Critique

Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand : la guerre n’enlève pas l’amour

29 juin 2022
Par Anastasia
Le Soldat désaccordé de Gilles Marchand : la guerre n'enlève pas l'amour

Cette rentrée littéraire accueille le nouveau roman de Gilles Marchand, Le Soldat désaccordé. Livre teinté de lyrisme, d’espoir et d’amour malgré la guerre toujours présente sous chacun des pas du héros. À lire sans hésiter.

le soldat désaccordé

« Je n’étais pas parti la fleur au fusil. Je ne connais d’ailleurs personne qui l’ait vécu ainsi. »

Notre héros a vécu la Première Guerre mondiale, les explosions, les tranchées, l’odeur du sang, la vue des camarades qui meurent. D’ailleurs, il ne lui faut pas longtemps à lui non plus pour perdre sa main droite sur le champ de bataille. Dès l’automne 1914, en vérité. Mais impossible de considérer l’idée de s’éloigner de ses camarades de combats et de quitter « l’odeur de la poudre » : chauffeur, cantinier, … il prendrait n’importe quelle tâche qu’on voudrait bien lui confier.

Puis il y a eu la fin de la guerre. Les retrouvailles, les fêtes en grandes pompes. Les gueules cassées, les hommes cassés, les estropiés, qui revenaient : plus lourds, plus tristes, plus ternes. Comment faire autrement ? Comment être autrement ?

« Un peu plus de vingt ans plus tard, une nouvelle guerre a éclaté. La der des ders n’était pas la der. […] Des blessés, des morts, des monuments, des commémorations et des défilés. Pour en revenir au même point. »

Cette dévotion envers ses camarades, ceux désormais morts ou disparus, ne quittera jamais le narrateur. Même après la guerre, il continuera à vivre dans son ombre, incapable d’aller de l’avant. D’accepter cette société qui tente de se reconstruire. De participer à l’engouement du nouveau souffle.

Très vite, il fait la rencontre de Blanche Maupas, une veuve qui passera près de vingt ans à prouver que son mari a été fusillé à tort. À le réhabiliter. Elle lui apprit tout : la méthode, l’abnégation, le sens du détail, les réseaux, les démarches juridiques. À son tour, il œuvra pour la réhabilitation des soldats, mais aussi pour retrouver ces disparus : ceux morts ou amnésiques.

« On était quelques-uns à vivre de ça. Peut-être parce qu’on ne parvenait pas à tourner la page. Ou qu’on désirait un peu de justice après ces années d’injustice. On écoutait les histoires, on écoutait les légendes. »


… Notamment celle de La Fille de Lune, qui dansait sur les champs de bataille pour éviter les balles et obus. Certains diront d’elle qu’elle faisait des bouquets de fleurs avec les restes de projectiles, d’autres diront qu’elle cherchait quelque chose, quelqu’un.

La folle histoire d’Emile Joplain et Lucie Himmel

L’affaire Joplain commence un matin de 1925. La mère, Jeanne Joplain, fait appel au narrateur pour retrouver son fils, Emile, qui n’a plus donné signe de vie depuis 1916. « Mais il n’est pas mort, elle en avait la certitude. » Les mères sentent bien ces choses-là, mais entre espérance et intuition, la ligne est fine.

« Cette conviction en faisait tenir certaines. […] Quand la guerre s’est achevée, la démobilisation a été un sacré bazar. Il ne faut pas croire que tous les hommes sont rentrés faire la fête le 12 novembre 1918. Leur retour a duré des mois et des mois. […] Les femmes ont continué à attendre. S’il n’est pas là aujourd’hui, il le sera peut-être demain. Ou après-demain. Et s’il a disparu, c’est qu’il peut réapparaître. »


Il active ses réseaux, poste des lettres, prend des rendez-vous, prépare ses voyages. Vivant ou mort, Emile Joplain, il le retrouverait.

Et c’est ainsi que de témoignage en témoignage, il remonte la piste… la très longue piste de cet Apollinaire qui n’avait rien à faire sur un champ de bataille et passait son temps à écrire des lettres à la femme qu’il aimait. Posant à vif des poèmes, des mots d’amour, des déclarations profondes.

Et si pour retrouver Emile Joplain, il fallait chercher l’amoureuse ? Lucie Himmel. « La petite Alsacienne ».

Le narrateur parcourera pendant plus de dix ans la France et l’Alsace à la recherche de réponses, de preuves. Avant de les trouver, toutes quasi-simultanément. Évidentes.

Le Soldat désaccordé est un roman lyrique, doux et violent, profond. Gilles Marchand propose ici d’aborder sous un prisme différent cette guerre qui marqua l’Histoire. Celui de l’amour et de l’espoir. À découvrir.

Parution le 19 août 2022 – 206 pages

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Anastasia
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