L’artiste Safdar Ahmed raconte et dénonce la politique d’immigration australienne dans un roman graphique poignant – et nécessaire.
Safdar Ahmed est artiste et musicien – il est le chanteur et guitariste du groupe de death metal Hazeen. Il a co-fondé le collectif artistique Refugee Art Project, et est membre d’Eleven, un collectif d’artistes australiens musulmans. Il exerce aussi le métier d’éducateur. Il a déjà fait paraître Reform and Modernity in Islam (IB Tauris, 2013), et la bande dessinée documentaire publiée en ligne Villawood. Chroniques d’un centre de détention pour migrants (2015).
Nous sommes encore en vie constitue une nouvelle plongée dans l’enfer de Villawood, ce centre de détention pour migrants à côté de Sydney, en Australie. Ce roman graphique à portée documentaire emprunte ses codes au journalisme littéraire, et mêle la voix de l’observateur à celles des migrants qu’il rencontre et qui racontent leur histoire et leurs conditions de vie.
C’est en 2011 que Safdar Ahmed découvre Villawood. Frappé par la solitude et la détresse de celles et ceux qu’il y croise, il décide d’y animer un atelier de dessin. Il retournera à Villawood toutes les semaines pendant six ans. Ces heures de partage permettent alors à l’artiste de se faire le confident et l’ami des migrants enfermés – mais aussi un témoin précieux des supplices qu’ils endurent.
Enquête rigoureuse et complète, Nous sommes encore en vie renseigne efficacement sur un système juridique d’une violence entre trop méconnue. Et si c’est la politique d’immigration australienne qui est au cœur du récit, l’inhumanité des politiques migratoires dans leur ensemble est bel et bien soulignée – des États-Unis à la Hongrie en passant par Calais.
Aussi puissante que sensible, l’œuvre de Safdar Ahmed informe autant qu’elle dénonce. Et si sa mise en cause du système de détention australien réservé aux migrants résonne avec une rare profondeur, l’artiste n’oublie pas de ponctuer son texte et ses dessins d’indispensables touches d’humour noir.