Critique

Darwin’s Game : bienvenue dans la réalité version 2.0

10 septembre 2014
Par JR Rosny
Darwin’s Game : bienvenue dans la réalité version 2.0

Le Darwin’s Game est un de ces jeux sur smartphone. Alors oui, c’est gratuit ; en revanche, ce qu’on ne vous dit pas, c’est qu’il vous implique corps et âme, et que, même si vous pouvez gagner beaucoup d’argent, vous pouvez aussi mourir.

A l’instar de nombreux personnages de début de série, Kaname Sudo est un lycéen tout ce qu’il y a de plus banal. Il a ses potes, il est passionné de moto et… ben on n’en sait pas beaucoup plus sur lui, en fait, parce qu’il s’aperçoit qu’il a reçu un message.

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Kyoda, c’est le gars qu’on a vu se faire découper quelques pages auparavant. Donc s’il jouait au Darwin’s Game, on commence à se dire que ce n’est pas du même niveau que Candy Crush ™… On a plutôt l’impression de se trouver dans le fabuleux Reset de Tetsuya Tsutsui. Ne se méfiant pas un seul instant, Kaname télécharge l’application.

Le Darwin’s Game est un jeu vidéo développé pour smartphone. Le joueur télécharge une appli, qui lui permettra de se trouver des adversaires – le but étant, apparemment, d’en vaincre le plus possible. Pour son premier combat, il se fait défier par un certain Banda-Boy. Son avatar est vêtu comme la mascotte du club de base-ball de la ville, c’est-à-dire de façon ridicule et affublé d’une énorme tête de panda (cela vous rappelle quelque chose? C’est normal). Le combat débute dans trois secondes ? Pourquoi pas, mais : quelles sont les règles ? Et pourquoi la mascotte du club de base-ball de la ville est-elle assise au bout du wagon de métro… un couteau à la main ?…

Et ce qui n’était qu’un jeu…

Si vous êtes un habitué du genre, vous en avez déjà certainement lu les séries instigatrices que sont Doubt et Judge. Rappelez-vous de Doubt : cette série s’inspire du jeu de société Les Loups-garous de Thiercelieux, dans lequel un loup se cache, qu’il faut démasquer. Ce jeu se vit adapté sur smartphone et connut un véritable engouement au Japon. Sauf que dans Doubt, le loup dévore réellement les joueurs… Concernant Judge, qui y fait écho en surfant cette fois sur les sept péché capitaux, je vous laisse lire l’excellent travail de Sylvain, Fnac Villebon sur le sujet. Puis vint King’s Game (lire la chronique de Sylvain, encore lui), Jeux d’enfants

Darwin’s Game se tient dans la lignée directe de ces séries courtes au suspense effroyable, qui en quelques volumes seulement vous entraînent dans des courses contre la mort. On pourrait se lasser, me direz-vous (je fus le premier à nourrir des a priori négatifs), mais ce Darwin’s Game m’a agréablement surpris ! Ses personnages sont attachants et la situation reste crédible, parfaitement ancrée dans son époque, tout en apportant néanmoins une dimension nouvelle.

En parallèle des duels à mort rapportant de l’argent réel aux vainqueurs, les corps des vaincus disparaissent de bien étrange manière… La police est persuadée d’avoir affaire à de simples vandales, creusant façon pixel-art (pour ceux qui se demanderaient ce que c’est) dans les chaussées de la ville des « espèces de sculptures à forme humaine ». Sauf que les bords sont tellement nets et tranchants qu’elle ne voit aucun outil (pas même de professionnel) capable d’apporter un tel résultat. L’affaire se corse lorsque, à proximité de l’une d’elles, deux enquêteurs découvrent des traces de sang (cf. le sort réservé à notre pauvre Kyudo)…

Sous l’original pseudonyme de FlipFlop’s se cache un duo d’auteurs inconnus en France : Ginko au scénario et Yuki Takahata au dessin. Je gage qu’après avoir fini cette série, ils ne devraient pas rester au chômage bien longtemps ! Le scénario, sous des abords simples (un jeu sur smartphone impliquant le joueur de manière totale, sans aucune échappatoire) promet de partir beaucoup plus loin qu’on ne l’imagine. Notamment grâce à des détails que Ginko n’utilise pas dans ce premier volume. Et que vient faire Darwin dans le titre ? Une simple figuration pour évoquer la survie du plus fort ? Ce serait trop simple : allez jeter un coup d’œil à la scène post-générique. Quant au dessin, rien à redire non plus. Les personnages sont réalistes au possible et évoluent dans un décor hurlant de vérité. Les ambiances sont soigneusement entretenues à l’aide des cadrages hollywoodiens et – chose à laquelle on ne fait pas assez souvent attention – de l’environnement sonore.

« Dans l’atroce silence d’une ville endormie, des bruits de pas se font entendre. Ce sont ceux d’un homme qui n’est pas pressé. Sa future victime, elle, panique. On n’entend que son halètement d’angoisse, entrecoupé d’éclats de voix à l’intention de son bourreau. Puis le sifflement de l’arme. Une fois. Deux fois. La tâche accomplie, le silence revient. A l’avant-scène un train passe dans un tonnerre assourdissant, éclairant de manière stroboscopique la macabre conclusion de cette scène. De trois quarts arrière, un homme en tenue de base-ball se tient debout, tenant encore le couteau ensanglanté… »

Tout ça ne serait pas arrivé sur un Nokia 3310, croyez-moi. 

Article rédigé par
JR Rosny
JR Rosny
libraire spécialisé BD à Fnac Rosny
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