encore.

Reste que Lelouch, en multipliant les projets, a réussi à varier les climats : son biopic romantique sur les amants maudits des années 1950 (Édith et Marcel), ou son Itinéraire d’un enfant gâté, formidable film de tandem avec Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina, font exception au traitement choral de ces autres films.

Ces dernières décennies, Claude Lelouch continue d’apparaître comme un expérimentateur. Qu’il tente le film sous pseudonyme pour éteindre les critiques (Roman de gare), ou façonne un documentaire le concernant (D’un film à l’autre), qu’il nous offre son célèbre plan-séquence automobile en plein Paris (C’était un rendez-vous), ou renoue avec Trintignant et Anouk Aimée le temps d’une variation d’Un homme et une femme (Les Plus Belles Années d’une vie), ou encore qu’il réalise un film uniquement avec un iPhone (La Vertu des impondérables), jamais le cinéaste ne renonce à suivre sa liberté. Désormais, les tournages de Lelouch attirent tout le gotha du cinéma français, chacun des acteurs s’attendant à une expérience inoubliable. Qu’il s’agisse de Johnny Hallyday, qui a signé son dernier film avec le cinéaste, de Kad Merad, ou de Jean Dujardin, les stars se dirigent vers ce réalisateur, auteur, scénariste et producteur pour retrouver ce subtil mélange de lien familial et d’originalité que les spectateurs aiment tant. Lelouch a voué sept décennies au cinéma, et ce n’est pas fini ! 2024 nous offre ainsi Finalement, en salles le 13 novembre !

Article rédigé par
Lucie
Lucie
rédactrice cinéma sur Fnac.com
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