Une atmosphère prenante, un rythme haletant, une intrigue imprévisible et des personnages complexes font sans aucun doute les bons thrillers. Mais c’est quoi au juste un thriller ? Réponses…
Thriller : rendez-vous avec la peur
Qu’est-ce que c’est qu’un thriller ? Un sous-genre du roman policier ou un genre à part entière ? Un polar où on aurait injecté une grosse dose de suspense ou un juste drame dopé à l’adrénaline ? Pour y voir plus clair dans toutes ces nuances de noir, un retour aux origines lexicales s’impose. Toujours efficaces pour définir les choses en un mot qui claque, les anglo-saxons ont inventé le terme thriller à partir du mot thrill – frisson – pour parler d’un roman ou d’un film à suspense. Les choses sont claires : on s’engage dans un thriller pour vivre des émotions fortes. Propulsé dans les zones d’ombres de la nature humaine, on tremble pour les héros qui luttent contre des incarnations du mal qui nous rappellent les monstres de notre enfance. Mis sous tension permanente, on est alors confronté à nos peurs primales de la mort, de la douleur ou encore de l’abandon. En guise de mise en pratique, il est recommandé de se replonger dans deux romans majeurs qui ont inspiré en leur temps des chefs d’œuvre du cinéma : Celle qui n’était plus – plus connu sous le titre Les Diaboliques – du duo Boileau-Narcejac et Le Silence des agneaux de l’Américain Thomas Harris.
Quelles différences entre un thriller et un polar ?
Un contexte anxiogène, des énigmes criminelles, du suspense, des héros pas toujours invincibles, des méchants insaisissables, des fausses pistes et des rebondissements… Dans ce combat infernal du bien contre le mal, les codes de l’intrigue policière offrent bien souvent un cadre idéal au thriller. En ce sens, le thriller est indéniablement un sous-genre du roman policier qui ne manque pas de nuances. Plus introspectif qu’un simple polar dont l’intrigue avance au gré des procédures policières et judiciaires, le thriller s’attache au contraire à développer et à soigner la dimension psychologique des personnages en se fixant sur un ou des points de vue narratifs. C’est à la réussite de ce parti pris que l’on doit le sentiment d’angoisse qui nous gagne à la lecture. En nous faisant entrer dans la tête des protagonistes, bon ou mauvais, les auteur(e)s mettent notre morale à l’épreuve et nous font sortir de notre zone de confort face aux choses terribles qu’ils nous racontent. Vrais-faux polars mais authentiques thrillers, Un tueur sur la route de James Ellroy – récit glaçant et portrait à la première personne d’un terrible serial killer – et Necropolis d’Herbert Liberman – virée crépusculaire d’un médecin légiste new-yorkais – sont des classiques exemplaires.
Atmosphère, atmosphère… l’importance de l’ambiance dans un thriller
L’atmosphère est un élément clé que tout thriller qui se respecte installe dès ses premières lignes. Mystérieux ou direct mais toujours efficace, le romancier doit savoir soigner son entrée pour immédiatement capter l’attention et emporter l’adhésion du lecteur exigeant. Qu’il soit propice à la peur et à l’angoisse, annonciateur de drame ou nimbé de mystère, le climat général du roman doit être rapidement palpable et identifiable. Bien installé sur ses bases, le décor est planté et l’ascenseur émotionnel peut fonctionner sans encombre jusqu’au terme de l’intrigue. Ainsi, certains prologues sont de vrais modèles de mise en condition qui donnent le ton pour la suite des événements. En une scène choc faisant office de premier indice, on sait alors très vite dans quel cauchemar on met les pieds. La preuve avec Franck Thilliez, un maître du genre qui réussit ses ouvertures et soigne ses ambiances anxiogènes comme personne.
Un bon thriller doit avoir une intrigue en béton
Il n’y a pas de bon thriller sans bonne intrigue… L’affirmation a beau sonner comme une lapalissade, la réalité est évidemment toujours bien plus subtile. Qu’il soit construit sur des faux-semblants, des secrets enfouis, des personnages instables ou sur des événements tragiques, un thriller est réussi du moment que son intrigue reste imprévisible jusqu’à son dénouement. Dans ce voyage au bout de l’angoisse dont l’auteur(e) est le seul à connaître la destination finale, le passé répond au présent et les actions ont toujours des conséquences. Une bonne intrigue est un fil d’Ariane qui nous mène jusqu’à la sortie d’un labyrinthe semé d’embûches, une mécanique de précision où chaque pièce du puzzle doit s’emboîter parfaitement. Linéaire ou à tiroirs – quand elle est constituée de sous-intrigues – l’intrigue d’un thriller est avant tout un travail d’orfèvre qui ne souffre d’aucune approximation. Une densité psychologique porté par une virtuosité scénaristique que l’on retrouve par exemple dans tous les romans de RJ Ellory, Gillian Flynn ou encore Paula Hawkins.
