Critique

Ensemble séparés de Dermot Bolger : on n’achète pas l’amour

26 septembre 2016
Par Melanie C.
Ensemble séparés de Dermot Bolger : on n’achète pas l’amour
©DR

Si l’on cherche une belle surprise pour cette rentrée littéraire, c’est certainement du côté de l’Irlande qu’elle se trouve. Ensemble séparés, le nouveau roman de l’Irlandais Dermot Bolger, est une merveille d’humanisme intelligent, ne versant jamais dans les bons sentiments prêts à l’emploi. À la fois thriller social, drame familial et fable conjugale, voilà un roman qui stimule notre conscience tout en exaltant nos émotions.

Des bulles prêtes à éclaterEnsemble séparés

En 2007, l’Eire ne le sait pas encore mais ses heures sont comptées, avant d’être balayée par la « crise des subprimes ». Dans cet eldorado de l’immobilier où l’argent coule à flots, nul besoin d’être fortuné pour se mettre à la table du casino et encaisser le jackpot. Mais encore faut-il avoir le sens des affaires et laisser son éthique au vestiaire… C’est dans cette Irlande au bord du gouffre, devenue folle à force de dépenser sans compter un argent qu’elle n’a jamais eu, que Dermot Bolger nous invite à entrer dans l’intimité de Chris et Alice, un couple en crise de la classe moyenne de Dublin, mis à l’épreuve du capitalisme sauvage.

Arnaque fatale

La frustration, la naïveté, la peur de décevoir et surtout un égo dévasté, à force de manquer toutes les bonnes occasions d’acquérir la maison dont rêve Alice, finissent de convaincre Chris, le bon garçon, l’époux modèle, de s’associer à son voisin Ronan, une sorte de Bernie Madoff de supérette, aussi attachant que pathétique. Mais quand on se pose de mauvaises questions, on obtient de mauvaises réponses et on s’expose à l’irréparable. Il faudra un mort parmi les ouvriers clandestins travaillant sur son chantier pour que Chris ouvre les yeux et comprenne enfin la nature profonde du mal qui ronge sa famille.

La dynamique de l’alignement 

Adepte des structures parfois complexes (Le ruisseau de cristal) et du fantastique (Le sort en est jeté), Dermot Bolger choisit cette fois la simplicité et construit son récit à partir de différents points de vue, le long d’une chronologie précise et ramassée. Il dynamise ainsi son intrigue sans jamais la précipiter, ni céder à la moindre facilité scénaristique. Convoquant tout de même quelques fantômes, il excelle à prendre tout le temps qu’il lui faut pour aligner les trajectoires de ses personnages, certes imparfaits mais qui nous ressemblent tant, avec celle d’un pays malade de son insolente réussite.

Amour et conscience sociale

Ensemble séparés est un roman d’une densité limpide. Famille, amour, vieillesse, immigration, spéculation, peur de l’avenir… Les thèmes se multiplient et se télescopent pour donner naissance à une fresque sociale qui ne manque pas de faire écho à nos propres angoisses. Et l’on se prend à résister avec ce couple fusionnel, qui ne sait plus comment s’aimer dans une société où la moindre faiblesse se paie au centuple. C’est à la fois grave et léger, parfois drôle, tantôt tragique, comme la vie ou un film de Ken Loach

Paru le 18 août 2016 – 384 pages

Traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas 

Ensemble séparés, Dermot Bolger (Joëlle Losfeld) sur Fnac.com

Photo de l’auteur © Renaud Monfourny

Article rédigé par
Melanie C.
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