Présent dans quatre des vingt romans du cycle des Rougon-Macquart, Étienne Lantier est un personnage emblématique de la saga de Zola. Héros de Germinal, cet homme intelligent marqué par sa filiation incarne avec force le militantisme ouvrier de la Révolution industrielle française. De la misère des débuts jusqu’à son exil final en passant par son apogée politique et sa passion amoureuse, Lantier est un héros romanesque rongé par son hérédité.
Les Rougon-Macquart
« Je veux écrire l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Tous les épisodes seront des tableaux de mœurs pris dans tous les mondes… » rappelait Émile Zola en 1871 alors qu’il venait de terminer La fortune des Rougon-Macquart, premier volume éponyme d’une saga familiale qui allait en compter vingt et bouleverser durablement la littérature française.
Inspirée par Balzac, cette comédie humaine inscrite dans le mouvement naturaliste avait l’ambition d’étudier le déterminisme social, physiologique et psychologique au sein d’une même famille au gré du contexte politique de l’époque.
Avant Germinal, de Emile Zola
Après une première évocation dans La fortune des Rougon-Macquart, l’histoire d’Étienne Lantier se précise avec L’Assommoir. Troisième fils illégitime de Gervaise Macquart et d’Auguste Lantier né en 1848, il n’a que quatre ans quand son père, un homme violent et manipulateur, abandonne sa famille après avoir quitté Plassans (ville fictive inspirée par Aix-en-Provence) pour Paris deux ans plus tôt. Maltraité par Coupeau, son beau-père, il est mis en pension par sa mère.
Pauvre mais instruit, il s’installe très jeune à Lille pour finir son apprentissage de mécanicien. Impulsif et agressif héréditaire, surtout sous l’emprise de l’alcool, il se retrouve sans travail après avoir giflé son contremaître. Alors que sévit la crise industrielle, il peine à se faire embaucher jusqu’à ce qu’il atterrisse au pied des terrils du Nord où il est enfin engagé comme hercheur (ouvrier chargé de faire circuler les wagons dans la mine). C’est sur ces bases biographiques que débute le parcours du héros de Germinal.
Etienne Lantier et l’amour
Révolté contre sa condition d’ouvrier, Lantier ne doit son implantation dans l’univers hostile de la mine qu’à l’amour qu’il porte à Catherine Maheu. Passionné et excessif, parfois submergé par ses pires démons comme lorsqu’il tuera son rival amoureux Antoine Chaval, il s’engage corps et âme dans cette vie de labeur pour rester auprès d’elle.
Chassé des Corons après en avoir été le leader syndical, Étienne Lantier rejoint la capitale et s’engage dans la Commune de Paris. Après Germinal, on le retrouve une dernière fois dans Le Docteur Pascal, vingtième et dernier roman de la série. Condamné à mort mais gracié à la fin de l’insurrection communarde, il y est déporté à Nouméa en Nouvelle-Calédonie où il refait sa vie et fonde une famille.
Etienne Lantier et la politique
Éruptif mais intelligent, Étienne Lantier s’indigne des conditions de vie et de travail imposées aux gueules noires par la logique capitaliste avant de structurer sa pensée socialiste par la lecture attentive de Marx et Proudhon. Au départ instinctif, son engagement prend une consistance politique qui lui fait rapidement jouer les premiers rôles dans la lutte des mineurs.
Au gré du combat et de multiples coups d’éclats, il passe d’un statut de militant syndical à celui de figure politique locale qui le fait profiter d’une vie meilleure, à laquelle il ne renonce d’ailleurs pas.
Paradoxalement, il ne vit pas son embourgeoisement comme une trahison à la cause mais plutôt comme une revanche légitime sur sa condition d’origine. Pourtant, entre une ambition mal canalisée, une vanité grandissante, une histoire d’amour compliquée et une stratégie politique qui ne portera pas ses fruits (la convergence des luttes entre mineurs et soldats), Lantier perdra finalement le soutien des mineurs et verra son rêve politique s’envoler.
Etienne Lantier au cinéma
Personnage hautement romanesque sublimé par la puissance de sa dimension politique, Étienne Lantier a inspiré de nombreux cinéastes. Parmi eux, Claude Berri avait offert le rôle à Renaud, alors au sommet de sa popularité, dans son adaptation de Germinal en 1993. Trente plus tôt, en 1962, Yves Allégret avait fait de Jean Sorel son Étienne Lantier. De l’autre côté de l’Atlantique, l’œuvre et le héros de Zola n’ont pas laissé insensible un maître du septième art comme DW Griffith qui a porté à l’écran une version très personnelle de L’Assommoir en 1931.
