Chine, 1969. En pleine révolution culturelle, Ye Wenjie, jeune scientifique envoyée à la campagne dans le programme de rééducation des élites, se retrouve à travailler dans une base militaire secrète ayant pour but la recherche de civilisations extraterrestres. Quatre décennies plus tard, une vague de suicide touche le monde scientifique, alors que dans le même temps, les expériences menées à travers le monde donnent des résultats absurdes, semant une grande confusion.
Le Problème à trois corps est le premier volume d’une trilogie écrite par un auteur chinois, Liu Cixin, dédiée à la rencontre entre l’humanité et une civilisation extraterrestre, les Trisolariens. Il s’inscrit dans la lignée des récits de Hard-SF, donc avec une grande cohérence scientifique. (La Trilogie martienne de K.S. Robinson est certainement l’exemple illustrant le mieux le concept de Hard-SF). Toutefois, si les références scientifiques sont nombreuses, il n’en reste pas moins un roman de science-fiction, avec une vraie intrigue qui se dévoile au fur et à mesure, et en toile de fond, la place de l’humanité dans l’univers.
L’intrigue
Chine, 1969. En pleine révolution culturelle, Ye Wenjie, jeune scientifique envoyée à la campagne dans le programme de rééducation des élites, se retrouve à travailler dans une base militaire secrète ayant pour but la recherche de civilisations extraterrestres. Quatre décennies plus tard, une vague de suicide touche le monde scientifique, alors que dans le même temps, les expériences menées à travers le monde donnent des résultats absurdes et complètement incohérents, semant une grande confusion. Wang Miao, expert dans les nanomatériaux, est convoqué par une cellule de crise regroupant les principaux pays développés, pour infiltrer une organisation douteuse, la Société scientifique des frontières de la science. Et pour cela, participer à un jeu virtuel, appelé LES TROIS CORPS.
À l’origine, la révolution culturelle
Si le début du roman n’a rien de science-fiction, il est toutefois déterminant, car c’est la révolution culturelle en Chine qui va faire perdre la foi en l’humanité à l’un des principaux protagonistes, et influer sur le premier contact avec les Trisolariens. Intelligemment, l’auteur ne délimite pas un trait entre ceux qui ne voient pas l’arrivée des extraterrestres d’un bon œil et ceux qui les attendent avec impatience. Mais au contraire, il décline les aspirations de chacun selon une palette de nuances, de ceux qui rêvent d’une destruction pure et simple de l’humanité, qu’ils considèrent comme le cancer de la Terre, à ceux qui rejettent tout contact avec les aliens, en passant par ceux qui aspirent à une humanité guidée par cette civilisation supérieure. Sans oublier ceux qui ne savent pas sur quel pied danser, car au final, qui connait réellement les intentions des Trisolariens ?
Le hard SF à la chinoise
S’il est vrai que le nombre de références scientifiques peuvent dérouter certains lecteurs, et que l’intrigue prend son temps avant de se dévoiler, ce roman est loin d’être le plus ardus du genre, et possède une réelle fraîcheur dans le style et le fond. Le jeu virtuel, allégorie de la civilisation trisolarienne, est traité de façon originale, le sujet de la rencontre avec une civilisation extraterrestre est dépoussiérée avec virtuosité dans ce premier volume, paru en 2007 (les tomes suivants sont sortis en 2008 et 2010) en Chine par l’auteur de science-fiction le plus populaire dans l’Empire du milieu, et couronné en 2015 par le prestigieux prix Hugo. Une adaptation cinématographique à d’ors et déjà été tournée et devrait paraître courant 2017.
Un roman qui fait date
Pour moi, Le Problème à trois corps est certainement le livre de SF le plus marquant de cette année, et un des plus importants de cette décennie, pour plusieurs raisons. La première tient en ses qualités intrinsèques : je n’ai pas pu lâcher ce livre, j’ai été pris autant par l’écriture que par le fond. La deuxième tient du fait qu’il s’agit du premier roman chinois de SF traduit en français à ma connaissance, et bien que fortement influencé par la SF occidentale, on sent la fraîcheur d’une culture et d’un mode de pensée différents. Dire que j’attends la suite est un euphémisme !
—
Paru le 5 octobre 2016 – 432 pages
Traduit du chinois par Gwennaël Graffic