Il était pourtant hautement improbable, voire impossible de réitérer l’exploit de la trilogie du dollar tant le niveau était élevé et pourtant, le miracle opère de nouveau. Avec la quintessence de son œuvre et, malheureusement, ce qui sera son ultime réalisation. Sergio Leone est tombé amoureux du livre d’Harry Grey « The Hoods » et il emploie toute son énergie, jusqu’à l’épuisement, pour transposer cette histoire…
3ème volet de la saga sur plusieurs périodes clés de l’histoire Américaine : Il était une fois dans l’ouest, chef d’œuvre sur la conquête de l’Ouest et Il était une fois la révolution en pleine révolution mexicaine !! Dans Once upon a time in America, il revient sur la période de la prohibition et du gangstérisme. Il a mis 12 ans à écrire le scénario et donc, au moment de la réalisation, il avait tout imaginé, visualisé dans le moindre détail ! Pour l’anecdote, le compositeur attitré de Leone avait déjà écrit la musique 10 ans auparavant et celle ci était diffusée pendant le tournage pour créer cette ambiance particulière. Autre anecdote, Sergio Leone avait pensé à Steve Mc Queen pour le rôle de Noodles. Tourné dans le Lower East Side de New York, il fit reconstruire 3 rues entières dans le style des années 30, recréant des immeubles New Yorkais déjà existants. Cette technique est aussi employée sur le Parrain. Le tour de force scénaristique résidant dans le montage entre passé, présent et futur. Dans la virtuosité de la mise en scène, éclairage et reconstitution minutieuse des sons (tintement des clés, bruits de pas sur le plancher). En effet, les scènes se situant dans les jeunes années de Noodles sont à dominance ocre pale, à l’instar d’une vieille illustration aux nuances sépia et deviennent noires pour la période de la prohibition.
Scène magistrale en guise d’ouverture où la sonnerie du téléphone entendue à la fumerie d’opium déclenche un flashback qui se prolonge durant la remémoration de Noodles. Cette sonnerie stridente vient se confondre un temps avec celle imaginaire d’un téléphone en gros plan qu’une main vient décrocher sans l’interrompre. Et c’est seulement au plan suivant que nous savons qui est le destinataire. Le film est tout du long, de ce niveau d’excellence. Et ce n’est pas un hasard s’il commence sur la fumerie car en fait, l’opium est une drogue qui vous fait imaginer le passé comme le futur. Cette allégorie permet à Leone de rêver à l’intérieur du mythe Américain et à Noodles de rêver sa vie. En effet, Noodles est toujours dans les années 30 et ne quitte pas la fumerie. Ainsi, on peut aisément comprendre le sourire extatique final. Un sourire qui s’adresse directement au spectateur. Tout s’arrête dans la fumerie d’opium et tout part de la aussi. C’est pourquoi, quand Noodles vieux quitte la résidence de Max, on peut voir, inextricablement liés, le camion poubelle de 1968 et les voitures des jeunes qui fêtent la fin de la prohibition (1933) !
L’Amérique a été le premier amour des italiens qui ont grandi dans les années 30. On n’oublie jamais un premier amour. Ironie de l’histoire puisque le rêve Américain de Leone s’est transformé en cauchemar (ils ont remonté le film chronologiquement). Un Leone visionnaire puisque la description des années 30 aux années 60 est au vitriol. Mais c’est aussi une apologie de l’enfance où les valeurs de l’amitié, de liberté et de solidarité prennent tout leur sens. Cette enfance qu’il a vécue à Rome où il rêvait d’Amérique. L’âge adulte se révélant une succession de désillusions, voué à la corruption, à la dégradation. Noodles et ses complices ne sont plus que les masques d’eux mêmes, des archétypes sans âme. Ainsi le sourire final teinté de malice révèle que tout ca n’est pas arrivé, qu’il est encore ce jeune homme qui croit aux valeurs essentielles de l’amitié, de l’amour et de la solidarité. Le film est parcouru de scènes anthologiques : la charlotte à la crème qui combine durée et développement dans l’émotion; la mort de Dominic avec le fameux plan sur le pont de Brooklyn, mondialement connu et que l’on aperçoit dans le king kong de Peter Jackson. Pour ceux qui connaissent Brooklyn, c’est le quartier Dumbo, à l’angle de Water Street et Washington Street.
Ajouté à cela, l’envoutante musique d’Ennio Morricone qui transcende ces réminiscences avec ces accents jazzy, l’orgue et la très belle flute de pan. Une des plus belles partitions écrites pour le cinéma ! Pour couronner le tout, une distribution royale emmenée par un De Niro magistral. Il était une fois en Amérique est un film d’un lyrisme poignant avec de fulgurants courts circuits narratifs, le plus onirique des films de Leone! C’est l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma car, au delà du fait de retranscrire une période phare de l’histoire des Etats Unis, il abolit, entre le spectaculaire et l’intime, les frontières temporelles.
Vous l’aurez compris, c’est mon film de chevet. Sublime !