Décryptage

Tout savoir sur le roman graphique : La genèse ? La définition du genre ? Les incontournables ?

22 décembre 2021
Par Lucas
Tout savoir sur le roman graphique : La genèse ? La définition du genre ? Les incontournables ?
©dr

Il y a quelques années, une bande dessinée qui ne respectait pas les codes du neuvième art était classée sous l’appellation « roman graphique » parce que soit trop longue, soit trop ambitieuse. Aujourd’hui, le roman graphique tend à s’inscrire dans une veine spécifique autant reconnue par les auteurs que par les lecteurs. Décryptage d’un genre qui connaît un succès retentissant.

Une histoire mouvementéeUn-pacte-avec-Dieu

Le consensus autour de la désignation « roman graphique » (ni comics, ni mangas, ni BD franco-belge) ne s’est pas fait en un jour et les débats furent vifs et passionnés. Les puristes y ont longtemps vu une trahison – une bande dessinée reste une bande dessinée –, les directeurs de collection la meilleure façon d’attiser la curiosité des réfractaires à la BD avec des œuvres singulières. Cependant, une subtile distinction de fond perdure entre la culture anglophone et la culture francophone. Aux États-Unis par exemple, le « Graphic Novel » est davantage considéré comme un roman fait d’illustrations, tandis qu’en France, le graphisme s’impose naturellement comme l’élément pivot au cœur de l’ouvrage. Derrière ces petites querelles de chapelle se cachent des travaux d’auteurs rentrés au panthéon de l’histoire culturelle contemporaine.

S’ancrer dans l’histoire, la société et la vie

Les romans graphiques qui font référence sont ceux-là même qui révèlent l’état du monde et des sociétés qui le composent, parce qu’ils prennent le temps et les libertés nécessaires pour renvoyer aux lecteurs des messages forts. Will Eisner, reconnu comme un précurseur, raconte dans Un pacte avec Dieu (1978), LE classique parmi les classiques, son enfance au cœur du Bronx durant les années 1930. On y voit la vie fourmillante des grands habitats collectifs et toute la difficulté des classes modestes et des communautés à s’élever socialement. Un pacte avec Dieu représente aujourd’hui un témoignage incontournable de l’histoire américaine. Tout comme Maus (1981) d’Art Spiegelman (récompensé en 1992 par le prix Pulitzer), qui revient sur la persécution et l’extermination des juifs en Pologne pendant les années 1930 et 1940, marque de son empreinte l’idée que l’on peut se faire d’une œuvre majeure sur la transmission filiale et historique. Plus récemment, des auteurs comme Marjane Satrapi dans Persépolis (2000) et Riad Sattouff dans L’Arabe du futur (2014) évoquent avec tout autant de réalisme et de poésie leur enfance tumultueuse sous la révolution iranienne et le régime dictatorial de Kadhafi.

Maus-l-integrale    Persepolis-monovolume

Aussi, quand le roman graphique fait la part belle aux chroniques sociales, il délivre des portraits fouillés d’une grande sensibilité, notamment dans Ghost World (1993) de Daniel Clowes qui narre les péripéties de deux adolescentes aux prises avec les affres de l’amitié. Craig Thomson, lui aussi, avec Blankets (2003) et Habibi (2011) a su s’emparer avec tact de la question complexe des relations humaines et de l’amour.

Ghost-worldHabibi

S’évader aux confins de l’imaginaire

Le roman graphique reste l’occasion rêvée pour de nombreux auteurs de s’emparer d’un univers de façon unique et originale. Le titre le plus emblématique est sans aucun doute le premier roman graphique publié par Marvel, La mort de Captain Marvel (1982) où l’on accompagne le super-héros atteint par un cancer dans son dernier voyage. Dans le même genre mais pas le même style, Neil Gaiman, romancier et auteur à succès, atteint avec Sandman (1989) la quintessence même du roman graphique fantastique « fou et débridé », une anti-thèse absolue des histoires de super-héros proposées par Marvel et DC.

sandman-tome-1   la mort de captain marvel

S’il fallait parier sur un album ultra culte, les connaisseurs porteraient sans doute leur choix sur Black Hole de Charles Burns qui embarque le lecteur dans un dédale de cauchemars autour d’une bande d’adolescents en complet décalage avec les valeurs de la société traditionnelle. Un must. Terminons ce décryptage par une œuvre hybride publiée en 2018, Moi ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris, qui déroule son réalisme cru aux frontières du fantastique. Un roman graphique en forme de journal intime, où une jeune fille qui préfèrerait être un monstre plutôt qu’une femme enquête sur la mort mystérieuse de sa voisine, survivante de l’Holocauste. Un futur classique.

Black-hole    Moi ce que j'aime, c'est les monstres

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