Décryptage

L’importance des contes dans nos vies

06 octobre 2025
Par Maryse Bourdin
L'importance des contes dans nos vies

Chut… l’heure du conte a sonné ! Installez-vous confortablement, l’histoire va bientôt commencer… Et vous pourriez en apprendre beaucoup, loin des clichés, car les contes sont bien plus que des histoires pour enfants. Ils décryptent notre société, révèlent des trésors d’humanité et invitent à une relecture moderne de ces récits que l’on croit, à tort, connaître par cœur.

Nous avons tous de doux et merveilleux souvenirs d’enfance liés à l’instant magique de lire un conte.

Un conte de fées est une petite histoire qui donne un sens. Analyser un conte, c’est essayer de saisir ce sens, aussi bien d’un point de vue global, que dans ses détails. Les contes, souvent perçus comme des récits clairs et simples, sont en fait plus ambigus…

Le conte comme mise en garde

C’est ce que Lucile Novat explique magnifiquement bien dans De grandes dents, enquête sur un petit malentendu.

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Nous connaissons toutes et tous le conte du Petit Chaperon Rouge mais avons-nous véritablement compris ce que Perrault et les frères Grimm tentaient de nous révéler ? Ne nous mettaient-ils pas en garde contre le monstre du dedans et non celui du dehors ?

Une fois que nous reconnaissons la possibilité de cette réalité, une fois que le tabou est levé, on peut réaliser que ce récit nous avertit davantage de la menace provenant de la famille plutôt que du monde extérieur. Le loup étant une métaphore du prédateur, que l’on peut voir comme une allégorie de l’inceste.

Elle s’oppose dans ce livre à l’analyse que fait Bruno Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées. Selon Bettelheim, ce conte représente principalement une métaphore de la maturation sexuelle. Pour lui, le loup exprime les pulsions primaires et l’attrait charnel. La couleur rouge du capuchon comme un symbole des menstruations et de la prise de conscience de la sexualité, tandis que le sentier emprunté par l’enfant évoque la transition de l’enfance vers l’âge adulte.

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La lecture de Lucile Novat nous confronte à une interrogation dérangeante : pourquoi la théorie de l’inceste dans Le Petit Chaperon Rouge n’a-t-elle pas obtenu une reconnaissance plus étendue ?

Peut-être que c’est parce qu’il est nécessaire de maintenir une représentation innocente des contes pour enfants. Reconnaître que Le Petit Chaperon Rouge traite de l’inceste pourrait remettre en question de nombreuses convictions et nous obliger à admettre que les contes, généralement considérés comme innocents, pourraient cacher des vérités dérangeantes.

On ne peut pas parler des contes sans évoquer la Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim, ouvrage à la fois incontournable et controversé. On a souvent reproché à Bettelheim d’avoir une vision anachronique du conte en soulignant à tort son éternelle valeur éducative, car celui-ci, jusqu’au XVIIème siècle, ne s’adressait en fait pas aux enfants, mais aux adultes.

Dans les contes de fées, écrit Bettelheim, le fait d’aller à la découverte du monde signifie la fin de la première enfance. L’enfant doit entreprendre le voyage long et difficile qui fera de lui un adulte.

La vision des contes de Bettelheim est vétuste et devrait être probablement revisitée.

Le conte, vecteur moderne de valeurs sûres

Jennifer Tamas dans Faut-il en finir avec les contes de fées ? permet de définir légitimement la place et la réception que l’on a aujourd’hui de la lecture de ces contes.

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Jennifer Tamas revient sur l’idée du consentement à travers le « fameux baiser » pour réveiller la Belle au Bois dormant afin de déconstruire l’idée que l’on se fait des contes. Mais ce qui est intéressant à retenir de ce livre, c’est que le conte est interprétable de mille et une façon, qu’il évolue avec la société, les mentalités et les époques. Il suffit pour ce faire de comparer diverses versions de certains contes.

Par exemple, La Belle et La Bête, écrit par Madame de Villeneuve, nous parle du désir féminin et du consentement mutuel. C’est pourquoi il est important d’avoir la curiosité de lire et de confronter différentes variantes.

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Comme l’écrit Jennifer Tamas, « les contes sont une matière vivante dont on ne parvient jamais à épuiser le sens et dont la puissance tient à l’impossibilité de circonscrire une fois pour toutes leur sens ». L’autrice s’appuie ainsi sur divers contes connus comme Cendrillon, La Belle et la Bête ou encore Le Petit Poucet… pour nous inviter à voir plus loin.

Malgré les interprétations patriarcales qui en sont faites, ces histoires sont souvent portées par des personnages féminins qui refusent les carcans de la société, quand elles sont écrites par des femmes. Les contes nous aident à penser notre société. Et bien qu’ils soient souvent pleins de « cruauté et de noirceur », ils n’en demeurent pas moins emplis de trésors d’humanité que nous portons en chacun de nous.

