Décryptage

Mylène Farmer : générations enchantées

23 novembre 2022
Par Mathieu M.
Mylène Farmer : générations enchantées

Alors que paraît L’Emprise, son douzième album studio enregistré avec des pointures de l’électro, Mylène Farmer incarne plus que jamais la star française par excellence, nimbée de mystère et adulée par la jeune scène musicale. À l’aube de sa future tournée des stades, retour sur un phénomène intemporel, garanti sans contrefaçon.

Femme des années 80

Mylène Farmer - 1C’est au printemps 1984 que la douce voix de Mylène Farmer se fait entendre pour la première fois sur les ondes. C’était pour Maman à tort, comptine perverse dans laquelle une petite fille confesse son amour pour l’infirmière qui la soigne. Si la chanteuse (alors comédienne) a été choisie, c’est avant tout pour l’air psychotique (dixit le compositeur et pygmalion Laurent Boutonnat) qu’elle dégageait, en adéquation avec les paroles. Tout de suite, Mylène détonne de ses consœurs. Si Maman a tort s’écoule à 100 000 exemplaires, ce n’est pourtant rien à côté de ce que vendent alors Jeanne Mas, Julie Pietri ou Jakie Quartz. Ce sont elles que le public réclame, jusqu’à la déferlante Libertine, en 1986.

À partir de ce tube, c’est Farmer qui va imprégner son époque. Durablement. Car la future star voit loin. Elle se transforme en rousse incendiaire, chante tous les tabous, écrit ses propres paroles savamment référencées, sur des musiques entêtantes. Elle incarne des personnages dans des clips tournés comme des films et devient une bête de scène dans des shows chorégraphiés et millimétrés. Surtout, sa parole se fait de plus en plus rare : très tôt, elle s’éloigne des médias, se pare d’un mystère mutique et entretient l’absence, ce qui met sa fan-base en transe dès qu’elle réapparaît. Une méthode qu’elle continue de savamment appliquer : il n’y aura qu’une interview accordée au JDD pour promouvoir son douzième album, L’Emprise.

Femme de tête

Mylène Farmer a su très tôt comprendre les enjeux de son époque et a misé sur la liberté et l’indépendance. Autrice, compositrice parfois, productrice, éditrice, elle occupe tous les postes stratégiques et contrôle toute la chaîne de ses albums. Femme de lettres, elle s’aventure sur des terrains alors minés, mais en avance sur leur temps : la liberté sexuelle des femmes (Libertine, Pourvu qu’elles soient douces), le genre (Sans contrefaçon), le féminisme (XXL), le sida (Que mon cœur lâche) ou la compréhension d’un monde en déliquescence (Désenchantée, devenu un hymne dès sa sortie en 1991).

Si la critique était de son côté à ses débuts, elle a parfois été tentée de la vilipender dès qu’elle a commencé à afficher un succès insolent, collectionnant les disques de diamant et les récompenses prestigieuses (trois Victoires de la Musique entre 1985 et 2005, la star ayant alors demandé à être radiée de l’institution). On lui reproche son silence, ses choix tranchés, son goût pour la provocation et son indépendance à tout crin. Ce sera sa force et également ce pour quoi on continue de la suivre aujourd’hui. Depuis la mort de Johnny Hallyday, elle est désormais considérée comme la dernière « taulière » de la scène et les journaux et magazines qui lui manquaient de respect, en viennent à saluer sa longévité, sa capacité de renouvellement et son professionnalisme.

Femme d’influence

Si on l’a souvent comparée à Madonna, Mylène Farmer est aussi de celles qui ouvrent la porte aux autres artistes. Sans elle, Zazie (dont paraît le nouvel album Aile-P, une semaine après le nouveau Mylène) aurait-elle pu percer et suivre l’exemple d’une carrière réglée comme celles des hommes et marquer son époque à son tour ? Jean-Louis Murat, qui a collaboré avec elle sur le duo Regrets, aurait-il eu la carrière qui est la sienne, lui qui était passé de l’ombre à la lumière grâce à ce succès ? Alizée, que Farmer et Boutonnat ont produite alors qu’elle n’avait que 15 ans, aurait-elle pu se faire un nom ?

Aujourd’hui, nombre d’artistes se réclament d’elle ou louent sa carrière. Julien Doré est impressionné par sa présence scénique et son absence de promotion, Damso et Gims rêvent de faire un duo avec elle, Suzane se réclame d’une « génération désenchantée » sur son dernier titre, Juliette Armanet se flatte que l’on compare sa voix avec la sienne, Redcar félicite l’avant-gardisme de Farmer ou encore Pomme, qui a fait de Désenchantée un nouvel hymne, tendance Covid cette fois, avec sa reprise acoustique. Même Angèle s’est approprié ce tube pour la réédition de Nonante-Cinq, Nonante-Cinq la suite.

Femme internationale

Mylène Farmer - 1Très tôt, le public de Mylène Farmer s’est étendu en dehors de nos frontières. Si elle est loin d’être reconnue dans le monde entier, elle est une star en Russie et pays limitrophes où elle chante dans des stades et à guichets fermés. Le succès international de Moi… Lolita d’Alizée et de la reprise de Désenchantée par Kate Ryan, lui ont permis d’être écoutée sur de  nouveaux territoires. Elle parle anglais (elle joue d’ailleurs dans la langue de Shakespeare dans le film Ghostland) et a fait des duos avec plusieurs pointures anglo-saxonnes : Seal (sur Les Mots), Moby (avec lequel elle a enregistré une partie de l’album Bleu Noir), Sting (et Stolen Car), Ben Harper (sur une reprise d’INXS), LP (pour N’oublie pas)…

Sur ses albums, elle convie désormais la fine fleur de l’électro. Le DJ Feder a produit et composé une bonne partie de l’album Désobéissance, Martin Kierszenbaum en a fait de même pour le précédent, Interstellaires et pour L’Emprise, elle a demandé les services de Woodkid, Aaron, Moby et Archive. Mylène Farmer, un pont tendu entre toutes les générations et tous les genres musicaux.

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Article rédigé par
Mathieu M.
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