Critique

Nicodémus Red est là : Indiana Jones n’a qu’à bien se tenir

21 mai 2013
Par JR Rosny
Nicodémus Red est là : Indiana Jones n'a qu'à bien se tenir

« Les dragons se sont réfugiés dans les montagnes de glace.
A l’écart des hommes qu’ils ont combattus pendant des siècles.
Et c’est bien mieux ainsi…
Il ne faut pas les réveiller. »

 

 

*musique puissante, voix caverneuse* Nicodémus Red. Le nom seul fait trembler les brigands. Tremblez à son approche, manants, terrez-vous dans vos turnes !

Nicodémus est un aventurier moderne, un justicier chevronné. Il est l’ami du peuple, il protège la veuve et l’orphelin (et sa grande sœur). Il est donc tout naturel que l’on fasse appel à lui lorsqu’une chasse aux dragons est organisée. Cette chasse, élaborée comme une course, est fomentée par – je cite – « les incapables qui nous gouvernent ». Nicodémus se doit d’être le représentant des âmes nobles – en effet, il n’en croisera pas beaucoup durant sa quête. Aidé par de valeureux compagnons, les voilà embarqués dans un sous-marin, direction le pays des dragons.
La team de Nicodémus se compose d’un médecin militaire confirmé (comprenez qu’il est vieux et susceptible) et de Renard de nuit, un jeune « orphelin des grandes forêts ». Les équipages concurrents sont aussi divers que variés, tout en dépoussiérant quelques clichés : les hommes de sciences, plus très jeunes mais encore verts ; le chasseur Wild Bill, qui rêve d’ajouter une tête de dragon à sa collection de trophées de chasse ; une comtesse, aussi belle qu’elle semble cruelle ; et bien entendu le baron Van Munchen, vil séducteur et seul à être vêtu de noir (en gros, lui, c’est le méchant).

Le lecteur naviguera d’une équipe à l’autre, sans perdre de vue que Nicodémus est quand même le héros de l’album. La blonde légèrement vêtue sur la couverture est un personnage qui s’ajoutera au groupe de Nicodémus : une belle autochtone peut toujours être utile, en terrain complètement inconnu.

Le dessin est chaleureux, coloré ; la couleur noire est presque bannie : à peine une ou deux coiffures ébène ici et là (en plus du méchant baron). Tout le reste participe à l’ambiance proposée : des tons froids sous la neige ; mordorés sous le crépuscule de Londres. Vous allez me dire, ça paraît logique : mais tout le monde ne réussit pas aussi bien les ambiances. Puis les éléments kitsch surviennent : les protagonistes ne semblent en effet pas suivre cette logique de tons accordés. Je m’explique. Le lecteur sent parfaitement, rien que grâce à la couleur, le ton de la page, et peut même s’en imaginer volontiers la bande-son. En revanche, les personnages semblent collés sur ces décors si vivants. Et ce n’est pas un reproche, entendons-nous bien : cet effet renforce leur présence au sein de la case, voire de la page elle-même. En lisant Nicodémus Red, j’ai l’impression de regarder un bon film des années 1990 (je vous parle d’un temps…), et la joie ressentie est presque irrépressible.
Les personnages sont très expressifs, la mise en page résolument moderne. On a là un ouvrage qui souhaite parler ouvertement au plus grand nombre, et, à mon humble avis, les deux auteurs ne se méprennent pas sur ce qu’ils font.

Crisse et Maba s’amusent comme des petits fous à nous raconter cette histoire plutôt trépidante. Ici l’imaginaire règne en maître, et rien ne pourra l’en déloger. Dès la couverture, on ressent l’ambiance steampunk qui se dégage. D’un autre côté le nom de la collection, Fantasy Factory, peut également mettre la puce à l’oreille. Il est à noter, pour ceux que cela intéresse, que la Fantasy Factory est une collection spécialement créée par Crisse lui-même pour Ankama. Il est donc normal qu’il en signe le premier album, ce que l’on ne pourra lui reprocher.

Un premier tome plein de fraîcheur (il fait même carrément froid à un moment) et de promesses ! Gageons que Crisse et Maba sauront tenir leurs engagements.

Article rédigé par
JR Rosny
JR Rosny
libraire spécialisé BD à Fnac Rosny
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