Décryptage

Akira : pourquoi c’est culte ?

16 mars 2021
Par Steven
Akira : pourquoi c'est culte ?

Akira est un chef d’œuvre. Une leçon de cinéma dont ne sort pas indemne. Un coup de maître signé Katsuhiro Otomo qui a marqué l’histoire de l’animation japonaise. À l’occasion de son 30e anniversaire, le film s’est offert une version 4k remastérisée ainsi que la sortie d’un nouveau coffret.

Akira est un chef-d’œuvre. Une leçon de cinéma dont on ne sort pas indemne. Un coup de maître signé Katsuhiro Otomo qui a marqué l’histoire de l’animation japonaise. À l’occasion de son 30e anniversaire, le film s’est offert une version 4k remastérisée ainsi que la sortie d’un nouveau coffret.

Akira, le précurseur de l’animation japonaise en Occident

Akira-Steelbook-Heavy-Metal-Edition-Collector-30e-Anniversaire-Blu-rayS’il y a aujourd’hui eu Dragon Ball Z, puis le légendaire triptyque de Naruto, One Piece et Bleach et la nouvelle génération d’animée portée par My Hero Academia ou Jujutsu no Kaisen, c’est parce qu’il y a eu Akira auparavant. Avant qu’Akira ne sorte au début des années 1990 en Occident, l’animation japonaise était considérée comme un art trivial destiné aux enfants. Aux Etats-Unis, les animes (diminutif pour désigner un film ou une série d’animation japonaise) sont classifiées sub-culture : les animés seraient des objets populaires qui pervertiraient les masses et qui étaient illégitimes de considérer comme un art à part entière. En France, le Club Dorothée s’attirait les foudres de Ségolène Royal qui parlait d’un appauvrissement et d’une uniformisation des personnages dont la seule personnalité se réduit à la quantité de cadavres alignés. Même constat au Japon où le terme d’Otaku existe pour désigner péjorativement ceux qui consomment les animés. En bref, l’animation japonaise a mauvaise réputation.

Cependant, Akira change la donne. Tout d’un coup, la japanimation prend un nouveau tournant. Le film a permis à l’animation japonaise de gagner en notoriété et de prouver que le genre méritait que l’on se panche sur lui, autant pour ses qualités visuelles que narratives.  L’idée qu’un film d’animation élaboré et japonais puisse un jour s’exporter à l’international paraissait étrange pour nombre d’occidentaux, surtout quand celui-ci permet de traiter des sujets politiques et sociaux sérieux. Le film de Katushiro Otomo est une évocation complexe d’un Japon dystopique du 21ème siècle inspiré du manga dont Otomo est lui-même le mangaka. À travers le personnage de Tetsuo, un jeune motard au tempérament survolté qui cherche la bagarre, le spectateur plonge dans Neo Tokyo : une ville futuriste encore traumatisée par la troisième guerre mondiale. S’il est difficile de suivre le rythme frénétique du récit de ce long-métrage animé, Akira brille par la qualité de ses images animées. Le film prouve que l’animation n’a pas à rougir devant les films tournés en prises de vues réelles et ouvre la brèche à une nouvelle génération d’adaptations animées.

Des scènes cultes propices à la 4k

Encore aujourd’hui, pour qui regarde Akira la première fois, l’effet est toujours le même : le film subjugue. Une trentaine d’années sont passées, les images d’animations restent d’une qualité exceptionnelle : richesse dans la construction des plans, précision dans le choix des aplats de couleurs et sens du détail sidérant. Voilà une œuvre viscérale qui nous prend aux tripes. La version restaurée 4K est bluffante et permet d’exprimer tout le potentiel que possédait le film original. Certains passages du film sont d’autant plus sublimés. Par exemple, au moment où Tetsuo se transforme en un monstre terrifiant, on redécouvre une scène mythique grâce à cette nouvelle version. Rappelez-vous, il s’agit du climax du film où le personnage perd le contrôle. Un moment de cinéma propice à la 4k : l’image de synthèse matérialise les pires fantasmes biologiques de l’imagination humaine. En donnant chair à la monstruosité, le réalisateur réinvente le corps : il le transforme, le triture dans tous les sens avant de le faire exploser… 

Une esthétique du traumatisme et l’incandescence du corps adolescent

Mais le succès du film ne se limite pas à sa maîtrise de l’animation. Le sujet a aussi son importance. En effet, la qualité visuelle de l’animation fonctionne quand elle est au service d’un propos. Elle permet de mettre en évidence un discours qui fait sens dans l’esprit du spectateur. Dans cette scène culte où Tetsuo se change en un monstre hideux, le film interroge notre rapport au trauma collectif, au ressurgissement de celui-ci. Telle une bombe à retardement, le corps dégénérescent de Tetsuo s’apprête à tout détruire. Ce corps reflète la société, elle aussi au bord de l’implosion. Akira est sorti quand le Japon se situait à un moment charnière de son histoire.

Alors que les traumatismes liés aux deux bombardements nucléaires sont encore présents, le Japon est en passe d’embrasser la modernité. Les Japonais tentent de surmonter les atrocités du passé qui les gangrènent de l’intérieur, difficilement. Après un choc intense, il y a le silence, un long moment où l’on n’arrive pas à exprimer le mal, surtout quand il s’agit d’une mort collective. Les mots sortent difficilement. Malgré les non-dits, les parents transmettent ces traumas à leurs enfants sans même parler du pire, encore trop tabou pour l’évoquer. Et tout ressurgit, bien des générations après : Testuo métaphorise l’instabilité et tous les traumas que le Japon a engorgé pendant des années – ces longs silences accumulés, un trop-plein, qui, d’un coup, gicle à l’écran.

Le choix du corps adolescent de Tetsuo n’est pas un hasard puisqu’il permet de symboliser la transgression. Autrement dit, la contestation de l’autorité et de l’ordre établi. Cette symbolique de la subversion rejoint l’imaginaire qui s’est construit autour de la cultissime moto rouge d’Akira. À la fois symbole du pouvoir et de la masculinité, elle représente la vélocité : c’est elle qui est capable de se mouvoir malgré l’autorité implacable des institutions politiques et de ses dirigeants imbus d’eux-mêmes. Aux mains des jeunes Kaneda et Tetsuo, c’est elle qui leur permet d’agir. Elle est leur issue de secours.

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