BANDE DESSINÉE – Oubliez les bandes dessinées, aussi réussies et inégales furent-elles, signées Attanasio, Vance ou Coria, Bob Morane entre résolument dans le XXIe siècle !
BANDE DESSINÉE – Lieutenant de l’armée française en poste au Nigéria sous l’égide de l’ONU, Bob Morane est démis de ses
fonctions. On lui reproche d’avoir désobéi aux ordres et, en compagnie du sergent Bill Ballantine, d’être intervenu pour sauver du massacre la famille de l’ancien premier ministre nigérian, Kanem Oussman. Ce dernier, élu peu après président de son pays, entreprend de remercier son sauveur et lui propose d’être son conseiller personnel. Entretemps, le président Oussman a négocié un important contrat entre le Nigéria et la France, via la société high tech, Belfon Institut. Son objectif : faire accéder tous les enfants nigérians à un programme d’éducation global accéléré en échange du minerai enfermé dans le sous-sol du pays. Mais un mouvement radical, en réaction à cette forme de colonialisme moderne, va venir violemment contrecarrer les plans du président, lançant Bob Morane au cœur de la tourmente. Pendant ce temps, Bill Ballantine, végétant dans une prison du fin fond de l’Écosse, reçoit la visite d’une femme mystérieuse, miss Ylang-Ylang.
Oubliez les bandes dessinées, aussi réussies et inégales furent-elles, signées Attanasio, Vance ou Coria, Bob Morane entre résolument dans le XXIe siècle ! Il faut dire qu’Henri Vernes, le créateur du personnage et auteur de plus de 200 romans, avait prévu un spectre large. Du pur espionnage (Mission pour Thulé) à l’aventure lorgnant vers Sir Arthur Conan Doyle (La Vallée infernale), en passant par le récit fantastique (La Vapeur du passé) ou de pur SF (Les Murailles d’Ananké), le terrain de jeu s’avérait large pour les repreneurs du personnage et de sa mythologie devenus cultes. Les deux scénaristes (Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray) et le dessinateur (Dimitri Armand) ont opté pour un ancrage géopolitique très réaliste qui prend rapidement les contours de la série SF, voire dystopique.
Il est cependant un peu tôt pour réellement affirmer que le pari est gagné, car ce premier tome, qui joue beaucoup sur la frustration (Bill Ballantine et Bob Morane ne partagent que quelques scènes ensembles !), s’applique surtout à mettre en place un univers cohérent et des personnages denses. Les auteurs dépeignent un monde qu’on aimerait nous vendre comme manichéen – les gentils pays riches démocrates d’un côté, les méchants extrémistes rétrogrades de l’autre, cet « axe du Mal » si souvent agité avec opportunisme – et y projettent leur héros. Bob Morane, figure monolithique et inflexible, évolue ici en zone grise, laissant au lecteur un doute certain sur le camp choisi.
Planches extraites de Bob Morane – Renaissance, T.1 © Le Lombard – 2015
Cette ambiguïté alliée à un cocktail de SF et de socio-politique prégnant donne un résultat résolument original, où l’on voit déjà poindre les discours sur le néo-esclavagisme, sur la radicalisation terroriste qui mine notre époque, ou sur l’influence sino-économique galopante. 48 pages, c’est court pour rebooter un mythe. Mais rien que l’apparition de Miss Ylang-Ylang ou de celui qu’on croit percevoir comme étant l’Ombre Jaune suffit à notre bonheur et à attiser notre curiosité pour une suite déjà en production (Le Village qui n’existait pas).
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Parution le 30 octobre 2015 – 60 pages en couleurs
D’après l’univers de Vernes
Scénario Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray
Dessin Armand