Ainsi, l’autrice répond par un vibrant hommage et un éloge percutant et univoque de ces histoires jadis racontées au coin du feu, aujourd’hui encore contées de génération en génération avec un plaisir sans cesse renouvelé, qui nous invitent à réfléchir sur nous-mêmes.

Ce livre de Jennifer Tamas m’a renvoyée à la bande dessinée Et à la fin, ils meurent de Lou Lubie.

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Lou Lubie mène une réflexion et essaie de comprendre ce que sont les contes, autant d’un point de vue culturel que d’un point de vue psychanalytique car on sait que de nombreux symboles constituent les contes de fées. La question se pose de savoir si ces symboles sont toujours valides aujourd’hui.

Elle retrace l’histoire du conte, allant de la tradition orale et du contenu pour adultes, avec toute l’extrême violence dont elle regorge, aux versions édulcorées, voire les films Disney que nous connaissons mieux aujourd’hui, dans un travail de recherche digne d’un universitaire en littérature. Elle s’interroge également sur le caractère raciste et patriarcal de ce support privilégié dans la société.

Exit donc les versions gentillettes des contes de fées, place aux versions authentiques et hautement savoureuses de seize contes de fées, certains très célèbres, d’autres beaucoup plus confidentiels. Un voyage exaltant, extrêmement documenté à la découverte de l’histoire des contes sans oublier bien sûr leur évidente portée symbolique. Alors, qu’en penser aujourd’hui ? Sexistes les contes ? Violents ? Racistes ?

De nos jours, les contes de fées ont plutôt mauvaise réputation, c’est pourquoi il est légitime de se demander pourquoi. Par exemple, les contes de fées sont-ils sexistes ? Comment sont présentés les archétypes féminins dans les contes de fées ?

Dès l’enfance, nous lisons des contes. Or ces récits sont parfois des vecteurs des valeurs patriarcales. Les princesses ne sont pas un modèle d’émancipation, elles sont rarement des sujets actifs ou désirant. La princesse parfaite est belle, douce, docile et passive.

Le conte, plus féministe qu’il n’y paraît…

Le philosophe Fabrice Midal, dans son livre Les princesses ont toujours raison, démontre comment, loin d’attendre passivement leur prince charmant, les princesses sont celles qui décident, agissent et consentent.

Fabrice Midal s’est plongé dans les mille et une versions de différents contes (Peau d’âne, La Reine des Neiges, Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge ou La Belle et la Bête…). Il en résulte une relecture stimulante, subtile et originale.

Prenant le contre-pied des interprétations psychanalytiques de Bruno Bettelheim, très loin de la vision moraliste qui s’est imposée depuis Charles Perrault, « Les princesses ont toujours raison » démontre que ces contes, bien plus que de simples histoires pour enfants dénuées d’intérêt, cultivent l’ambiguïté. Nous avons souvent une image fausse et superficielle de ces contes.

Nous les voyons comme d’aimables divertissements pour enfants, voire comme un héritage narratif sexiste et misogyne, alors que c’est tout le contraire : non seulement il s’agit d’une littérature qui parle aux adultes, mais surtout, les héroïnes de ces contes, loin de se résumer à des princesses belles et passives qui attendent leur prince charmant, révèlent une puissance, une force de caractère, une créativité unique qui leur permet de surmonter tous les obstacles.

Charles Perrault puis les frères Grimm, ont contribué à dénaturer les contes et légendes du patrimoine oral, à les polir, les lisser, leur ôter une partie de leur caractère subversif. Puis les studios Disney s’en sont emparés avec une lecture édulcorée et manichéenne : les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Alors que le conte nous encourage à regarder le monde et les gens qui nous entourent d’une manière différente, à ne pas craindre l’ombre mais à se confronter à l’obstacle pour y trouver la force de nous dépasser.

Il est donc essentiel de reprendre les contes et de les interroger en laissant de côté les a priori.

Perrault en avait fait une lecture moraliste, donnant une leçon de morale à la fin de chaque conte. Puis Bettelheim en a fait une lecture psychanalytique et qui a connu un grand succès au XXe siècle. Une lecture philosophique consiste à comprendre en quoi ces histoires interrogent l’être humain et nous aident à donner du sens à l’existence.

Un immense travail est fait dans notre société aujourd’hui pour comprendre la violence non seulement physique mais aussi psychologique faite aux femmes. Une lecture fine de ces contes permet de voir qu’ils font honneur à la puissance et au courage féminin. Ces contes sont tout sauf machistes. Ils font écho au rôle fondamental des femmes. On retrouve la même chose dans la mythologie grecque : Thésée, même puissant, même fort, ne peut rien faire sans le fil d’Ariane, son intelligence et sa clarté.

À lire aussi

Les contes nous montrent le possible en chacun de nous et que dans chaque être humain, il y a une dignité à respecter.  Ces histoires ne nous disent pas ce qu’on doit faire, mais elles nous aident à trouver en nous nos propres forces.

Faut-il réécrire les contes, les réinterpréter, les lire autrement ? Il me semble que oui car les thèmes des contes sont d’actualité, toujours !

Et maintenant relisons les contes !

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