L’instant Lire à la Fnac : le rendez-vous de toutes les littératures à ne pas manquer. Baptiste Liger, directeur de la rédaction du magazine Lire Le Magazine Littéraire, partage ses conseils de lecture. En mai, partons à la découverte du roman ville.
Le roman ville
Baptiste Liger : « Et si au fond, les romans n’étaient autres que les meilleurs guides touristiques qui existent ? Éléments d’explication. Enfin, guides touristiques, pas forcément. Car certaines visions d’auteurs ne sont pas toujours très glorieuses. Qu’importe. La littérature, ça sert à ça, nous faire découvrir des personnages, des lieux, qui dit lieu, dit ville. Et à ce titre, certains romans sont même devenus avec les ans de véritables étendards, de véritables symboles, de véritables emblèmes des villes en question. On va prendre quelques exemples.
Les États-Unis
L’Amérique, à vrai dire, n’a pas été avare dans le genre. Voyez New York et la célèbre Trilogie new-yorkaise de Paul Auster ou bien encore, pour rester sur un quartier en particulier, Manhattan Transfer de John Dos Passos.
Les Chroniques de San Francisco de Maupin, c’est quand même un beau morceau de littérature qui aura marqué, déjà, plusieurs générations.
Et, côté Los Angeles, on peut évidemment se rappeler, rayon romans noirs, Le Quatuor de Los Angeles de James Ellroy et, en premier lieu, le fameux Dahlia Noir.
Le Mexique
Un petit peu en dessous, direction Mexico, avec Mantra, le roman monstrueux de Rodrigo Fresán.
Le Japon
On va traverser le Pacifique et aller du côté du Japon avec, évidemment, pour comprendre un petit peu Tokyo, toute l’œuvre d’Haruki Murakami mais, on peut également se référer à Kyôto de Kawabata.
L’Inde
La ville de Bombay a été honorée de manière magistrale par Vikram Chandra dans Le Seigneur de Bombay.
L’Europe
Quant à l’Europe, elle compte aussi son lot de chefs d’œuvres de “romans ville” absolument géniaux. Voyez Dublin avec les Gens de Dublin de James Joyce ou même Ulysse pour ceux qui aiment la littérature un peu plus pointue.
Londres : Une Biographie de Peter Ackroyd, c’est pareil. C’est un auteur qui est très sous-estimé en France, à découvrir absolument même si, évidemment, lire un petit peu de Dickens, ça ne fait jamais de mal.
Enfin, Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin est sans doute un des chefs-d’œuvre absolus de la littérature germanique.
La France
Et la France dans tout ça ? Prenons l’exemple de Paris tout de suite. Si vous souhaitez déambuler dans Paris, ayez en poche et sous les yeux Le piéton de Paris de Léon-Paul Fargue qui est un petit bijou.
Notre-Dame de Paris c’est un monument architectural, un monument de pierres mais c’est aussi un monument littéraire qu’on a tous lu et peut-être étudié à l’école et il fait toujours bon de s’y réfugier.
Les Mystères de Paris d’Eugène Sue avec ces histoires un petit peu feuilletonesques, c’est toujours un régal. D’ailleurs, il existe, pour ne fâcher personne, l’équivalent méridional avec Les Mystères de Marseille de Zola. Le même Zola d’ailleurs, il nous avait signé Le Ventre de Paris.
Reims, Yann Moix
Enfin, petit scoop, on pourra lire d’ici quelques mois ou quelques années le Paris de Yann Moix qui clôturera son entreprise autobiographique.
En attendant, d’ores et déjà, on peut se plonger dans Reims qui fait suite à Orléans. Vous vous souvenez sans doute de la publication houleuse d’Orléans qui évoquait la jeunesse d’enfant martyrisé de Yann Moix avec ses parents qui avaient répliqué, son frère et puis des dessins d’un goût très douteux, c’est le moins qu’on puisse dire, qui ont soudain ressurgi.
Les raisons du scandale, Yann Moix les invoques d’ailleurs brièvement dans Reims, l’histoire d’un garçon qui s’attend à avoir de brillantes études et se retrouve dans unes des “meilleures mauvaises écoles de France”, à savoir Reims. Bon, le portrait qu’il fait de la cité du champagne n’est pas forcément très glorieux. La ville est montrée comme très terne, les individus autour de lui ne sont pas flamboyants.
C’est une réflexion sur l’échec qu’il nous montre. C’est une réflexion sur jusqu’à quel point les ambitions peuvent se révéler contreproductives par rapport à l’identité de quelqu’un, par rapport à la psychologie de quelqu’un. Et c’est une grande réflexion qu’il nous propose avec style.
Alors, même si Moix peut énerver à plus d’un titre, malgré tout, Reims est un bijou littéraire qu’il convient absolument de défendre. Et surtout, malgré toutes les horreurs qu’il peut nous dire sur cette cité, Yann Moix nous donne envie de la découvrir, d’y aller faire un petit séjour comme si, en fin de compte Reims, c’était aussi une sorte de cri d’amour un peu paradoxal mais bien réel à cette ville.
Alors je n’ai qu’un mot : Champagne ! »
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