Décryptage

Journal d’un libraire – Épisode 4 – La rentrée des poches

28 septembre 2020
Par Sébastien Thomas-Calleja
Journal d’un libraire – Épisode 4 – La rentrée des poches

Une rentrée peut en cacher une autre ! Les livres au format poche ont aussi leur rentrée littéraire en septembre, comme les grands ! L’occasion pour moi de vous parler d’un gros coup de cœur disponible désormais à petit prix, mais qui reste une grande lecture : Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu.

Découvrir les coulisses d’un libraire dans nos magasins, c’est ce que nous vous proposons dans cette nouvelle série de publications à retrouver régulièrement sur nos pages Conseils Fnac. Aujourd’hui, je voulais vous parler d’un temps fort de la vie d’un libraire, partie intégrante de la rentrée littéraire, la rentrée des poches. Idéal pour tout lecteur nomade, le petit format a tout d’un grand et je vous en explique tout maintenant !  


IMG_0379FOCUS : La rentrée des poches  

Si plusieurs centaines de nouveautés paraissent chaque année au moment de la rentrée, vous pouvez compter sur plusieurs dizaines d’autres titres qui passent, selon la formule consacrée, au format poche.  

Né d’aucune femme de Franck Bouysse, Les Gratitudes de Delphine de Vigan ou Civilizations de Laurent Binet, tous les trois au Livre de Poche ; Pour un instant d’éternité de Gilles Legardinier chez J’ai Lu ; L’Île du diable de Nicolas Beuglet ou L’Outrage fait à Sarah Ikker de Yasmina Khadra chez Pocket, mais encore À la ligne de Joseph Ponthus ou Mon frère de Daniel Pennac chez Folio, et même La Fabrique des salauds de Chris Kraus chez 10/18. Polar, émotion, social ou dystopique… il y en a pour tous les goûts, et vous les attendiez tous, ou presque ! 

Car la rentrée des poches n’est jamais à négliger. Vous pouvez d’ailleurs voir une partie de nos podiums poche dans mon magasin de Parly2 : on est prêts pour vous accueillir et satisfaire toutes vos envies de lectures et de découvertes !! 

Nous sommes nombreux à attendre la sortie en petit format pour des publications que nous n’avions pas eu le temps de lire ou avions ratées. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de vous parler d’un roman que j’ai beaucoup apprécié et qui a obtenu le Prix Goncourt en 2018…

 


Mon coup de cœur poche de la rentrée : 


Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu, Babel (2020)


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Leurs-enfants-apres-eux

Dans une région sinistrée par le chômage, où les avenirs paraissent aussi bouchés que ses industries emmurées, Nicolas Mathieu nous dresse le portrait d’une génération qui refuse de suivre son chemin programmé. Leurs enfants après eux ou le rejet du déterminisme social qui accable ses vies minuscules pleines d’un espoir majuscule. 

Lorsqu’on a 14 ans et que l’on vit dans une région en pleine désindustrialisation, on rêve d’un ailleurs différent. Entre le corps qui se transforme accompagnant les premiers émois, ou en piquant une barque pour aller voir plus loin, c’est l’aventure qui commence. Anthony ne veut pas de la vie qui l’attend : « licencié, divorcé, cocu ou cancéreux ». Dans son monde, « les hommes parlaient peu et mouraient tôt ». C’est élevé dans ce milieu qu’il ambitionne d’être quelqu’un d’autre, de ne plus vivre sa vie à moitié, prisonnier de rouages qu’il ne maîtrisera jamais. Il veut vivre et exister. Pour cela, il n’y a qu’une solution : « foutre le camp » ! 

L’action se déroulera sur quatre étés : 1992, 1994, 1996, 1998. Et quatre chansons : Smells like teen spiritYou could be mineLa Fièvre et will survive. Toute une époque reconstituée, à renfort d’objets ou de sujets typiques de cette décennie. 

Mais ce livre est beaucoup plus qu’un roman générationnel ou d’initiation. D’une écriture à fleur de peau, Nicolas Mathieu met en scène Anthony, Hacine, Stéphanie et bien d’autres par les descriptions émouvantes de leurs sensations, de leurs passions. Ils ne sont pas vraiment pauvres, ils ne sont pas vraiment riches, ils naviguent tous dans une sorte de classe moyenne qui irait de petit-bourgeois à famille populaire. L’avenir qu’on leur réserve ne pourra jamais contenter l’ardeur de leur jeunesse. 
Être raisonnable est la seule issue que leur proposent leurs familles résignées, les formations sans débouchés, les administrations donneuses de leçons ou les emplois abrutissants. Se taire, ne pas faire de vague, accepter sa condition. Mais à 14, 16, 18 ou 20 ans, on n’a pas l’âge d’accepter « une vie à peu près », « une vie peinarde et modérément heureuse », et se satisfaire « de salaires décents et d’augmentations raisonnables ». Fuir, partir, tout quitter, avec, pour horizon, des espérances illimitées. Mais avant « le pincement des petits matins blêmes », s’oublier dans la drogue ou l’alcool, s’occuper avec de menus larcins ou construire des trafics interdits mais prometteurs de lendemains meilleurs, se griser de vitesse sur un vélo, une mobylette ou une moto. Courir, s’échapper. Et aimer, s’enivrer d’amour à en crever. 

À l’aide de personnages attachants et puissamment romanesques, Nicolas Mathieu nous offre une superbe ode à la liberté et une farouche dénonciation de l’injustice sociale. 

Bouleversant et passionnant, ce roman est à lire avec tout l’idéal d’absolu au cœur et au corps ! 

Retrouvez les meilleurs poches dans notre rubrique Les 10 poches du mois 

* Journal d’un libraire : Sébastien est libraire à la Fnac de Parly 2 rayon fiction, spécialisé en littérature française. Il participe depuis plusieurs années au prix du Roman Fnac et écrit des chroniques sur son blog Fnac.com. 

Parution poche le 19 août 2020 – 560 pages 

 

 

Dans le prochain épisode du « Journal d’un libraire » je vous parlerai de ma participation à un prix littéraire de libraires, le Prix Folio-Télérama et vous présenterai bien sûr le lauréat.  

À très bientôt !

Retrouvez le Journal d’un libraire Episode #1, Episode #2 et Episode #3

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Article rédigé par
Sébastien Thomas-Calleja
Sébastien Thomas-Calleja
Libraire à Fnac Bercy
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