Avec LaRose, Louise Erdrich signe un de ses plus beaux romans. Cette histoire puissante, dramatique et ensorcelante est idéale pour découvrir cet auteur exceptionnel ; ceux qui la connaissent déjà retrouveront avec plaisir ce talent de conteuse hors-pair et ses personnages extraordinaires. Bienvenue dans un univers tiraillé entre modernité et traditions, bienvenue dans le monde de Louise Erdrich, peuplé d’esprits, de vivants et de légendes.
« Je donnerai ma vie pour te rendre Dusty, assura-t-il, LaRose est ma vie. J’ai fait du mieux que j’ai pu. »
En ce triste jour d’automne, la vie de Landreaux bascule : une erreur, une faute d’interprétation, un instant d’inattention… Et la créature qui tombe dans l’herbe après son coup de fusil n’est malheureusement pas le cerf visé, mais le fils de son voisin et ami. Le petit Dusty est mort et le monde s’écroule. Pour survivre, pour préserver l’équilibre, pour réparer sa faute, Landreaux et sa femme vont prendre une décision difficile qui va changer à jamais leur destinée et celle de leurs voisins. Inspirés par les anciennes coutumes, ils font don de leur plus jeune fils, LaRose, aux parents endeuillés. C’est beau, poignant mais plutôt inenvisageable pour nos esprits occidentaux, ce qui renforce aussitôt l’attrait que l’on peut ressentir pour cette histoire aux multiples facettes.
Car c’est un des dons de Louise Erdrich : partager généreusement ses racines amérindiennes, inclure le lecteur dans un clan aux ramifications généalogiques touffues et aux codes sociaux bien particuliers, tout en restant suffisamment impliquée dans la réalité contemporaine, permettant ainsi au lecteur de garder ses repères tout en découvrant une culture riche et ancestrale.
« Dans tous ces gestes, LaRose était précis et réfléchi. Il était en train de devenir un être humain efficace. »
Bien sûr, le cœur du récit est illuminé par la présence de LaRose, cet enfant qui subit le choix de ses parents, qui n’a pas voix au chapitre et qui devra trouver les ressources nécessaires pour s’adapter à cette nouvelle vie. Il y a eu avant lui plusieurs générations de LaRose, le lecteur découvrira leur histoire au gré des incursions de l’auteur dans le passé de cette famille étrange, au mysticisme fort et très lié à l’ancienne manière de vivre. LaRose Iron devient malgré lui le réceptacle des expériences de ses ancêtres et, de protégé, il devient, sans vraiment s’en rendre compte, protecteur. Une lourde tâche pour un si jeune enfant !
La notion d’apprentissage a son importance dans ce roman où le savoir ancestral est transmis de génération en génération. Vivre selon la tradition n’est pas un poids, plutôt une planche de salut qui permet de garder le lien entre membres de la famille d’une part et avec le monde des esprits d’autre part. Ce qui n’empêche pas la modernité de s’installer dans les foyers. À travers le petit LaRose, c’est un hommage à tout le peuple amérindien qui se dessine et qui témoigne de sa force, de sa résistance à l’éradication, de son courage et de ses capacités d’adaptation, de transmission et de préservation.
« La maison de Landreaux et d’Emmaline renfermait la première cabane en bois […] bâtie avec désespoir alors que la neige tombait sur leurs ancêtres. »
Le sujet de LaRose est aussi un bon prétexte pour se promener dans le temps à la rencontre des anciens, pour écouter des blagues, des contes, des anecdotes passées de génération en génération. Ses personnages sont chaleureux et accueillants, et si la vie est souvent rude, s’il y a des raisons d’éprouver parfois de la rancœur, de vouloir se venger, on trouve aussi et surtout beaucoup d’amour et de bienveillance dans ces cœurs blessés.
Et puis, il y a cet humour typiquement amérindien qui vient vous chatouiller gentiment, apportant un peu de malice, de légèreté et de provocation à l’édifice. Comme un grand-père moqueur et farceur viendrait désamorcer un gros chagrin, Louise Erdrich parsème son roman de plaisanteries et de moments amusants qui donne une touche de convivialité à ce drame familial et invite au partage d’une belle histoire.
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Traduit de l’américain par Isabelle Reinharez
Parution le 17 janvier 2018 – 528 pages