L’annonce a fait trembler le monde des comics : Grant Morrison va donner suite à son chef-d’œuvre Arkham Asylum. Afin de mieux comprendre l’ampleur de cette nouvelle, retour sur un des plus grands classiques des aventures de l’homme chauve-souris.
Un millésime d’exception
Tout aussi important que l’ouvrage même est l’époque de sa parution. La fin des années 1980 est une période féconde et pleine de chamboulements pour l’industrie de la bande dessinée américaine. En 1986, le monde des comics est ébranlé par la sortie de deux albums chocs qui vont complément révolutionner le média : Watchmen d’Alan Moore et The Dark Knight Returns de Frank Miller. Le premier hisse le niveau d’écriture du média à un niveau insoupçonné auparavant, le second réinvente une icône devenue has been. Arkham Asylum, paraît trois ans plus tard, en 1989. Écrit par Grant Morrison et dessiné par Dave McKean, ce conte noir et cruel entraîne le chevalier noir au plus profond de ses abîmes. Un ouvrage essentiel qui confirme un nouvel âge d’or : violent, sombre et exigeant.
Batman au pays des névroses
L’asile d’Arkham est le lieu de détention des pires criminels de Gotham. Lorsque ceux-ci prennent le pouvoir de l’institution, la menace est de taille. L’unique revendication, venant de l’infâme Joker, est que Batman se rende sur les lieux… Le scénario, d’apparence linéaire, nous plonge en parallèle dans la création de l’asile, aux sources de la folie qui semble littéralement habiter les murs. On découvre le destin du créateur, Amadeus Arkham dont la descente aux enfers semble prophétiser celle du justicier en cape noir. Grant Morrison cite Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, et crée un dédale vertigineux, une œuvre labyrinthique dont la puissance émotionnelle est toujours aussi puissante. Dave McKean imagine une identité visuelle dérangeante et poétique, mêlant photographie, dessin et autres techniques. Il en résulte une œuvre unique en son genre, une illustration grandiose et intimiste des démons tapis en chacun de nous.
La folie en héritage
Trente ans après sa publication, l’influence de cet ouvrage subsiste : le design et la psychologie du Joker dans cet album ont été l’inspiration principale de Christopher Nolan pour The Dark Knight. Alors comment succéder à un tel album ? Comment continuer une histoire devenue culte et qui ne cesse d’inspirer commentaires et interprétations ? Grant Morrison a lui-même souligné – avec une certaine malice – la folie de cette entreprise. Avec un auteur conscient de l’impossibilité de surpasser son chef-d’œuvre et un nouveau dessinateur (Chris Burnham a la lourde tâche de succéder à Dave McKean) à bord, cette suite s’impose comme un défi à nul autre pareil. Déroutant et complètement passionnant.