Entretien

Rencontre avec Alex Lutz : « Même dans le drame, le plaisir de jouer doit l’emporter »

01 mars 2023
Par Christophe Augros
Rencontre avec Alex Lutz : « Même dans le drame, le plaisir de jouer doit l’emporter »
©Marie-Camille ORLANDO ┬® 2022 - 22H22 - APOLLO FILMS - STUDIOCANAL

Intense, tendu, mystique et bouleversant. En plein feu, le nouveau long-métrage du bordelais Quentin Reynaud, est une réussite visuelle, aussi beau sur la forme que sur le fond. Un huis clos dont la force repose sur les épaules d’André Dussollier et d’Alex Lutz. Rencontre avec ce dernier, en attendant de découvrir le film, au cinéma le 8 mars.

En plein feu, de quoi ça parle ?

En plein feu est un choc visuel. Entre Le Livre d’Eli des Hughes et The Tree of Life de Terrence Malick. On est parfois proche d’une peinture de maitre, d’une photo de Salgado. Travail remarquable du maquillage et des décors. Un souci du détail également incroyable. Inutile d’en faire trop quand tout est si juste et précis. Avec une équipe technique de ce niveau, le travail des acteurs est terriblement mis en valeur. Ce qui n’enlève rien à leur talent, au contraire.

en plein feu affiche

Rencontre avec Alex Lutz

Alex Lutz, 45 ans, véritable touche-à-tout au sens noble du terme, est absolument impressionnant, même en plein feu. Un film qui pourrait bien lui rapporter une nouvelle récompense.

Christophe, disquaire à la Fnac Chambéry : Comment s’est passée la rencontre avec André Dussollier ? Vous vous connaissiez ?

Alex Lutz : Non, on ne se connaissait pas. J’étais content quand Quentin m’a annoncé que ce serait lui. Le contact est passé rapidement entre nous. Nous avons en commun un plaisir d’enfant qui vient du théâtre je crois. On est fait du même sang. Même dans le drame, le plaisir de jouer doit l’emporter. Je dirais même que dans le drame, il y a une jubilation à jouer chez André qui me plaît.

Pour jouer des sujets aussi graves que le deuil, c’est juste le métier ou vous avez passé du temps ensemble ?

A.L. : Il faut être ému de l’autre. Il faut se regarder, s’observer, s’écouter, faire attention aux points de détail. C’est comme ça que j’ai construit mon jeu. Pour André, je ne sais pas mais j’essayais de détailler, de le voir comme mon papa afin de ne pas être à côté de la plaque. Ne pas jouer comme si le sujet vous était étranger mais en étant pleinement impliqué.

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Aviez-vous une idée de l’importance visuelle donnée au film ? Le rôle de la photo est énorme et à l’arrivée, le film est aussi beau que le fond. Le réalisateur vous en avait-il touché mot ?

A.L. : C’est ce qui m’a donné envie de faire le film en fait. Quentin, je le suis sans l’ombre d’un problème parce qu’il a des histoires simples qui sont aussi des cartes postales. Histoires simples mais avec du fond, un certain onirisme et un visuel incroyable. Notre premier film ensemble était une co-réalisation mais je sentais déjà ça, ce qui s’est confirmé dans 5eme Set. Il offre une matière visuelle phénoménale. C’est pour cette raison que je souhaite vraiment que ce film réussisse en salle. C’est un non-sens de le voir ailleurs que sur un grand écran.

Monsieur Lutz, quand on est soi-même réalisateur, ça change le rapport au réalisateur qui vous dirige ? Plus exigeant ? Moins tolérant ? Ou pas ?

A.L. : Je ne sais pas trop… Peut-être un peu plus exigeant. Disons que ça permet de repérer un peu plus facilement un mauvais d’un bon. Mais finalement, les mauvais ne sont pas si nombreux que ça. Il y a surtout des univers différents auxquels il faut s’adapter. Et puis, rien n’empêche d’apporter sa touche, un regard, un mot pour amener une valeur ajoutée si le réalisateur le permet, bien sûr. Mais être réalisateur soi-même n’est en aucun cas un frein pour être dirigé par un autre.

En quoi ce nouveau film vous permet-il d’explorer un espace de jeu différent de tous les autres ? Par rapport à vos expériences précédentes, comment qualifieriez-vous ce film ?

A.L. : J’ai amené une matière physique, une enveloppe. Et c’est assez drôle d’ailleurs parce que je semble plus épais que dans la réalité (sourire). Et puis il y a une économie de mot qui est compensée par le physique. Cette espèce d’absence ou d’économie du verbe… J’ai beaucoup aimé travailler là-dessus, ça m’a beaucoup plu.

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Ce n’est pas plus difficile ?

A.L. : Je ne sais pas… Disons qu’il y a un âge pour tout et que c’est sûrement plus anxiogène quand on est jeune. Moins avec le métier et l’expérience. Mais ce rôle, c’est un cadeau, une démarche intéressante. Il arrive au bon moment dans mon parcours.

Un huis clos dont la réussite repose autant sur vous, ça met une pression supplémentaire ?

A.L. : Non, j’essaie de ne pas y penser ainsi. J’ai parfois plus de doutes sur des projets sur lesquels je ne suis pas seul.

Pour finir, comment avez-vous vécu les incendies de juillet 2022 ?

A.L. : On n’en revenait pas ! Le film a été tourné un an avant. C’est sidérant. D’un film quasi d’anticipation, on passait à la réalité. Une réalité palpable au village près, puisque certaines des communes citées dans le film faisaient malheureusement partie du drame réel.

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En plein feu de Quentin Reynaud, en salle le 8 mars

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Article rédigé par
Christophe Augros
Christophe Augros
Disquaire à Fnac Chambéry
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