« La beauté étrange et sauvage » de la bohémienne Carmen a traversé les siècles. Ce personnage de femme amoureuse et libre, créé dans une nouvelle de Prosper Mérimée et immortalisé par l’opéra de Bizet, demeure l’une des plus belles représentations de la passion féminine en littérature.
Une inspiration espagnole
C’est la mère de l’Impératrice Eugénie (épouse de Napoléon III), la comtesse Maria de Montijo, qui inspira Prosper Mérimée au moment de la rédaction de Carmen. La nouvelle se déroule une nouvelle fois en Espagne, pays cher à l’écrivain français, qui lui a notamment consacré les pièces du Théâtre de Clara Gazul. Le récit a aussi été l’occasion, pour l’auteur de La Vénus d’Ille, de soigner son personnage féminin, comme il le fit avec Colomba en 1840, cinq ans avant Carmen.
Le mythe de la bohémienne
Si la voix principale de Carmen demeure Don José, un militaire qui raconte au narrateur son funeste destin, c’est bien la description de l’héroïne éponyme et ses actes qui fondent l’intérêt de la nouvelle. Mérimée nous la peint en effet comme une jeune gitane sensuelle, propice à séduire n’importe quel homme en les subjuguant.
On apprend petit à petit que le caractère entier de cette femme l’amène à commettre de menus larcins, et surtout à frayer avec des contrebandiers. Mais c’est par l’amour qu’on lui porte que l’on perçoit mieux la figure féminine presque subversive qu’elle représente : en séduisant Don José pour échapper à la prison, puis en le poussant à devenir un délinquant à son tour, elle prouve que ses charmes peuvent profondément changer les destins. Et n’hésite pas à faire grandir la jalousie chez son militaire d’amant, pour mieux tirer parti de lui.
La liberté absolue
Pour autant, au fur et à mesure de la lecture de la nouvelle, c’est moins comme une extorqueuse vénale que comme une femme libre que Carmen apparaît. L’héroïne de Mérimée s’éprend sincèrement de Don José, au point de l’aider à s’évader lorsqu’il se trouve emprisonné. Mais ses sentiments, s’ils sont puissants et passionnés, n’en demeurent pas moins éphémères.
Le drame de Carmen n’est pas d’utiliser ses charmes à des fins douteuses, mais bien d’être libre de changer d’amant et « d’époux » comme elle l’entend, suivant son propre instinct. Face au mythe de la jeune femme pure vouée à se soumettre à son mari pour toute la vie, cette bohémienne luxuriante apparaît comme un revers absolu, libre dans ses désirs sans les diminuer pour autant.
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