Cette fois, il revient avec un projet neuf intitulé Capacity To Love. Comme à son habitude, il explore de nouvelles voies. Un projet de « groove » avec de nombreux invités. Grand écart entre le trio rap De La Soul et Flavia Coelho, si vous permettez l’expression. Funk, soul, disco, jazz, rap, un vrai kaléidoscope. En attendant la sortie de l’album le 4 novembre, nous l’avons rencontré, obtenant quelques confidences, et même un scoop sur une prochaine collaboration à venir sur scène…
Ibrahim Maalouf ne manque pas d’idées. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est éclectique. En quinze ans, le monsieur est quand même passé de Dalida à Oum Kalthoum avec un détour par Yves St Laurent et un autre en Sibérie, sans oublier Juliette Greco. Ça force le respect. Sans parler des collaborations avec Oxmo Puccino, 20 syl et Eric Legnini, entre autres.
Cette fois, il revient avec un projet neuf intitulé Capacity To Love. Comme à son habitude, il explore de nouvelles voies. Un projet de « groove » avec de nombreux invités. Grand écart entre le trio rap De La Soul et Flavia Coelho, si vous permettez l’expression. Funk, soul, disco, jazz, rap, un vrai kaléidoscope. En attendant la sortie de l’album le 4 novembre prochain et du vinyle le 2 décembre, nous l’avons rencontré, obtenant quelques confidences et même un scoop sur une prochaine collaboration sur scène !
Est-ce que les projets type Jazzmatazz, Red Hot & Cool : stolen Moments ou The R.H. Factor / Hard Groove de Roy Hargrove ont eu un impact fort dans votre vie ?
Ibrahim Maalouf : Ce sont des albums que j’ai écoutés, et dont j’ai admiré la démarche. Beaucoup de gens pensent que dans le monde du jazz, la liberté est absolue, et qu’on peut vraiment faire tout ce qu’on veut. C’est faux. Un peu moins, mais de la même façon que dans la musique classique très conservatrice, dans le jazz il y a un certain snobisme à admettre la filiation avec l’art de la rue, avec la culture du rap, avec le hip-hop, et avec les valeurs défendues par la misère de la rue. Sur cet aspect-là en particulier, mais aussi musicalement, ces albums m’ont redonné de l’espoir.
Les collaborations avec Oxmo Puccino ou Hocus Pocus (20syl) ont-elles permis de murir ce projet ? Sinon, comment est née l’idée de cet album ?
I.M. : Il est évident que passer du temps avec Oxmo, collaborer avec un artiste aussi talentueux que 20syl, sont autant de chances que je me suis données dans le passé pour m’amener à ne pas avoir peur de ne pas être crédible lorsque j’allais franchir cette étape de rapprochement avec le hip-hop. J’ai également eu l’immense privilège de croiser la route du groupe Blackalicious, grâce au duo Bumcello et de collaborer avec des rappeurs comme Jok’Air, IAM, et d’autres. Mais dernièrement c’est le grand producteur de rap Swizz Beatz (par ailleurs mari de Alicia Keys) qui a choisi deux de mes titres pour figurer dans une compilation forte de sens qu’il a réalisée avec le label anglais 12on12. Faire partie d’une telle compilation était un signe fort pour moi me donnant raison dans ma démarche de me rapprocher du monde de la musique urbaine. Dans quelques mois je serai également sur scène avec JoeyStarr pour une rencontre entre écrits et musique.
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Comment s’est passé le choix des invités ? Pourquoi eux ? Par exemple, les De La Soul : choisir ce trio c’est un peu la preuve qu’on connait et qu’on aime le rap depuis au moins 30 ans. Était-ce comme un rêve d’enfant ou en tout cas une envie forte ?
I.M. : J’ai vraiment choisi mes invités à la fois en fonction de ce que j’aime, de leur talent indéniable, et de la pertinence de leur présence sur l’album, tout en gardant en tête que je voulais de la diversité, des artistes pour certains très connus voire légendaires, mais aussi de vraies découvertes. C’est un album intergénérationnel, pour ceux qui aiment le rap d’hier et le rap d’aujourd’hui, en espérant être en train de dessiner une proposition pour le rap de demain.
C’est un album intergénérationnel, pour ceux qui aiment le rap d’hier et le rap d’aujourd’hui.
Capacity To Love ressemble également à un Back on the block de Quincy. Je pense aux différentes générations présentes sur l’album. De La Soul mais aussi Erick Elliott : une de vos envies sur ce projet ?