Écrire un thriller efficace : du rythme pour tenir la cadence
Comme dans toutes les littératures de l’imaginaire qui mettent l’accent sur les émotions, le thriller n’échappe pas à ses obligations rythmiques. D’ailleurs, ne dit-on pas d’un thriller réussi qu’il est haletant. Le tempo narratif occupant une importance déterminante dans l’adhésion du lecteur, l’auteur(e) adopte bien souvent une écriture cinématographique pour dynamiser son intrigue. Découpage en chapitres brefs, changements incessants de points de vue ou de temporalités, concision des phrases, utilisation d’un vocabulaire imagé… Toutes ces techniques narratives sont certifiées efficaces pour augmenter la montée d’adrénaline chez le lecteur. Spécialiste des intrigues qui galopent à une cadence infernale, Harlan Coben n’est-il pas devenu un des papes du thriller US grâce à sa science du tempo ? Dans un autre style plus proche du polar, le danois Jussi Adler-Olsen, célèbre pour la série Département V, n’est-il pas de son côté réputé pour son sens du rythme qui ne laisse pas une chance aux temps morts ?
Des héroïnes en lutte, des anti-héros de combat
Aux policiers tourmentés majoritairement mis en scène dans les polars ou les romans noirs, les thrillers préfèrent des anti-héros aux contours plus nuancés. Loin d’être toujours des héros et des héroïnes dont le métier est d’arrêter le méchant de l’histoire, ce sont bien souvent des individus ordinaires confrontés à des situations extraordinaires. Dans ces histoires de vengeance et de machination qui se nourrissent à l’angoisse et aux enjeux psychologiques, ces personnages masculins ou féminins qui nous ressemblent amplifient de façon spectaculaire le processus d’identification qui fait frémir le lecteur. Plus imaginatives et subtiles que nombre de leurs homologues masculins, les romancières font habilement sauter les archétypes, notamment féminins, pour ouvrir leurs romans à une plus large gamme de problématiques contemporaines. À ce petit jeu les reines anglo-saxonnes du thriller psychologique font merveille. Des doyennes Patricia Highsmith et Mary Higgins Clark en passant par les modernes Wendy Walker, Nele Neuhaus, Camilla Lackberg ou encore Sarah J. Naughton, chacune dotant son héroïne, qu’elle soit flic au caractère bien trempé, épouse trompée ou adolescente maltraitée, d’assez de force et de courage pour mettre en échec la violence des hommes. Des hommes, bons ou mauvais, que d’autre écrivaines comme Sandrine Collette ou Claire Favan excellent par ailleurs à prendre comme des anti-héros minés par leurs faiblesses et leurs pulsions destructrices. Sous la plume des femmes, le thriller attaque, dénonce et s’engage…
Thrillers et polars : origines géographiques certifiées
Hors de ses bastions traditionnels des États-Unis, de Grande-Bretagne et de Scandinavie, le thriller se pratique un peu partout dans le monde. En France, par exemple, le genre est également une tradition qui trouve ses origines dans les romans feuilletons d’aventure du début du XXe siècle signés Gaston Leroux ou Arthur Bernède. Aujourd’hui, l’hexagone compte aux côtés d’auteurs confirmés de réputation internationale comme Bernard Minier et Maxime Chattam de jeunes talents prometteurs comme Antoine Renand, Nicolas Beuglet ou Nicolas Leclerc. Toujours en Europe, l’Italien Donato Carrisi est bien installé dans le paysage avec ses thrillers horrifiques particulièrement glaçants alors que l’Espagnol Mikel Santiago commence à se faire un nom hors de la péninsule ibérique grâce à ses intrigues noires, sociales et rurales. Plus à l’est, en Pologne, Marek Krajewski se distingue. Sur le continent australien, Paul Cleave fait d’un serial killer son héros quand en Amérique du sud, la Colombienne Melba Escobar s’intéresse à la face cachée des diktats de la beauté féminine.
À chacun, chacune son thriller
Parce que chaque auteur(e) présent(e) dans ces lignes a plus d’un excellent thriller à son arc qui n’a pas toujours été cité, voici une sélection complémentaire, alphabétique et subjective de tous ces romans dont il fallait parler…
Nicolas Beuglet – Complot
Donato Carrisi – Le Chuchoteur
Maxime Chattam – Le 5e règne
Mary Higgins Clark – Un cri dans la nuit
Sandrine Collette – Des nœuds d’acier
Harlan Coben – Ne le dis à personne
R.J. Ellory – Seul le silence
Melba Escobar – Le Salon de beauté
Claire Favan – Le tueur de l’ombre
Gillian Flynn – Les apparences
Paula Hawkins – La fille du train
Patricia Highsmith – Carol
Marek Krajewski – Les Fantômes de Breslau
Camilla Lackberg – La sorcière
Nicolas Leclerc – Le Manteau de neige
Bernard Minier – Glacé
Sarah J. Naughton – Une autre histoire
Nele Neuhaus – Les oubliés du printemps
Jussi-Adler Olsen – Selfies
Antoine Renand – L’Empathie
Mikel Santiago – La dernière nuit à Tremore Beach
Franck Thilliez – Pandemia
Wendy Walker – Tout n’est pas perdu
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Visuel d’illustration : Portraitor sur Pixabay