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Kendrick Lamar, ou l’histoire d’un roi (du rap) qui n’en finit pas de triompher

10 juin 2022
Par Lisa Muratore
Kendrick Lamar, ou l’histoire d’un roi (du rap) qui n’en finit pas de triompher
©PgLang

Kendrick Lamar est de retour depuis le 13 mai dernier, avec un album aussi engagé qu’intime, Mr. Morale & The Big Steppers. L’occasion de revenir sur la carrière de celui qui s’auto-proclame « le roi du rap » et qui a redonné un nouveau souffle au rap américain.

Il a partagé la scène du Super Bowl aux côtés des pointures des années 1990 : en février dernier, Kendrick Lamar a performé en live les tubes hip-hop les plus emblématiques de ces 30 dernières années avec Eminem, Snoop Dog, Dr.Dre, Mary J. Blige et 50 Cents.

En seulement une décennie, Kendrick Lamar est parvenu à se faire un nom dans le milieu du rap US. Et à mettre tout le monde d’accord. Sa verve aussi cinglante qu’engagée a fait de l’artiste un véritable phénomène. Surnommé le « roi de la West Coast », le rappeur enchaîne les succès depuis 2010. Des mixtapes aux collaborations, en passant par plusieurs labels, il bénit ses fidèles de ses titres dorénavant cultes, comme HiiiPoWeR (2011), Bitch, Don’t Kill my Vibe (2012) ou encore Humble (2017). Snoop Dog ou encore Eminem ne tarissent pas d’éloges à son sujet.

Après quatre ans de pause, il est de retour avec un cinquième album, Mr. Morale & The Big Steppers. Une bénédiction pour ses fans, dans la lignée de ses précédentes créations ; et un nouveau succès pour l’un des artistes les plus prolifiques de sa génération.

Un artiste qui a toujours baigné dans le rap

Après avoir été élevé dans la même banlieue californienne que le groupe mythique NWA, Kendrick Lamar a assisté en 1995 au tournage du clip California Love. Il rencontre alors l’une de ses idoles : Tupac Shakur. Un moment décisif pour l’artiste, qui s’est mis, dès l’âge de 16 ans, à produire ses premiers morceaux.

En 2003, il sort la mixtape Youngest Head Nigga in Charge (Hub City Threat: Minor of the Year), qu’il publie sous le pseudonyme K-Dot. Deux ans plus tard, alors qu’il a signé un contrat d’enregistrement avec Top Dawg Entertainment, il sort une deuxième mixtape, Training Day.

On retrouve dans ces premiers morceaux les influences du gansta rap, un genre et une culture initiés par le groupe d’Ice Cub, que Kendrick Lamar découvre aussi grâce à sa famille, originaire de Chicago, après qu’elle a dû quitter la ville de l’Illinois pour fuir un gang auquel appartenait le père. Amateurs de soirées et de rap, les parents de l’artiste lui ont transmis leur goût pour le hip-hop. C’est le début d’une passion intarissable et le chanteur, entre 2006 et 2009, multiplie les tournées, les collaborations et les mixtapes. Au début des années 2010, il troque son nom de scène, K-Dot, contre celui de Kendrick Lamar.


Un rappeur adoubé par ses pairs

À partir de ce moment-là, tout s’enchaîne pour ce jeune prodige du rap, adoubé par la critique grâce à son premier album, Section 80 (2011). Le grand public, quant à lui, le découvre à partir de 2012 grâce au tube Swimming Pools, que l’on retrouve sur son deuxième album, Good Kid, M.A.A.D City (2012) – certifié disque de platine.

Mais ses textes et ses rimes séduisent aussi les ténors du hip-hop. Il est rapidement repéré par Snoop Dog et Dr. Dre – ce dernier le signe même sur son label, Aftermath Entertainment. C’est aussi le cas d’Eminem, avec qui il collabore sur son huitième album, The Marshall Mathers LP 2 (2013), ou encore de Kanye West, aux côtés de qui il participe à la tournée Yeezus Tour.

Par sa prose politiquement et socialement engagée, Kendrick Lamar impose donc le respect à ses pairs. Il n’hésite pas à évoquer l’adolescence, l’addiction, la religion ou encore les violences conjugales et policières, et plaide, dans ses chansons, en faveur des considérations Black Lives Matter – son titre Alright (2015) deviendra d’ailleurs l’hymne du mouvement.

Cette chanson est en partie censurée lors de la 58e cérémonie des Grammy Awards, en 2016, où il remporte notamment le prix de la meilleure performance rap, celui de la meilleure chanson rap, et celui du meilleur album de rap pour son troisième disque, To Pimp a Butterfly (2015).

L’année suivante, en 2017, il annonce son quatrième album, DAWN, pour lequel il reçoit le prix Pulitzer dans la catégorie musique, une première pour un chanteur de hip-hop. On y retrouve le morceau Humble, mais aussi de nombreux featurings – Rihanna, U2, etc. Preuve de l’éclectisme dont a toujours témoigné Kendrick Lamar au cours de sa carrière, après avoir collaboré sur des remix avec Imagine Dragons et Taylor Swift, respectivement pour les morceaux Radioactive et Bad Blood.

Toujours dans cette démarche, il signe en 2018 la bande-son du film Black Panther. Une opportunité de se diversifier pour le chanteur, de gagner un plus large public, mais surtout d’appuyer encore une fois son message en faveur de la communauté afro-américaine.

Un 5e album dans la digne lignée des précédents

On retrouve ces motivations dans son cinquième album, Mr. Morale & The Big Steppers, sorti le 13 mai dernier. Avant sa diffusion, il avait partagé le titre The Heart Part 5, suite d’une longue série de singles, dans lequel il utilise un sample de Marvin Gaye, ainsi que le deepface pour prendre l’apparence de plusieurs personnalités de la culture afro-américaine. Si le morceau ne fait pas partie de l’album, il impose l’identité politique qu’a toujours voulu faire passer l’auteur-compositeur à travers ses chansons.

Néanmoins, Kendrick Lamar s’essaie aussi à de nouvelles thématiques dans cette création, où il fait preuve d’introspection. Il parle ainsi de son rôle de père dans Father Time. L’opportunité pour le rappeur âgé de 34 ans d’évoquer l’éducation virile et la masculinité toxique. Il aborde également le sexe – notamment dans Mother Sober – la pandémie, l’argent et la santé mentale (United in Grief). Autant de sujets intimes qui renvoient une image plus mature, mais aussi plus tourmentée, de ce fin observateur de la société.

Les rimes sont toujours aussi accrocheuses et travaillées, à l’image de ses précédents albums et de ses clips toujours aussi fascinants. Avec Mr. Morale & The Big Steppers, le résultat d’un travail acharné et audacieux, Kendrick Lamar signe donc un retour flamboyant, dans lequel textes et sonorités – entre claquettes et piano – inspirées de la soul et du hip-hop, se mélangent intelligemment. Une virtuosité dont seul ce « roi du rap » a le secret, et qui a déjà séduit de nombreux utilisateurs – au point de faire planter les sites d’Apple Music et de Spotify au moment de sa mise en ligne !

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste