L’intense période des fêtes à peine terminée, et la digestion des réveillons tout juste entamée, la rentrée d’hiver débarque en grande pompe sur nos tables de libraires éreintés mais heureux de vous présenter encore et toujours de nouvelles découvertes littéraires !
Oui il faut le savoir, la succession entre la frénésie des cadeaux de Noël et l’importante arrivée de nouveautés en janvier n’est pas propice aux vacances en librairie. Ainsi, le libraire attendra pour se reposer, mais quel plaisir de changer toutes mes tables et d’exposer de nouveaux titres dont certains encore inconnus (et qu’il me tarde découvrir !) et d’autres que j’ai déjà hâte de partager avec vous !
Injustement appelée « la petite rentrée » pour la comparer à celle de septembre, la rentrée d’hiver est pourtant un temps fort de l’année littéraire, et donc un des moments les plus importants en librairie.
Ne présentant pas moins de 493 nouveautés en littérature, cette rentrée a tout d’une grande. Vous pourrez en effet retrouver 340 nouveaux romans français et 153 nouvelles œuvres traduites. Certains sont de véritables découvertes puisqu’il faudra compter sur 63 premiers romans mais aussi, bien sûr, beaucoup de livres attendus parmi lesquels Yasmina Reza avec Serge, Philippe Besson avec Le dernier enfant, L’Ami arménien d’Andreï Makine, ou encore le grand retour de Marie Ndiaye avec La vengeance m’appartient.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, en plus de la rentrée littéraire, janvier est aussi un des mois où le poche est à l’honneur en magasin avec les nombreuses nouveautés dans ce format et la fameuse opération « 2 poches achetés/1 livre offert ». Mais je vous en dirai plus très bientôt !
En parlant de bonheur, vous aussi vous avez envie d’être heureux ? Eh bien ça tombe bien car un des romans de cette rentrée nous en offre le chemin… Suivez-moi ;-).
En savoir + :
Les nouveautés romans de l’hiver
Les nouveautés romans poche de l’hiver
Mon coup de cœur de libraire :
À lire dans un grand éclat de rire !
Après trois semaines d’amour éperdu – son record – la bien-aimée quitte notre narrateur porte claquante, le laissant désespéré, lui qui se voyait convoler en justes noces pour l’éternité. Ne lui laissant rageusement qu’une pile de livres de développement personnel, notre héros y voit le signe de sa résurrection : être heureux fera revenir Bérénice sur sa brutale décision.
Il faut dire que Michel H., dont vous reconnaitrez sans mal la parenté nominale avec un célèbre écrivain français, cultive depuis longtemps le goût du désespoir : « J’ai été un enfant triste et un adolescent cafardeux avant de devenir un adulte neurasthénique. » Son premier mot prononcé ? « Prozac » : tout un programme ! Oui, Michel Souffre de « troubles de l’humeur », un gros euphémisme, car ce type est en fait complétement névrosé… caricature habile d’un homme de 25 ans en pleine crise de dilettantisme aigu, perdu dans un monde qui ne lui propose aucun épanouissement. Bien sûr il y a beaucoup de mauvaise foi chez Michel, mais on est vite conquis par son cynisme décomplexé et son regard acéré sur notre société.
Fuyant la « course féroce à la productivité, impitoyable machine à frustration », il se gargarise néanmoins des discours des experts de BFM TV, « oracle des temps modernes » pour ensuite se rasséréner devant les diatribes volontaristes d’un certain Emmanuel Macron… Il ne manque que le déclic à Michel pour devenir un homme fort et fier, un remède qu’il trouvera dans les livres de développement personnel que Bérénice lui a laissés.
Construit comme une critique délicieusement acerbe de la littérature feel-good dont son propre titre n’a pas à rougir, Le bonheur est au fond du couloir à gauche nous entraîne dans une quête hilarante de la félicité sans bouger du 32 m2 de notre dépressif préféré. Ponctué par des « running-gags » irrésistibles – vous savez, ces situations grotesques qui reviennent par cycles et vous font sourire avant même qu’elles se produisent – je vous réserve la surprise avec celui de M. Patusse, modèle du voisin frustré et bougon qui risque bien de vous faire pouffer de rire à de nombreuses occasions.
Michel trouvera-t-il le bonheur au fond du couloir à gauche et l’amour de sa bien-aimée ? Bien sûr, la conclusion de l’intrigue n’est pas le principal intérêt de ce roman divertissant et intelligent qui en dit long sur notre société déprimée. Sans effets secondaires, J.M. Erre agit sur notre moral plus efficacement que les anti-dépresseurs que Michel absorbe à longueur de journée. Garanti sans les fausses promesses des romans dont il se gausse, Le bonheur est au fond du couloir à gauche nous apporte cet exutoire dont nous avons tant besoin aujourd’hui.
Absurde et enlevé s’il ne vous satisfait pas assez, vous pourrez toujours l’utiliser comme Michel pour mettre à niveau les meubles de votre maisonnée. Car comme il le dit lui-même : « Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. » À méditer…
—
Parution le 7 janvier 2021 – 192 pages
Retrouvez tous les épisodes du Journal d’un libraire : #journal d’un libraire
* Sébastien est libraire à la Fnac de Parly 2 rayon fiction, spécialisé en littérature française. Il participe depuis plusieurs années au prix du Roman Fnac et écrit des chroniques sur son blog Fnac.com.