Entretien

Joël Dicker : “La série est le meilleur format pour adapter un livre de manière fidèle”

26 mars 2022
Par Agathe Renac
Joël Dicker était présent à l’édition 2022 du festival Séries Mania.
Joël Dicker était présent à l’édition 2022 du festival Séries Mania. ©Gaël Leitao pour Séries Mania

À l’occasion du festival Séries Mania, qui se déroulait du 18 au 25 mars à Lille, L’Éclaireur a rencontré l’auteur à succès Joël Dicker. L’occasion d’évoquer avec lui son dernier roman, mais aussi son rapport aux séries.

Votre dernier livre, L’Affaire Alaska Sanders, est sorti il y a deux semaines. Dans quel univers nous plongez-vous, cette fois ?

C’est l’histoire d’Alaska Sanders. Cette jeune femme de 22 ans veut devenir actrice. Elle a passé des castings plutôt prometteurs et des producteurs l’ont contactée. La prochaine étape de sa vie, c’est New York et Los Angeles pour percer et faire la carrière qu’on lui prédit. Mais, pour une mystérieuse raison, elle décide de tout plaquer et d’aller dans un tout petit village du New Hampshire où elle trouve un emploi dans une station-service. Après quelques mois là-bas, elle est assassinée. L’enquête commence en 1999, et elle est menée par un policier. Elle sera rouverte 11 ans plus tard et trouvera une conclusion grâce au duo Perry Gahalowood et Marcus Goldman. Ceux qui ont lu La Vérité sur l’affaire Harry Quebert les connaissent déjà, car ce sont le flic et l’écrivain du livre. Et ils repartent pour une nouvelle enquête. L’affaire Alaska Sanders est dans la continuité de cette œuvre, et elle est suivie par Le Livre des Baltimore. Les trois forment une trilogie, mais on peut les lire indépendamment les uns des autres.

Votre best-seller L’affaire Harry Quebert avait d’ailleurs été adapté en série. Que retenez-vous de cette expérience ?

Je n’étais pas très impliqué, mais c’était mon choix. Jean-Jacques Annaud m’a demandé ce que je voulais faire et je lui ai dit que je voulais participer uniquement en tant que spectateur. Je voulais être à ses côtés et comprendre comment il travaille, comment on fait une série télé et un film. J’utilise ces deux mots car elle a été tournée comme un film : ce n’était pas épisode par épisode, mais décor par décor. C’est une approche différente de la plupart des séries. C’était une expérience de vie passionnante et extraordinaire. J’ai beaucoup aimé le résultat, mais je ne me dis pas que je vois mon livre s’animer. Je me dis que je regarde une série télévisée, et c’est encore plus plaisant, car j’en profite vraiment.

« Si on veut adapter les œuvres écrites de manière fidèle, le meilleur format est celui de la série. »

Joël Dicker

Si vos autres livres sont adaptés, vous privilégierez donc le format sériel aux films ?

Ça dépend de ce qu’on veut faire. Par exemple, avec Harry Quebert, ça aurait été très difficile de l’adapter en film. Je n’en ai pas vu qui rendent justice à un livre. Un film, c’est deux heures. On peut difficilement raconter toute l’histoire dans ce laps de temps. Une des rares bonnes adaptations que j’ai vue, c’est Gone Girl par David Fincher. Elle est très fidèle et très réussie, mais elle dure trois heures. Pour moi, ce serait impossible de raconter toute l’intrigue d’Harry Quebert en si peu de temps. Si on veut adapter les œuvres écrites de manière fidèle, le meilleur format est celui de la série. Après, si on veut passer par le film, on peut très bien décider de se focaliser sur un bout de l’histoire, ce qui peut se tenir d’un point de vue créatif.

« Le feuilleton audio nous permet de mettre notre patte dans le processus de création. »

Joël Dicker

Vos livres ont aussi été adaptés en série audio. Que pensez-vous de ce nouveau format, qui est en train de devenir un véritable phénomène ?

Harry Quebert a été une super adaptation audio par France Culture, tout comme La Disparition de Stephanie Mailer, par Sybel. J’aime bien ce format, car il me ramène aux feuilletons que j’écoutais quand j’étais enfant. Je me souviens que j’en suivais un le dimanche soir, avant de m’endormir. Ces séries audio sont intéressantes, car ce sont de vraies adaptations et pas uniquement des lectures. Le texte est joué par des comédiens, avec des bruitages, etc. J’aime beaucoup ce côté “hybride”, et j’utilise ce mot avec beaucoup de respect. On est à la fois dans l’art oral, on raconte quelque chose à travers le jeu, mais il n’y a pas de visuel, donc l’auditeur imagine tout. J’aime bien l’idée d’être dans un schéma qui laisse toute sa place à l’imaginaire. Quand on regarde une série, on voit tous la même chose, ce sont les mêmes images. Mais le feuilleton audio nous permet de mettre notre patte dans le processus de création.

Quel est votre rapport aux séries ? Vous êtes un sériephile ? Plutôt séries américaines, françaises… ?

Je ne suis pas un gros consommateur. J’en regarde peu, car je n’ai pas vraiment le temps. Mais je suis tout type de séries, j’en regarde des françaises, des américaines, ou encore des danoises. J’ai vu Ozark, Narcos… Je n’ai pas de religion en ce qui concerne les séries, je regarde tout ce qui me plaît. Après, je ne suis pas trop du genre à les binge-watcher. Il faut avoir du temps pour bien les regarder. Je n’aime pas trop l’idée de tout regarder d’un coup, car j’ai l’impression de gâcher le travail et le plaisir de voir un épisode.

Après le succès de Lupin, La Chronique des Bridgerton ou encore Le Jeu de la dame, les ventes des livres originaux ont explosé. Pensez-vous que les séries sont un bon moyen d’intéresser les jeunes à la littérature ?

Je ne suis pas convaincu par cette idée. Je pense que ce sont deux temps différents, qui ne se réalisent pas au même moment. On pensait que les livres demandaient une certaine concentration, assis sur son canapé, et que les séries étaient faciles à consommer. Mais finalement, c’est l’inverse. La lecture peut se faire partout : dans le bus, dans le métro… On lit quelques pages par-ci par-là pour combler des petits moments de vide et d’ennui dans la journée. Et, au contraire, les séries demandent du temps. On s’installe sur son canapé, on y met toute notre attention. Ce sont deux choses différentes qui peuvent se nourrir l’une de l’autre, mais je ne pense pas qu’elles peuvent s’appeler. Il faut choisir son moment.

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Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste
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