Décryptage

Norah Jones, de la multitude en musique

08 mars 2024
Par Mathieu M.
Norah Jones, de la multitude en musique
©Shervin Lainez

Depuis ses débuts, au début des années 2000, Norah Jones n’a cessé de déjouer les attentes. Jazzwoman un jour, elle s’est intéressée à de nombreux genres, que ce soit la country, la soul ou la pop, se créant une identité à part, avec pour constante un usage extrêmement pertinent de sa voix. À l’occasion de la sortie de son nouvel album, « Visions », retour sur une carrière en toute liberté.

Norah Jones, la note bleue

L’histoire de Norah Jones a rencontré par la rencontre de deux mondes : sa mère, Sue Jones, dansait et produisait des spectacles à New York, tandis que son père, Ravi Shankar, virtuose du sitar, a permis à la musique indienne d’entrer en Occident. Fille de ce couple, la jeune chanteuse reste dans le giron de sa mère, qui s’installe au Texas après sa séparation, grandit aux États-Unis et se fait bercer par la musique fétiche de cette même mère. Billie Holiday, Bill Evans côté jazz, les chanteurs de country des années 1950, la soul des années 1960… Saxophoniste, pianiste, chanteuse, Norah Jones est une enfant précoce : dès ses 16 ans, elle monte sur scène, dès dix-sept, elle est repérée par les spécialistes du jazz américain, et monte à New York pour ses vingt ans. À l’époque, sa fine connaissance de la composition jazzistique et son goût naturel pour les divas afro-américaines l’orientent vers le jazz vocal, qu’elle mêle déjà d’une pop américaine classique.

Sa chance sera de croiser un employé de Blue Note lors d’une des nombreuses prestations qu’elle livre dans des restaurants et bars new-yorkais. Sous le charme, le légendaire label décide de signer cette toute jeune femme, et de produire ses premières chansons, écrites avec son compagnon d’alors, Lee Alexander, et le guitariste Jesse Harris. Celles-ci sont recueillies dans l’album Come Away With Me (2002), dont le titre éponyme et la chanson Don’t Know Why deviennent les tubes. Pour le label, alors plutôt porté sur son passé, c’est un succès inespéré : Norah Jones devient l’emblème d’un jazz vocal en plein renouveau, et dépasse, côté ventes, Diana Krall.

Une stratégie de ruptures successives

Lorsque le deuxième album de Norah Jones sort, la surprise est de taille : Feels Like Home, s’il s’approche de Come Away With Me mélodiquement, s’en éloigne du côté des arrangements. Laissant libre cours à son influence folk/country, la chanteuse réussit à quitter un landerneau jazz assez figé pour créer un répertoire original, rêveur, mettant en valeur la douceur de sa voix plutôt que le swing.

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Ce mouvement vers les musiques rurales américaines se matérialise par ses participations à des disques de Ryan Adams, à un hommage à Joni Mitchell ou encore à sa présence dans le groupe Little Willies, en 2006, où sont repris les plus grands noms du répertoire country, de Willie Nelson à Hank Williams.

Les orgues de Thinking About You, les arrangements bluegrass de Sinkin’ Soon,  la pédale steel de Wake Me Up… Sur Not Too Late, son troisième disque, sorti en 2007, année de ses débuts comme actrice dans le mélo atmosphérique My Blueberry Nights, Norah Jones assume parfaitement son statut chèrement gagné : hormis sur Not Too Late, la chanson, plus jazzy, son vocabulaire musical se pare uniquement des atours laid-back et agrestes tirées de ses influences country. Elle développe par là même une forme adoucie de ce type musique, sa voix ramenant toujours les chansons vers la pop.

Sur Little Broken Hearts, en 2012, une nouvelle révolution s’amorce : accompagnée d’un producteur venu du hip-hop, Danger Mouse, la chanteuse explore son côté soulful, avec des chansons plus groovy qu’à l’accoutumée, mais aussi des nappes aux synthétiseurs tirant son univers vers la pop indé. C’est à nouveau une réussite, et le disque referme une décennie de succès qui l’aura vu aborder les trois influences majeures de sa jeunesse.

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Norah Jones, la chanteuse caméléon

Les choix de Norah Jones la font voisiner avec de nombreux artistes issus d’horizons divers au cours de sa carrière. Après un disque ancré dans la tradition enregistré avec Billie Joe Armstrong, chanteur de Green Day, elle fait son retour au jazz en 2016 à l’occasion de Day Breaks. Un disque classieux, tourné vers un public adulte qui a désormais admis la chanteuse dans le panthéon des voix libres de la musique mondiale. Au tournant de la décennie, son E.P. Begin Again puis Pick Me Up Off The Floor confirment sa place de prêtresse d’une pop sophistiquée largement influencée par le jazz vocal des Ella Fitzgerald et autres Sarah Vaughan.

Il y a trois ans, Norah Jones collaborait sur un disque de Noël avec le producteur « tout-terrain » Leon Michels. Ce génie du son, qui a contribué aux carrières de grands noms de la soul récente, dont Sharon Jones et Lee Fields, a été choisi par la chanteuse pour les sessions de Visions, un nouvel album qui fait la part belle aux sonorités vintage, à écouter notamment sur le premier single extrait de cet album à venir au printemps 2024, l’enjoué Running

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