Décryptage

Lexique TV : que veut dire « crossover » ?

18 juin 2020
Par Auxence
Lexique TV : que veut dire « crossover » ?
©BagoGames, Flickr

Vous avez entendu parler d’une expression mais ne comprenez pas d’où elle vient ni ce qu’elle signifie ? Vous voulez maîtriser le lexique des séries télévisées pour devenir le maître de cérémonie des soirées TV entre amis ? Pas de souci, nous vous proposons dans chaque épisode le décryptage d’un mot de la culture télévisuelle passé à la postérité. Aujourd’hui, attaquons-nous à l’expression « crossover », un procédé qui décloisonne les fictions.

De quoi parle-t-on ?

Un « crossover » (littéralement « traversée », « passerelle », souvent traduit par « incursion ») est une fiction réunissant des personnages, arcs narratifs ou univers originellement différents et distincts. Si l’on en trouve dans tous les types de fictions, de la bande dessinée au cinéma, en passant par le jeu vidéo et la littérature, concentrons-nous surtout sur le cas des séries télévisées.

Pour faire les choses proprement, il revient de préciser qu’il existe non pas un mais deux types de crossovers. D’une part, les crossovers « officiels » qui sont issus de la volonté d’un créateur de relier deux ou plusieurs de ses créations (comme c’est le cas des soap operas du groupe télévisuel ABC), ou de détenteurs de droits différents qui capitalisent sur le succès de leurs fictions respectives. Pour contourner les obstacles légaux, certains créateurs ont d’ailleurs recours à des personnages tombés dans le domaine public (les personnages de contes dans la série Once Upon a Time). D’autre part, les crossovers « officieux » sont des fan fictions qui explorent les possibilités offertes par des croisements surprenants – «  et si Frank Underwood gouvernait Port-Réal, et les Marcheurs blancs étaient faits de blue meth ? » -, sans se soucier du canon ou des droits d’auteur que cela implique.

Un pont entre créateurs et spectateurs

Ainsi, le crossover part d’un rapport gagnant-gagnant. Pour les spectateurs, il s’agit de voir leurs poulains galoper dans un univers différent. Cette connexion peut découler d’une compatibilité entre des univers a priori distincts (même époque, même région du monde, même type de fiction, même esthétique, même public cible…), comme c’est le cas entre Les Simpson, Futurama et Family Guy qui s’échangent des personnages à l’occasion de certains épisodes. Un même univers peut aussi exister tacitement à travers plusieurs séries, comme c’est le cas de Doctor Who et Torchwood, ou explicitement parce qu’une série est un spin-off d’une autre, comme Legacies, The Originals et Vampire Diaries. Un crossover peut simplement s’appuyer sur les multiples dérivés d’un concept : dans les séries policières qui descendent de la branche Les Experts ou New York Police Judiciaire, il n’est pas rare que des enquêteurs d’États américains différents se donnent la réplique le temps d’une affaire entre juridictions croisées.

Pour les créateurs, ou la société de production, le crossover permet d’adresser des hommages à d’autres univers que seuls les spectateurs assidus comprendront, de faire des caméos promotionnels pour mettre en avant une autre série moins connue, ou simplement de préparer les fans à la venue prochaine d’un spin-off. C’est aussi l’occasion de créer une histoire intriquée, où les actes de certains personnages ont des répercussions sur l’arc narratif d’autres personnages, comme lorsqu’un personnage de Dingue de toi provoque un black-out à New York, vécu en même temps par les personnages de Friends.

Le risque de partir en roue libre

En terme de scénario, le crossover est toujours un choix risqué parce qu’il peut aussi bien rendre un épisode culte qu’aliéner les fans. C’est notamment le cas lorsque deux séries sont de qualité très inégale, ainsi de l’épisode A Star Is Burns des Simpson (sorti en 1995) où la famille jaune accueille à Springfield le personnage de la série moins connue Profession : Critique. Échec cuisant auprès des fans et de Matt Groening, créateur du show, qui y voient une publicité cachée pour une série moins populaire. Autre problème, un crossover peut être difficile à mettre en place parce qu’il réunit des personnages venus d’univers trop différents (siècle différent, série et dessin animé, séries comique et dramatique…). C’est par exemple le cas du crossover entre les Simpson et X-Files, que les fans de ce dernier ont finalement accepté comme étant un épisode spécial hors du canon.

Mais, la plupart du temps, les show runners s’en sortent par une pirouette, justifiant un crossover par l’absurde ou l’existence d’un univers parallèle. Personne ne verra d’inconvénient à ce que les personnages des Simpson et de South Park se croisent le temps d’un épisode, puisque les deux pratiquent couramment le métahumour. À la décharge des show runners, les spectateurs sont les premiers créateurs de crossovers : les fans les plus zélés adorent affirmer, même sans preuves officielles, que des univers fictifs sont reliés. Ainsi, la théorie de l’« univers Tommy Westphall », basée sur l’interprétation du final de la série St. Elsewhere, stipule qu’au moins 280 séries télévisées n’existeraient que dans l’imagination du personnage autiste Tommy Westphall. On pousserait pas le bouchon un peu trop loin ?

 © BagoGames sur Flickr

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Auxence
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