LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Sylvette C. (Castelnau). Plus que de croyances, il s’agit ici d’art de vivre à l’indienne ; chaque grain de sable, chaque caillou, chaque herbe, chaque insecte est rattaché à un symbole ancestral et relié à une histoire naturaliste, un bienfait, un remède par les coutumes générationnelles.
Betty
Le coup de cœur de Sylvette C. (Castelnau)
Le chaos partout
Dans l’Amérique contemporaine, on côtoie le racisme ordinaire, la haine de celui qui est différent, qui s’intègre difficilement, qui se défend avec ses propres mots, souvent inappropriés, incompréhensibles pour les autres.
À l’intérieur de la famille de Betty, c’est aussi le chaos ; le père cherokee perpétue les traditions dans un amour inconditionnel pour les siens, la mère sombre dans la folie, rongée par les violences subies dans son enfance, le frère incestueux, le frère un peu fou, le frère trop rêveur, et les trois sœurs, tous subissent à leur manière des relations dissonantes ou harmonieuses.
Chacun de chapitres ayant pour titre un verset de la Bible, on comprend que les croyances sont entremêlées, qu’elles vivent les unes par les autres.
Le récit de Betty
C’est Betty qui raconte cette famille à la fois aimante et dysfonctionnelle. On est peu à peu imprégné par les dictons, les incantations et tout un rituel inhérent au père, l’Indien.
Ce père-là est unique, son amour pour sa famille touche au sublime, et la relation qu’il a avec Betty, sa petite indienne, laisse rêveur.
Il y a quelque chose de magique, en apesanteur, dû aux tragédies livrées par la voix d’une enfant, comme une fatalité, ou comme un devoir légitime de racheter en vrac tous les secrets de sa famille.
On s’attend au pire, mais le pire n’est jamais assez fort. Le sort s’acharne, de superstitions en malédictions.
Le livre atteint des sommets de poésie pure pour livrer la fin de l’innocence, avec des moments de splendeur dans les évocations de l’histoire du peuple Cherokee, et des mythes qui le traversent.
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Paru le 20 août 2020- 720 pages
Traduit de l’anglais (États-Unis) par François Happe