I.M. : complètement, sans nécessairement m’y être référé, mais il est évident que Quincy Jones est une légende vivante de la production, un véritable visionnaire de la musique, et chaque jour depuis que je suis môme je m’en inspire. Qu’il soit à mes côtés aujourd’hui dans cette aventure relève à la fois d’une bénédiction, et certainement du plus beau cadeau que la vie puisse m’offrir.
Comment s’est passé l’enregistrement ? À distance ou vous êtes-vous retrouvés en studio ?
I.M. : pour la plupart des artistes de cet album nous étions ensemble en studio. L’album a été enregistré entre mon studio Diasporas à Ivry-sur-Seine, véritable laboratoire dans lequel j’évolue depuis plus de 10 ans. Et les studios Revival à Los Angeles, qui ont marqué l’histoire grâce à Earth Wind & Fire.
Capacity Of Love : un sens particulier à ce titre ?
I.M. : Ce titre m’a été inspiré par Gregory Porter, qui lorsque nous étions ensemble au studio pour enregistrer sa partie, m’avait demandé de lui parler de mon album et de ce qu’il défendait. Immédiatement il m’a résumé ça en deux mots, notre : capacité à aimer. J’ai trouvé que c’était la formule la plus belle que je pouvais espérer présenter, cela a donné son nom au titre sur lequel Gregory chante, mais également à l’album.
Notre capacité de nous aimer, c’est notre capacité à aimer la différence, lorsqu’on la décèle chez l’autre, mais lorsqu’on la constate sur nous-même également. Notre capacité à aimer l’autre, c’est aussi notre capacité à nous aimer nous-même, notre évolution, nos transformations.
Notre capacité de nous aimer, c’est notre capacité à aimer la différence.
Par rapport à vos invités, comment vous placez-vous ? Vous avez une idée en tête avant l’enregistrement ou est-ce de l’impro, du feeling en fonction de leur travail ?
I.M. : Pour toutes les collaborations de cet album, j’ai décrit très précisément ce que je souhaitais que chaque participant fasse. C’est mon 15e album studio, et mon 17e album au total. J’ai toujours produit, réalisé et composé mes albums. J’ai une malheureuse tendance à savoir précisément ce que je veux… [Rires]. Mais ce qui est chouette avec la musique, c’est qu’il y a toujours beaucoup de surprises. Et parfois il est arrivé que certains de mes invités aillent encore plus loin que mes propres propositions, et dépassent encore mes espérances. J’ai affaire à des artistes de très haut niveau, que ce soient les artistes de grande notoriété comme les découvertes.
Ce projet est-il comme un résumé de vos influences ?
I.M. : Chacun de mes albums peut être considéré comme un résumé de mes influences. Celui-ci bien évidemment aussi, à la différence que j’ai cette sensation, que plus je prends de l’âge et plus je me libère des codes dont j’ai eu besoin lorsque j’étais plus jeune. Je n’ai aujourd’hui plus peur de me tromper, plus peur de ne pas être à l’image de ce qu’on attend de moi, plus peur de dire que ma musique n’est pas du jazz, et d’assumer pleinement les choix parfois radicaux que je peux faire. Le piège de la notoriété est de finir par se répéter pour ne pas décevoir les autres. Je n’ai jamais fait ça, mais je dois avouer que je ne suis jamais allé aussi loin, que je n’ai jamais été aussi audacieux qu’aujourd’hui.
Entre le moment où l’idée germe dans votre tête et la fin de l’enregistrement, combien de temps ?
I.M. : Je travaille pendant de nombreuses années sur chacune des musiques de mes albums. La plupart des mélodies de cet album sont nées pendant mon enfance, pendant mon adolescence, pendant mes études ou bien ces dernières années. Une mélodie, c’est comme une histoire. Quand elle nous vient en tête, on peut la raconter immédiatement. Le risque que l’on prend c’est que l’histoire ne soit pas encore suffisamment mûre pour être racontée. J’aime attendre le bon moment, que toutes les intrigues soient claires dans ma tête, que les retournements de situation soient intéressants, que les personnages aient du sens, et seulement à ce moment-là j’aime raconter cette histoire. Cela prend donc beaucoup de temps.
Une mélodie, c’est comme une histoire.
À l’écoute de El Mundo et de Money, cet album ressemble à une grande fête ? C’est l’idée ?
I.M. : Complètement. Je souhaite que cet album soit vécu comme une grande fête humaine dans laquelle tous aussi différents les uns que les autres nous abordions nos rapports avec la joie qui nous manque un peu je trouve ces deux ou trois dernières années.